Vers une suppression des cotisations pour les médecins retraités en activité

Jacques Cofard

Auteurs et déclarations

21 octobre 2022

Paris, France—Le lundi 10 octobre dernier, un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale 2023 a été adopté, qui risque de chambouler la profession.

Pour inciter les médecins retraités à poursuivre leur activité, les députés auteurs de cet amendement, dont le professeur Philippe Juvin, ont décidé de supprimer, pour ces médecins en activité, le versement de cotisations à la caisse autonome de retraite des médecins de France (Carmf).

La situation était en effet absurde : ces médecins versaient des droits sans pour autant pouvoir en bénéficier. L'amendement en question stipule que « les médecins bénéficiaires d’une pension de vieillesse qui continuent l’exercice libéral de la médecine sont exonérés des cotisations de retraite auprès de la Caisse autonome de retraite des médecins de France ».

L'amendement ajoute que la « perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services ».

Rien n'est toutefois prévu pour compenser les pertes engendrées pour la Carmf. Les députés justifient l'adoption de cet amendement en arguant du fait que tous les « territoires de France connaissent une pénurie de médecin. [...] L’Ile-de-France, premier désert médical en France avec plus de 96 % du territoire considéré comme une zone d’accès aux soins difficile, compte par exemple près de la moitié de ses médecins libéraux en activité à plus de 60 ans, et un quart à plus de 65 ans. Dans ce contexte, il est tout à fait anormal que les médecins libéraux en cumul emploi-retraite continuent à payer des cotisations retraites ne leur ouvrant aucun droit supplémentaire. Cela représente en moyenne 9 850 euros de cotisation annuelle pour un médecin en secteur 1 et 16 443 euros pour un secteur 2 avec pour principale conséquence de les désinciter fortement à poursuivre leur activité. »

Ils poursuivent en remarquant que l'adoption de cette mesure a fait ses preuves « lors de la crise sanitaire de la Covid-19, où elle avait été brièvement mise en place et avait contribué au retour en activité de plusieurs centaines de médecins ».

Les députés pensent que cette mesure peut inciter les quelque 21 554 médecins retraités de moins de 70 ans à reprendre leur activité.

En marge du colloque de la Carmf organisé à Paris ce 15 octobre, Medscape édition française a demandé au Dr Thierry Lardenois, président de la caisse de retrait, ce qu'il pensait de cette mesure, et de l'avenir du régime de retraite des médecins français.

Medscape édition française : Quels ont été les thèmes abordés lors de votre colloque ?

Dr Thierry Lardenois : Nous avons abordé essentiellement des thématiques liées à l'âge de la retraite, et ce qui est compatible pour les médecins avec un départ à la retraite.

Avez-vous pris des décisions ?

Dr Thierry Lardenois :  Non c'est à l'État de prendre des décisions. Mais, je pense que les médecins doivent partir à la retraite quand ils veulent à partir de 62 ans. Je suis pour ouvrir un espace de libertés, je suis contre ces plafonds que l'on n’arrive jamais à atteindre, je suis pour les planchers solides au-dessous des pieds.

Le cumul emploi-retraite a été considérablement assoupli qu'en pensez-vous ?

Dr Thierry Lardenois : Le cumul emploi-retraite est actuellement en vogue dans la société et je trouve ça très bien. Les collègues veulent faire du cumul emploi retraite et c'est tout à fait positif ! Les confrères nous disent qu'il n'est pas juste qu'ils cotisent sans pour autant bénéficier de droits, ils ont raison. Mais c'est une mesure qui est effective depuis 2008, l'ensemble des Français qui ont liquidé leur droit paient des droits quand ils décident de faire du cumul emploi retraite. L'État en a décidé ainsi, ce n'est pas moi. Mais si demain on supprime les cotisations des cumul emploi retraite pour les médecins, il va falloir trouver des crédits pour compenser ces sommes perdues pour la Carmf. D'après les estimations qui sont en notre possession, si cette mesure est prise, cela équivaudrait à une baisse de 8% du point.

 
Les collègues veulent faire du cumul emploi retraite et c'est tout à fait positif !
 

C'est important comme baisse...

Dr Thierry Lardenois : Oui, en effet, ce serait une baisse importante, mais une caisse de retraite n'a pas le droit d'être en déficit, il faut donc que les entrées équilibrent les sorties. Au jour d'aujourd'hui nous avons des entrées probablement injustes, car une cotisation sans droit, c'est un impôt, mais néanmoins ces cotisations ne sont pas jetées à la poubelle, elles sont remises dans un pot commun, donc elles abondent et soutiennent la valeur du point. Si l'on supprime ces cotisations, le point ne sera plus soutenu de la même façon et il faudra donc trouver d'autres entrées. Je milite pour ma part pour que ce soit l'État qui prenne en charge ce problème, soit en abondant directement, et en finançant le coût de cette exonération par une somme qui nous serait reversée à due concurrence, soit en laissant les confrères en cumul emploi retraite continuer de payer leur cotisation, mais en leur accordant une exonération fiscale. Nous considérons que la profession ne doit pas financer un fait qui est de l'ordre de l'intérêt public.

Vous en avez parlé au ministère de la santé ?

Dr Thierry Lardenois : Oui bien sûr, François Braun, ministre de la santé est au courant. Mais, nous n’avons pas réponse.

 

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