France – Anesthésistes réanimateurs, chirurgiens et gynécologues-obstétriciens font partie des destinataires des recommandations de bonne pratique de la Haute Autorité de Santé (HAS) sur la gestion du capital sanguin, ou « patient blood management » (PBM). Il s'agit d'un ensemble de procédures mises en œuvre avant, pendant et après une chirurgie qui visent à éviter les transfusions sanguines et pour lesquelles la France accuse un certain retard. C'est pourquoi en 2018 différentes sociétés savantes * ont rédigé un Livre Blanc dirigé par le Pr Capdevila (anesthésiste-réanimateur, Montpellier). Publiées en juillet dernier, les recommandations de la HAS ont été présentées au congrès de la Société Française d’Anesthésie et de Réanimation (SFAR) qui s'investit largement dans la promotion de la PBM en France, une démarche déjà recommandée par l’Organisation Mondiale de la Santé depuis 2010 et la Commission Européenne depuis 2017.
Le PBM repose sur trois piliers : augmenter la réserve sanguine en préopératoire, minimiser les saignements au cours de l'intervention et optimiser la tolérance à l'anémie après.
Prendre en charge l'anémie préopératoire
« Les résultats de grandes séries avec plus de 200 000 patients montrent qu'une anémie pré-opératoire augmente le risque de complications et de mortalité », explique le Dr Alexandre Theissen (médecin anesthésiste réanimateur, centre hospitalier Princesse Grace de Monaco, Monaco) qui a présidé le groupe de travail sur le PBM de la HAS. « Le problème, c'est que la transfusion, même d'une ou deux poches de sang, multiplie aussi le risque de complication par 1,4 à 1,8 », poursuit-il. Autrement dit, l’anémie peropératoire et la transfusion de culots de globules rouges sont deux facteurs indépendants d’augmentation de la morbi-mortalité.
Aussi, la HAS recommande le dépistage systématique d'une anémie préopératoire et de la prendre en charge avant l'intervention. « En présence d’une anémie par carence martiale, il est recommandé de réaliser une supplémentation en fer pour optimiser le capital sanguin (Grade A) », indique la HAS qui précise qu'une anémie doit être prise en charge quand le taux d’hémoglobine est inférieur à 13 g/dL chez l’homme ou chez la femme.
Pour sa correction, elle recommande « de privilégier [une supplémentation en fer par] voie intraveineuse et de prescrire une dose suffisante adaptée au poids ». D'autre part la prescription d'EPO permet de stimuler la formation de globules rouges.
« Idéalement, il faudrait que la consultation préopératoire avec l'anesthésiste ait lieu 3 à 4 semaines avant l'intervention. C'est possible pour beaucoup d'interventions chirurgicales potentiellement hémorragiques qui peuvent être planifiées, comme la pause de prothèse de genou ou de hanche », indique le Dr Theissen.
Minimiser les pertes sanguines pendant la chirurgie
En plus de majorer les réserves de sang du patient en préopératoire, différentes bonnes pratiques au cours de la chirurgie permettent de minimiser les pertes sanguines. Ainsi le chirurgien préfère, quand il le peut, des interventions mini-invasives et pratique l'hémostase chirurgicale. En cas de saignement important, « il est recommandé d’utiliser des dispositifs de récupération/retransfusion (cell saver) du sang », notamment en chirurgie cardiaque, en chirurgie de l’aorte, en chirurgie de déformation du rachis, en chirurgie de reprise prothétique complexe du membre inférieur et pour toute chirurgie à risque de transfusion estimé comme majeur.
Parmi ces bonnes pratiques, l'anesthésiste-réanimateur doit veiller à lutter contre l'hypothermie, et maintenir idéalement une température supérieure ou égale à 36,5 °C, car chaque degré perdu augmente de 20 % les risques de pertes sanguines. En outre, il dispose d'un médicament pour minimiser les saignements. La HAS précise que « l’utilisation prophylactique de l’acide tranexamique est recommandée pour diminuer le saignement et la transfusion en chirurgie cardiaque et en chirurgie osseuse majeure».
Optimiser la tolérance à l'anémie
En post-opératoire, l'objectif du PBM est de ne transfuser qu’en cas d’absolue nécessité, c'est-à-dire en cas de mauvaise tolérance du patient et en respectant un seuil transfusionnel dit « restrictif » et en pratiquant une transfusion unitaire. Il s'agit d'administrer un seul culot à la fois avant réévaluation clinique et biologique.
« On continue la supplémentation en fer et on surveille le seuil d'hémoglobine tous les jours mais sans faire des saignées. On prélève une goutte de sang au pied du lit du patient. Dans la mesure du possible, on ne transfuse qu'à un seuil transfusionnel bas (7 g/dL d'hémoglobine) quand le malade le supporte. C'est ce qu'on appelle la tolérance à l'anémie », résume le spécialiste.
Une conséquence : la réduction de la consommation de sang
« Nous, en tant qu'anesthésistes-réanimateurs, notre préoccupation est concentrée sur la sécurité du patient et sur la façon de faire pour que le patient récupère mieux », rappelle Alexandre Theissen. Il insiste : « ce n'est pas parce qu'il y a pénurie de sang qu'on fait moins de transfusion », insiste-t-il pour que la démarche soit bien comprise.
Si la publication des recommandantions a lieu alors que la France connaît une nouvelle pénurie de sang, le PBM n'a pas vocation à pallier cette pénurie. Autrement dit, le moindre recours à la transfusion est une conséquence du PBM mais pas un moteur pour sa mise en place. « Mais de fait si vous faites bien, vous arrivez à baisser vos prescriptions de sang. A Angers, pionnier français du PBM, en chirurgie orthopédique, les prescriptions de transfusion concernaient 13% des interventions et maintenant il n'y en a quasiment plus », indique le Dr Theissen.
* la SFAR (Société Française d’Anesthésie et de Réanimation), le GFHT (Groupe Français d’études sur l’Hémostase et la Thrombose). GRACE (Groupe francophone de Réhabilitation Améliorée après Chirurgie). la SFBC (Société Française de Biologie Clinique), la SFCTCV (Société française de Chirurgie Thoracique et cardio-vasculaire), la SOFCOT (Société Française de Chirurgie Orthopédique et Traumatologique), et la SFVTT (Société Française de Vigilance et de Thérapeutique Transfusionnelle).
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Citer cet article: Changement de pratiques pour limiter le recours aux transfusions sanguines - Medscape - 13 oct 2022.
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