France — Lors du dernier congrès de l'ACC-Amérique Latine, a été discuté le cas d'une femme de 47 ans qui a présenté un syndrome de Takotsubo quelques heures après avoir été abusée sexuellement. En présence de douleurs thoraciques, cette femme a été étroitement suivie sur le plan cardiovasculaire durant 9 mois, et continue de l'être.
Pour le Dr Tavarez, qui présentait le cas, l'histoire témoigne d'une relation entre violence de genre et santé cardiovasculaire.
La place prise par la violence de genre dans l'actualité donne évidemment une forte résonance à cette interprétation.
Medscape édition française a demandé une réaction au Dr Stéphane Manzo Silberman (Institut de Cardiologie Hôpital de la Pitié-Salpêtrière APHP, Sorbonne Université, ACTION group, Paris), qui élargit le débat à l’impact des inégalités liés au genre en matière de risque d’évènement cardiovasculaire.
D'un point de vue médical, quelle réflexion vous inspire le cas de cette femme, atteinte d'un syndrome de Takotsubo à la suite d'une agression sexuelle ?
Dr Stéphane Manzo Silberman : D'une manière générale, le genre est un paramètre d’inégalité lorsqu’il s’agit de l'exposition à la violence. Mais dans le cas présent, il est difficile d'isoler les facteurs de risque les uns des autres. Les stress majeurs sont connus comme facteurs déclenchant du syndrome de Takotsubo. Et c'était à l'évidence le cas chez cette femme, qui présente en outre des antécédents de prééclampsie, une HTA et un diabète.
Il est donc difficile de faire la part des choses, et en un sens, c'est l'intérêt de cette présentation : montrer que le genre et éventuellement les risques associés, font partie d'une catégorie beaucoup plus large qui est la vulnérabilité.
On assiste aujourd'hui à une sorte de prise de conscience autour de cette notion globale. Elle suppose d'évaluer non plus des facteurs de risque de manière isolée mais des contextes, et demande donc un travail intégratif de la part du médecin.
Un contexte est un tout, mais néanmoins, quels sont ses paramètres ?
Dr Stéphane Manzo Silberman : A proximité de la violence de genre se tiennent tous les ingrédients de la précarité : sociaux, professionnels, économiques, éducatifs, sanitaires.
Les analyses récentes mettent en avant cette imbrication.
Dans un rapport publié l'an dernier, The Lancet women and cardiovascular disease Commission souligne ainsi que « Les femmes sont davantage exposées que les hommes aux inégalités de santé liées aux facteurs socioculturels, et aux contextes socio-économique et politique ». [1]
Les résultats d'études confirment la synergie des différents facteurs.
Les données de la cohorte VIRGO (Variation in Recovery : Role of Gender on Outcome of Young AMI Patients), publiées dernièrement, montrent ainsi qu'une grande majorité (69%) des IDM avant 55 ans surviennent chez des femmes. [2] Par ailleurs, différents facteurs induisent un risque supérieur chez les femmes : diabète, dépression, HTA, tabagisme actuel, antécédents familiaux, bas revenus. (L'hypercholestérolémie, en revanche, induit un risque supérieur chez les hommes).
Et comme le soulignent les auteurs, ces différents facteurs pèsent « collectivement » sur le risque d'IDM avant 55 ans.
Le facteur de risque cardiovasculaire, c'est la vulnérabilité.
Comment le dispositif de santé répond-il à cette vulnérabilité multifactorielle des femmes ?
Dr Stéphane Manzo Silberman : Aujourd'hui encore, les initiatives sont d'abord individuelles.
Signalons notamment le travail des bus du cœur du Pre Claire Mounier Véhier (CHU de Lille) avec les femmes précaires.
Grâce à ces initiatives, le mouvement est enclenché, mais il n'est pas encore institutionnel. Il est vrai que la question n'est pas simple.
Le contexte multifactoriel se présente comme une entité à considérer en tant que telle dans une évaluation. Naturellement, cette entité comprend le genre, il s’agit alors d’aller encore plus au-delà du d'un simple chiffre de LDL chez une femme fumeuse.
Comment interpréter cette réalité sociale, économique, historique, psychique de la personne en consultation ?
Et comment la prendre en compte autrement que comme une simple pondération des facteurs de risque biologiques ?
De même en prévention, peut-on présenter la précarité comme risque en soi, dans des campagnes qui s'adressent précisément à des populations précaires ?
Ces questions se posent de plus en plus. Les réponses peuvent être jugées très lentes, mais on y arrive, tout doucement...
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Citer cet article: La violence de genre et la vulnérabilité psycho-sociale commencent à être pris en compte dans le risque CV - Medscape - 18 oct 2022.
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