Paris, France — Pendant la péri-ménopause, l’alternance des phases d’hypoestrogénie et d’hyperestrogénie ne permet pas d’envisager un traitement hormonal de la ménopause (THM). Un traitement par progestérone seule (Duphaston®) dix jours par mois est toutefois recommandé en cas de troubles du cycle pour réduire le risque de cancer de l’endomètre lié à l’hyperestrogénie, a rappelé la Dr Sandrine Pérol (service de gynécologie médicale, hôpital Cochin, AP-HP, Paris), lors des Journées nationales de médecine générale (JNMG 2022) [1].
S’il permet d’avoir des règles plus régulières, le traitement substitutif par progestatif reste peu efficace pour traiter les signes climatériques, comme les bouffées de chaleur, survenant pendant les phases d’hypoestrogénie, a précisé la gynécologue. « Les symptômes d’hypoestrogénie de la périménopause sont très compliqués à gérer », tant que les règles persistent, ce qui sous-entend que la production d’estrogènes n’a pas encore cessé.
Règles irrégulières et ménorragies
La périménopause, qui précède la ménopause, résulte de fluctuations hormonales importantes. Cette période, qui peut être « très compliquée pour les femmes », se manifeste par des troubles climatériques (bouffées de chaleur, sécheresse vaginale, troubles de l’humeur…) et des anomalies du cycle menstruel, avec des règles très irrégulières et parfois abondantes (ménorragie), pouvant durer quelques années avant la ménopause.
L’absence de règles peut persister plus de trois mois avant une reprise des saignements, souvent de manière abondante, ce qui pousse en général les patientes à consulter. Lorsque les cycles sont marqués par des interruptions de règles de plus de trois mois, « on estime que la ménopause arrive dans un délai de quatre ans ».
On distingue trois phases de périménopause plus ou moins marquées:
Raccourcissement de la phase folliculaire, qui se traduit par une baisse des estrogènes (cycles menstruels plus courts);
Raréfaction des follicules et altération du corps jaune, qui produit moins de progestérone (cycles plus courts et plus longs);
Disparition des follicules et maturation folliculaire incomplète liée à une baisse de sensibilité à la FSH (cycles plus longs).
Le déséquilibre hormonal se manifeste par des cycles irréguliers et des signes à la fois d’hyperestrogénie (tensions mammaires, ménorragie, prise de poids, troubles de l’humeur…), en partie consécutive à la diminution de progestérone, et d’hypoestrogénie (bouffées de chaleurs, sueurs nocturnes, asthénie, sécheresse vaginale dyspareunie…), en raison de la perte de fonction ovarienne.
Pour rappel, la ménopause est confirmée après par une absence de règles pendant 12 mois consécutifs.
Risque d’hyperplasie endométriale
Etant associées à un faible niveau de progestérone, les phases d’hyperestrogénie ont tendance à provoquer une hyperplasie endométriale, facteur de risque majeur de cancer de l’endomètre, a rappelé la Dr Pérol. L’hyperestrogénie est aussi associée à un sur-risque de cancer du sein. Au niveau ovarien, le déséquilibre hormonal favorise la formation de kystes fonctionnels.
Pour traiter les troubles du cycle et réduire le risque de cancer de l’endomètre, il est recommandé d’administrer de la progestérone pendant dix jours par mois, en deuxième partie de cycle, a indiqué la gynécologue. Le traitement substitutif permet de réguler les cycles, en induisant des saignements plus réguliers, mais aussi de limiter les symptômes d’hyperestrogénie. En cas de douleurs mammaires, un traitement local par progestérone en application quotidienne peut être prescrit.
« Le traitement séquentiel substitutif en progestérone a aussi l’avantage de permettre d’y voir plus clair sur le statut hormonal des patientes les plus symptomatiques », précise la Dr Pérol. Si les saignements ne reviennent pas pendant plusieurs mois consécutifs, ce qui suggère une absence de sécrétion d’estogène, « la patiente est probablement ménopausée ».
Selon la gynécologue, ce traitement par progestérone fait donc office de test pour valider plus rapidement un traitement hormonal de la ménopause (THM) chez ces femmes, dont la qualité de vie s’est fortement dégradée en raison des symptômes liés au déséquilibre hormonal. « Il faut toutefois rester vigilant sur l’apparition éventuelle de signes d’hyperestrogénie ».
Traiter le syndrome génito-urinaire
Tant que la synthèse d’estrogène persiste, le THM n’est pas indiqué puisqu’il apporte de l’estrogène (estradiol) avec la progestérone. Dans le cas du traitement des symptômes d’hypoestrogénie survenant au cours de la périménopause, les options sont donc limitées. Seuls des traitements locaux par estrogènes sont préconisés, notamment pour traiter une sécheresse vaginale.
« Le syndrome génito-urinaire a tendance à être négligé ». Ce syndrome, qui s’observe fréquemment dès la périménopause, se traduit par des brûlures et une sécheresse vaginales, des dyspareunies, des troubles sexuels, ainsi que des troubles urinaires, comme une incontinence ou des infections urinaires à répétition.
Selon les dernières recommandations du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) et du Groupe d'étude sur la ménopause et le vieillissement hormonal (GEMVI), les estrogènes par voie locale sont à privilégier dans le traitement du syndrome génito-urinaire de la ménopause. La pratérone (Intrarosaest®), un précurseur inactif des stéroïdes qui se convertit localement en estrogènes et en androgènes, est présentée comme une alternative efficace contre la dyspareunie. Les lubrifiants, hydratants et acide hyaluronique par voie vaginale améliorent également les symptômes.
Chez les femmes potentiellement en périménopause et prenant une contraception par microprogestatif orale ou par dispositif intra utérin (DIU) libérant du lévonorgestrel (Mirena®), il est recommandé de stopper la contraception pour évaluer l’état des cycles menstruels. « Si la patiente ne retrouve pas ses règles au bout de six semaines, le traitement par progestérone 10 jours par mois peut débuter ».
Dans tous les cas, il est préférable de maintenir une contraception après avoir initié le traitement substitutif par progestatif, le risque de grossesse n’étant pas nul, a rappelé la gynécologue. Il est alors conseiller de recourir au DIU simple en cuivre ou au préservatif.
THM: quel schéma thérapeutique?
Lorsque le THM est envisagé après plusieurs mois d’aménorrhée sous progestérone, la voie transdermique est à privilégier pour administrer les estrogènes (gel ou patch), a rappelé la Dr Pérol. En France, le traitement par estrogène disponible est d’origine naturelle (17β-estradiol). La progestérone associée est d’origine naturelle (Utrogestan®, Estima®) ou synthétique (Duphaston®). Les macroprogestatifs (pregnane et norpregnane) n’ont plus leur place dans la prise en charge de la ménopause, en raison du risque de méningiome.
Le schéma thérapeutique de la THM est variable selon les attentes des patientes. Chez les femmes qui préfèrent maintenir leur règles, il convient de prescrire un traitement séquentiel discontinu (estrogène de J1 à J 25/progestérone de J12 à J25) ou continu (estrogène tous les jours/progestérone de J14 jusque’à la fin du mois).
Chez les femmes qui ne veulent pas de saignements, le traitement est combiné, soit en discontinu (estrogène et progestérone de J1 à J25), soit en continu (estrogène et progestérone tous les jours du mois). Avec le traitement combiné discontinu, « la patiente ne va pas être imprégné d’hormone pendant cinq jours, ce qui est probablement mieux pour le sein ». Le schéma continu peut être prescrit si les bouffées de chaleur ou autres symptômes reviennent pendant cette fenêtre thérapeutique.
Dans tous les cas, pendant la ménopause, « la progestérone doit être administrée au moins 12 jours par mois pour éliminer le risque de cancer de l’endomètre ». Chez les femmes hystérectomisées, les progestatifs ne sont plus essentiels et le THM peut se limiter aux estrogènes seules, a rappelé la spécialiste.
Ordonnance type de THM
Pour terminer sa présentation, la Dr Pérol a exposé ce qu’elle considère comme une ordonnance type de THM pour une patiente confrontée à un trouble climatérique:
- Progestérone 200 mg. Un comprimé le soir au coucher de J1 à J25 ou de J14 à J25 si la patiente souhaite avoir des saignements. En cas de somnolence, la voie vaginale peut être envisagée.
- Estradiol en traitement discontinu sous forme de gel (1 à 1,5 mg par jour) ou de patch (50 μg à changer tous les trois jours) de J1 à J25;
- Traitement trophique vaginal
- Vitamine D
L’ordonnance est valable trois mois et peut être renouvelée après une nouvelle évaluation. Le THM est à adapter au cas par cas et réévaluer tous les ans. « Il est préférable de ne pas administrer le THM pendant plus de cinq ans ». Au-delà de cette période, « un risque de cancer du sein commence à apparaitre ». Le délai maximal ne doit pas dépasser dix ans.
L’arrêt du THM se fait progressivement « sur une période de plusieurs mois, voire pendant un à deux ans », en diminuant d’abord les estrogènes, puis la progestérone.
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Citer cet article: Préménopause et cycles menstruels irréguliers: le traitement par progestatif recommandé - Medscape - 18 oct 2022.
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