Anémie : quels diagnostics étiologiques ?

Serge Cannasse

Auteurs et déclarations

24 octobre 2022

France— L’anémie est responsable d’un certain nombre de symptômes (essoufflement, tachycardie, asthénie, etc), mais le plus souvent sa clinique oriente peu vers son étiologie. Lors des Journées Nationales de Médecine Générale (JNMG 2022) qui se sont déroulées à Paris mi-octobre, le Dr Emmanuel Raffoux (hôpital Saint Louis, Paris) est revenu sur les étapes de la démarche diagnostique[1]. Une démarche qui commence par une lecture très attentive de l’hémogramme, dont deux données sont essentielles :

  • le volume globulaire moyen (VGM) indique une anémie normocytaire s’il est compris entre 80 et 100 fL (femtolitres), microcytaire en dessous de 80 fL, macrocytaire au-dessus de 100 fL. Il est complété par la concentration corpusculaire moyenne en hémoglobine (CCMH), normale entre 31 et 38 g/dL, déterminant le caractère normochrome ou hypochrome de l’anémie.

  • Le taux de réticulocytes. L’anémie est régénérative quand il est supérieur à 120.000/mm3, arégénérative quand il est inférieur à 120.000/mm3.

Anémie microcytaire

Le dosage de la ferritine est l’examen biologique fondamental.

  • L’anémie par carence martiale en est la cause la plus fréquente. Elle est microcytaire, hypochrome et arégénérative.

Les symptômes anémiques sont associés à des troubles des phanères (ongles et cheveux cassants), des muqueuses (brulures d’estomac, langue dépapillée), une sécheresse cutanée, des perlèches.

La ferritine est constamment diminuée. En cas de difficulté d’interprétation, l’examen est complété par le dosage de la transferrine, augmentée, et le coefficient de saturation de la transferrine, diminué, qui signe la carence martiale.

Le diagnostic étiologique est orienté par le contexte :

Causes digestives chez les hommes et les femmes ménopausées, nombreuses (cancers, maladie cœliaque, etc), explorées par fibro et gastroscopie, parfois vidéocapsules (pour l’intestin grêle).

Causes gynécologiques chez les femmes en âge de procréer.

Carences d’apport et malabsorptions chez les enfants et adolescents.

  • Anémie inflammatoire. Elle est microcytaire, hypochrome arégénérative ou normochrome normocytaire.

Le taux de ferritine est le plus souvent normal, mais parfois il est augmenté. Il y a une hyperplaquettose.

Les étiologies sont constituées de toutes les causes d’inflammation.

  • Anémie hypersidérémiqueFer et ferritine sont augmentés. Les principales étiologies sont les maladies congénitales (trait thalassémique) et les intoxications (saturnisme).

Anémie macrocytaire

Le diagnostic peut être orienté par la clinique (médicaments, hypothyroïdie, alcoolisme chronique, etc). Le bilan biologique de première intention peut comprendre un test de Coombs, un dosage des folates, de la vitamine B12 et éventuellement de l’homocystéine. En cas de doute, un myélogramme est indiqué.

L’anémie macrocytaire a trois causes principales.

  • Carence en  vitamine B12. Les anémies sont macrocytaires (avec souvent un VGM supérieur à 120 fL), arégénératives et normochromes, accompagnées d’une leuconeutropénie et d’une thrombopénie plus ou moins prononcées, de la présence de mégaloblastes au myélogramme et de LDH très élevées.

La clinique est riche : glossite de Hunter, atteintes neurologiques (sclérose combinée de la moelle, avec syndrome pyramidal et cordonal postérieur), voire démence (qui est la seule démence curable, par supplémentation en vitamine B12).

Les principales étiologies sont :

  • La maladie de Biermer ou gastrite atrophique autoimmune (diagnostiquée par gastroscopie, qui recherche également un cancer associé, très fréquent). Elle est traitée par supplémentation en vitamine B12 en IM : le défaut de facteur intrinsèque empêche en principe la voie orale, sauf si les doses sont très fortes et quotidiennes.

  • Les maladies inflammatoires du tube digestif, la chirurgie digestive.

  • Carence en folates, due à une carence d’apport, un éthylisme chronique, une gastrectomie, ou certaines maladies digestives (maladie cœliaque, maladie de Whipple, …).

  • Anémie hémolytique, le plus souvent macrocytaire régénérative, parfois normocytaire normochrome. La clinique est le plus souvent riche (ictère, fièvre, etc). La biologie montre une hyperbilirubinémie, des LDH élevées et une haptoglobine effondrée. Le recours à l’hématologue est indispensable pour le diagnostic étiologique (maladie autoimmune, saturnisme, hémoglobinopathie, etc).

Anémie normocytaire

Si elle est régénérative, il s’agit d’une anémie hémolytique ou post hémorragique.

Si elle est arégénérative, il s’agit d’un déficit en érythropoïétine, par néphrectomie ou insuffisance rénale, même modérée.

En cas de difficulté diagnostique, un myélogramme est indiqué :

  • Moelle riche : leucémie aiguë, lymphome, myélome.

  • Moelle pauvre : l’exploration se fait en milieu spécialisé, les causes étant nombreuses.

 

Cet article a été initialement publié sur Univadis.fr, membre du réseau Medscape. Adapté par Aude Lecrubier.

 

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