L’étude XENAIR montre une augmentation du risque de cancer du sein en lien avec 5 polluants de l’air

Stéphanie Lavaud

Auteurs et déclarations

12 octobre 2022

Lyon, France – L’étude XENAIR menée chez 10 000 femmes de la cohorte nationale E3N montre une augmentation du risque de cancer du sein lors d’une exposition à 5 polluants atmosphériques. Des analyses supplémentaires indiquent un risque élevé chez les femmes ayant été exposées pendant leur transition ménopausique pour le BaP et le PCB153, deux polluants classés comme perturbateurs endocriniens. Il s’agit de la première étude analysant l’effet individuel de ces 8 polluants de l'air sur le risque de cancer du sein avec une estimation des expositions à une échelle fine et tenant compte de l’histoire résidentielle des sujets sur 22 ans.

« C’est une étude unique en termes de nombre de polluants étudiés, de nombre de sujets, de nombre d’années couvertes et de prise en compte d’autres facteurs de risque du cancer du sein », a commenté la Pre Béatrice Fervers, professeur associé à l'UFR de médecine (Université Claude Bernard Lyon 1), Coordinatrice Département Cancer et Environnement au Centre Léon Bérard de Lyon et membre de l’Equipe Signalisation des stéroïdes et cancer du sein (UMR INSERM 1052-CNRS 5286) lors d’une conférence de presse de présentation des résultats [1].

 
« C’est une étude unique en termes de nombre de polluants étudiés, de nombre de sujets, de nombre d’années couvertes et de prise en compte d’autres facteurs de risque du cancer du sein. » Pre Béatrice Fervers
 

Une étude cas-témoins nichée

En 2013, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a classé la pollution de l'air dans son ensemble, et les particules fines en particulier, comme cancérogènes pour l'homme. Il a également classé d’autres polluants de l’air, tels que le benzo[a]pyrène (BaP), le cadmium, les dioxines, et les polychlorobiphényles (PCB) comme cancérogènes certains pour l'homme. Si le lien avec le cancer broncho-pulmonaire est désormais bien établi, les données pour établir une association avec le cancer du sein ne sont pas encore suffisantes d’où le projet XENAIR, financé par la Fondation ARC, qui visait à étudier l’association entre le risque de cancer du sein et l’exposition chronique à faible dose, à 8 polluants atmosphériques :

- les polluants ayant des propriétés de perturbateurs endocriniens : dioxines, BaP, PCB, cadmium

- ainsi que des polluants auxquels les français sont exposés quotidiennement : les particules (PM10 et PM2.5), le dioxyde d’azote (NO2) et l’ozone (O3).

Les femmes incluses dans ce projet sont issues de la cohorte nationale E3N (coordonnée par l’équipe Équipe INSERM « Exposome et Hérédité », Institut Gustave Roussy, Villejuif) et sont suivies depuis 1990. « A partir de cette cohorte, nous avons constitué une étude cas-témoins nichée composée de 5 222 cas de cancer du sein (diagnostiqués entre 1990 et 2011) et 5 222 témoins appariés (indemnes de cancers du sein au diagnostic du cas) », a expliqué Delphine Praud, chercheuse, cheffe de projet en épidémiologie environnementale chez Centre Léon Bérard de Lyon. Ainsi pour chaque polluant, des expositions moyennes et cumulées ont été estimées pour chaque femme, à l’aide de modèles spécifiques pour chaque polluant, de son inclusion à la date de diagnostic de son cancer en fonction de ses lieux d’habitations.

Les résultats montrent, pour l’ensemble des polluants, à l’exception de l’ozone, une baisse continue des expositions des femmes de la cohorte E3N sur la période 1990-2011. « Cependant les niveaux d’expositions pour les dioxydes d’azote et les particules restent largement au-dessus des recommandations sanitaires actuelles, telles que définies par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) » indique la chercheuse lyonnaise, que ce soient pour les particules fines ou le dioxyde d’azote.

Des augmentations allant de 9% à 19% selon les polluants

« En comparant nos groupes de femmes grâce à des modèles statistiques qui permettent de tenir compte d’autres facteurs de risque individuels, nos résultats ont fait état d’une association significative entre augmentation du risque de cancer du sein et l’exposition à 5 polluants », a-t-elle affirmé, avant d’entrer dans le détail des résultats.

Pour le dioxyde d’azote (NO2) : une augmentation de 10 µg/m3 d’exposition est associée à une augmentation statistiquement significative d’environ 9 % du risque de cancer du sein.

Dans le cas des particules (PM10 et PM2.5), une augmentation de 10 µg/m3 d’exposition pour chaque d’elle est associée à augmentation d’environ 8 % et 13 %, respectivement, à la limite de la significativité statistique.

Pour le benzo[a]pyrène (BaP), une augmentation de 1,42 ng/m3 d’exposition est associée à une augmentation statistiquement significative d’environ 15 % du risque de cancer du sein et pour le polychlorobiphényle (PCB153), une augmentation de 55 pg/m3 d’exposition est associée à une augmentation statistiquement significative d’environ 19 % du risque de cancer du sein.

« Aucune association n’a été mise en évidence pour l’exposition au cadmium et aux dioxines. Les analyses sont en cours pour l’exposition à l’ozone, a précisé Delphine Praud. En revanche, les analyses supplémentaires ont montré un risque élevé chez les femmes ayant été exposées pendant leur transition ménopausique pour le BaP et le PCB153, deux polluants classés comme perturbateurs endocriniens ».

Poursuivre les efforts de réduction de la pollution atmosphérique

« Grâce à ces estimations, il a été possible de calculer la propension de cancers qui auraient pu être évités dans la population sur laquelle on travaille » a poursuivi la chercheuse. Ainsi, en prenant comme référence les seuils de référence européenne de l’OMS de 2005 pour NO2 (de 40 µg/m3), 1 % des cancers du sein de la population XENAIR auraient pu être évités. En revanche, avec des niveaux d’exposition conformes aux recommandations de l’OMS de 2021, de 10 µg/m3 pour les NO2, près de 9 % des cancers du sein de la population XENAIR respectivement auraient été évités.

L’étude a aussi calculé le montant des économies qui seraient réalisées si ces cancers étaient prévenus. Elle a estimé à 280 089 906 euros le coût total (coûts tangibles et intangibles) attribué aux polluants qui pourrait être évité si les taux de NO2 étaient abaissés à la norme européenne de 2005 et à 2 624 000 170 euros, l’économie réalisée si l’on respectait la norme de 2021.

« Ces calculs ont aussi été effectués pour les autres polluants étudiés dans XENAIR mais ils sont en cours de consolidation », a confié Delphine Praud.

Les résultats de l’étude XENAIR indiquent qu’une amélioration de la qualité de l’air serait un levier pour contribuer à la prévention du cancer du sein. « Si les estimations dont nous disposons aujourd’hui ne portent que sur le NO2, XENAIR souligne, dès à présent, l’importance de poursuivre les efforts de réduction de la pollution atmosphérique et la réflexion sur les moyens d’y parvenir », a conclu la Pre Fervers en insistant sur la nécessité de poursuivre les études sur le rôle des polluants en lien avec ce cancer. L’étude XENAIR va, quant à elle, se décliner avec de nouveaux objectifs (voir ci-dessous).

 
« Si les estimations dont nous disposons aujourd’hui ne portent que sur le NO2, XENAIR souligne, dès à présent, l’importance de poursuivre les efforts de réduction de la pollution atmosphérique et la réflexion sur les moyens d’y parvenir. »
 

 

Le projet a profité d’une collaboration remarquable de différentes équipes spécialistes, le département Prévention Cancer Environnement du Centre Léon Bérard (Unité INSERM 1296), Gustave Roussy (Unité INSERM 1018), l’Ecole Centrale de Lyon (Unité CNRS 5509), l’Université de Leicester (Royaume-Uni), l’INERIS et le centre Bordeaux Population Health (Unité INSERM 1219). Il a été financé par l’ARC.

 

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