Paris, France — Imposée sans débat, au cours de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) 2023, une quatrième année de formation dans le DES de médecine générale a été la goutte qui a fait déborder le vase. En colère, les associations étudiantes et syndicats d'internes appellent à une journée de mobilisation le 14 octobre prochain.
Pour l'Anemf (Association Nationale des Etudiants en Médecine de France), cette journée est une réponse à « la précipitation de la mise en place de la quatrième année de médecine générale : un projet inabouti empêchant un dialogue social nécessaire ».
Pour l'Isnar-IMG, au-delà de cette proposition d'allongement du DES de médecine générale, « la menace des nombreuses propositions de loi limitant la liberté d’installation des futur.es médecins généralistes déposées par différents groupes parlementaires met gravement en péril l’avenir de la Médecine Générale et l’assurance de soins optimaux pour les patient.es ».
La CSMF soutient également la mobilisation des étudiants en médecine car la confédération médicale s'oppose à la « solution qui consisterait à envoyer les internes, seuls, dans les déserts médicaux ».
Le syndicat Jeunes médecins a également déposé un préavis de grève pour que les praticiens et médecins puissent se joindre le 14 octobre prochain à la mobilisation des étudiants, tout comme le syndicat Avenir Jeunes pharmaciens hospitaliers (AJPH). « Jeunes Médecins et Avenir Jeunes Pharmaciens Hospitaliers militent pour qu’en France, on puisse accéder à des médecins et des soins de qualité, dans un délai raisonnable, auprès de professionnels bien formés et bien rémunérés », annoncent les deux syndicats dans un communiqué commun.
A l'origine de cette mobilisation, le syndicat d'internes Isni dénonce également la volonté d'interdire l'intérim médical aux jeunes médecins, mais aussi l'encadrement des dépassements d'honoraire, ou encore des mesures pour obliger les médecins à exercer dans les déserts médicaux... Toute sorte de propositions actuellement discutées dans le cadre de l'examen du PLFSS 2023.
La nouvelle présidente de l'Isni, Olivia Fraigneau, interne en médecine d'urgences à Paris, analyse en détail les raisons de la colère des étudiants en médecine et des internes.

Medscape édition française : Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à organiser la journée de mobilisation du 14 octobre prochain ?
Olivia Fraigneau : Disons qu'imposer une quatrième année dans le DES de médecine générale a été le déclencheur, mais il est difficile de séparer cette question du reste des problèmes rencontrés par les internes.
Car nous nous mobilisons aussi pour dénoncer les conditions de vie et de rémunération des internes. Nous revendiquons depuis longtemps la revalorisation du statut d'internes. C'est une revendication très ancienne et sans cesse ignorée par le pouvoir. Bien que nous ayons pourtant obtenu du Conseil d'État le droit au décompte horaire du temps de travail, le gouvernement n'a rien fait pour mettre en œuvre cette mesure.
La grève a, quant à elle, commencé dès ce lundi. Nous avons déposé un préavis de grève illimité jusqu'à satisfaction de nos revendications. Vendredi 14 octobre en sera le point d’orgue avec l’organisation d’une journée de manifestation devant le ministère de la santé.
Le gouvernement vous rétorquera que le statut d'interne a été revalorisé à l'issue du premier confinement en 2020...
Olivia Fraigneau : Oui, mais en 2022, les gardes d'internes n'ont pas été revalorisées, contrairement à d'autres catégories de personnel. Résultat, il existe actuellement un climat de suspicion généralisé, car les internes se sont essoufflés à lutter contre la pandémie, ils ont tout donné. En effet, leur salaire a été revalorisé, mais rien n'a été mis en place pour les empêcher de se suicider, rien n'a été mis en place contre le harcèlement, le burn-out, etc.
Il est vrai qu’Olivier Véran avait annoncé que des mécanismes de prévention du mal-être des étudiants en médecins allaient être mis en place courant 2022...
Olivia Fraigneau : Exactement. Depuis juin, le Conseil d'État oblige les hôpitaux à décompter le temps de travail de façon horaire, mais rien n'a été mis en place. Les internes constatent donc une rupture de confiance et qui plus est, la seule réponse qui est donné actuellement par les pouvoirs publics est d'allonger le DES de médecine générale, pour que cette souffrance dure plus longtemps. C'est trop.
C'est donc la quatrième année de médecine générale le sujet central de cette mobilisation ?
Olivia Fraigneau : Oui, mais je fais aussi allusion au fait que l'on veuille interdire l'intérim à tous les jeunes diplômés. Les pouvoirs publics nous exploitent pendant nos études et économisent ainsi 360 000 euros par étudiant en leur faisant effectuer des tâches de médecins, et lorsque les internes sont diplômés, on veut leur interdire l'intérim.
Comment vivez-vous la mise en place de la réforme du troisième cycle des études médicales ?
Olivia Fraigneau : Nous attendons pour le moment l'évaluation de ces mesures, il y a encore des spécialités qui ne sont pas rentrés dans le moule de la R3C. Par exemple, les promotions en chirurgie n'ont pas encore signé leur contrat de docteur Junior. En revanche nous savons que les maquettes ne sont pas optimisées, que 70% des internes n'ont pas suivi la totalité de leur journée de formation.
Quelles sont concrètement vos revendications en termes d'augmentation salariale ?
Olivia Fraigneau : Nous demandons une augmentation pour les gardes afin qu'elles atteignent 150 euros nets et pour l'augmentation salariale, nous demandons une augmentation à l'instar des autres catégories de personnels de la fonction publique. Mais les priorités de cette mobilisation sont le retrait des articles sur la mise en place de la quatrième année de médecine générale et l'interdiction de l'intérim pour les jeunes médecins.
Que demandez-vous au gouvernement pour que le temps légal de temps de travail des internes soit respecté ?
Olivia Fraigneau : Nous voulons qu'il fasse appliquer la loi. Faute de cela, nous allons poursuivre devant le tribunal administratif chacun des hôpitaux qui ne fait pas de décompte horaire du temps de travail, car personne d'autre ne le fait.
Le syndicat Jeunes médecins a poursuivi des hôpitaux, non ?
Olivia Fraigneau : Oui, Jeunes médecins a assigné en justice le CHU de Strasbourg, et nous allons travailler de concert avec ce syndicat pour coordonner nos efforts afin de faire respecter la loi dans les autres CHU.
Comment améliorer la santé au travail des étudiants en médecine et des internes ?
Olivia Fraigneau : Nous demandons à ce que la médecine du travail puisse suivre les internes car ce n'est pas le cas actuellement. Aucune sanction n'est prise contre les établissements qui ne respectent pas ces dispositions, c'est anormal, sachant que les internes sont une population à risque. Il nous faut un suivi rapproché, sans lien avec le service dans lequel les internes évoluent pour éviter les représailles. Il serait utile que le gouvernement fasse des retours plus rapides sur les décisions de suspension de praticiens harceleurs. Actuellement ce genre de procédures est très opaque, et cela rend les choses pénibles pour des internes qui par moment sont dans l'obligation de suspendre leur internat en attendant que des mesures soient prises.
Suivez Medscape en français sur Twitter.
Suivez theheart.org | Medscape Cardiologie sur Twitter.
Inscrivez-vous aux newsletters de Medscape : sélectionnez vos choix
Crédit de Une : DR
Medscape © 2022 WebMD, LLC
Les opinions exprimées dans cet article ou cette vidéo n'engagent que leur(s) auteur(s) et ne reflètent pas nécessairement celles de WebMD ou Medscape.
Citer cet article: Journée de mobilisation le 14 octobre prochain : détails des revendications avec Olivia Fraigneau, présidente de l'Isni - Medscape - 13 oct 2022.
Commenter