Enquête Périnatalité 2021 : vers une moindre médicalisation de l’accouchement

Stéphanie Lavaud

Auteurs et déclarations

11 octobre 2022

Paris, France – La sixième édition de l’enquête nationale périnatale 2021 (ENP 2021) vient d’être publiée. Conduite auprès de 12 723 femmes (de métropole), elle permet de faire un état des lieux complet des pratiques médicales pendant la grossesse et l’accouchement ainsi que des caractéristiques démographiques et sociales des femmes et des familles [1,2].

Pour la première fois, l’enquête s’est enrichie d’un suivi des femmes deux mois après leur accouchement – avec un intérêt particulier porté à leur santé mentale (voir Enquête Périnatalité 2021 : près de 17 % de dépressions post-partum). Les résultats présentés ici ne concernent que la métropole et ont été publiés le 6 octobre 2022. Les données relatives aux DROM – qui présentent des fortes disparités avec la métropole à en croire le rapport sur la santé périnatale de Santé publique France – feront l’objet de rapports séparés département par département et seront publiés début 2023.

Les enquêtes nationales périnatales sont menées sous la direction de l’Inserm et co-pilotées par la Direction Générale de la Santé (DGS), la Direction Générale de l’Offre de Soins (DGOS), Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques (DREES) et Santé publique France. Elles portent sur la totalité des naissances survenues pendant une semaine dans l’ensemble des maternités françaises (y compris les maisons de naissance en 2021). Les informations sont recueillies à partir d’un entretien avec les mères lors de leur séjour en maternité et à partir des informations du dossier médical. À noter : cette édition a été conduite auprès de 12 723 femmes en mars 2021 au cours de la troisième vague de la pandémie Covid-19 – « une situation à prendre en compte pour l’interprétation de certains résultats », a précisé la Dr Camille Le Ray, gynécologue-obstétricienne et coordinatrice scientifique de l’ENP-Inserm lors de la présentation des résultats [1].

Concernant les caractéristiques sociodémographiques et anthropomorphiques des femmes au moment de la grossesse, les résultats font apparaître des âges maternels plus élevés, une tendance observée depuis plusieurs décennies et qui se poursuit et une augmentation du surpoids et de l’obésité préoccupante (voir graphique ci-dessous). La grande majorité des grossesses sont souhaitées et planifiées, même si seulement 37,9 % des femmes ont consulté en prévision d’une grossesse.

Caractéritiques des femmes

Grossesse : du mieux pour les substances psychoactives

La première partie du rapport s’est intéressée aux mesures de prévention pendant la grossesse, dont le suivi est toujours principalement réalisé par un gynécologue-obstétricien, même si pour près de 40 % des femmes, une sage-femme a été la principale responsable de la surveillance pendant les 6 premiers mois, un chiffre en augmentation notable depuis 2016.

Ce suivi est l’occasion de mettre en place un certain nombre de mesures de prévention dont plusieurs indicateurs témoignent d’une amélioration de la santé des femmes pendant la grossesse. Parmi les points positifs, le nombre de femmes qui consomment des substances psychoactives pendant la grossesse diminue. Ainsi, la proportion des femmes déclarant une consommation de tabac au 3e trimestre est en diminution (12,2 % en 2021 versus 16,3 % en 2016), de même que celle des femmes déclarant consommer du cannabis durant la grossesse (1,1 % versus 2,1 %). 

De plus en plus de femmes se font vacciner contre la grippe pendant la grossesse : 30,4 % des femmes ont été vaccinées, soit une très forte augmentation comparativement à 2016, où cette dernière proportion ne s’élevait qu’à 7,4 %. « La campagne de vaccination 2020/2021 a toutefois été marquée par une demande de vaccination grippe inhabituelle de la part de la population, dans le contexte d’épidémie de Covid-19 à un moment où le vaccin anti-Covid n’était pas disponible », précise la Dr Camille Le Ray.

 
« Le nombre de femmes qui consomment des substances psychoactives pendant la grossesse diminue. »
 

Pas assez de femmes supplémentées en acide folique

Pour autant, des progrès restent à faire. Ainsi, seules 28,3 % des femmes débutent la supplémentation en acide folique avant la grossesse, comme recommandé, en prévention des anomalies de fermeture du tube neural. Et les femmes ne sont que 16,0 % a déclaré avoir reçu des conseils pour limiter la transmission du cytomégalovirus (CMV). À noter que le nombre moyen d’échographies (donnant lieu ou non à la rédaction d’un compte rendu) est toujours très supérieur au nombre recommandé (qui est de 3) : de 4,5 en 2003, il s’élève à 6,3 en 2021. L’augmentation concerne surtout les suivis avec six échographies ou plus, qui sont passés de 35,9 % en 2016 à 49,0 % en 2022. « Il est possible qu’un certain nombre de ces échographies ne soit pas facturé, et ne soit réalisé que lors de consultation de suivi afin de s’assurer de la vitalité fœtale », avancent les auteurs du rapport.

Des accouchements moins médicalisés 

Globalement, à l’exception du déclenchement du travail dont la fréquence est en augmentation (25,8 % versus 22,0 % en 2016), le recours aux interventions visant à accélérer le travail est de moins en moins important, avec moins de rupture artificielle des membranes en 2021 qu’en 2016 (33,2 % parmi les femmes en travail spontané contre 41,4 %) et moins d’administration d’oxytocine durant le travail (30,0 % parmi les femmes en travail spontané contre 44,3 %). La Dr Camille Le Ray a souligné la baisse impressionnante du nombre d’épisiotomie, passant de 20,1 % en 2016 à 8,3 % en 2021 tandis que le taux de césarienne est stable depuis 2010 et concerne 21,4 % des accouchements en 2021. Le fait d’avoir accouché par césarienne lors d’un précédent accouchement reste le facteur de risque majeur de césarienne.

Concernant l’analgésie, si 82,7 % des femmes ont eu une péridurale, elles sont de plus en plus nombreuses à utiliser aussi plus fréquemment des méthodes non médicamenteuses (la mobilité, le bain ou la douche durant le travail, les massages, etc.) pour gérer la douleur liée aux contractions. L’ensemble des méthodes utilisées permet d’obtenir une bonne satisfaction des femmes puisqu’elles sont plus de 90 % à être « satisfaite » voire « très satisfaite » des méthodes utilisées pour soulager la douleur. Paradoxalement, malgré le taux important d’analgésie et un taux de satisfaction élevé, l’accouchement en lui-même reste une souffrance, avec un niveau de douleur qualifié d’insupportable pour 29,7 % des femmes en cas de voie basse spontanée et 37,8 % en cas de voie basse instrumentale. De même, en cas de césarienne, le niveau de douleur ressentie par les femmes est élevé avec 10,4 % d’entre elles ayant ressenti une douleur insupportable au début de la césarienne.

 
« Si 82,7 % des femmes ont eu une péridurale, elles sont de plus en plus nombreuses à utiliser aussi plus fréquemment des méthodes non médicamenteuses. »
 

Compte tenu du débat actuel sur les « violences obstétricales », le questionnaire du suivi à 2 mois de l’ENP s’est attaché, pour la première fois, à recueillir le vécu des femmes concernant les comportements des professionnels de santé durant leur grossesse et leur accouchement. Ainsi, 12,1 % des femmes rapportent des paroles inappropriées parfois ou souvent, 6,7 % des gestes inappropriés parfois ou souvent, 10,6 % des attitudes inappropriées parfois ou souvent. Ces paroles, gestes ou attitudes pouvaient survenir à tout moment lors du suivi de grossesse (y compris durant les échographies ou aux urgences) ou à l’accouchement (y compris durant la pose de l’anesthésie), mais principalement durant le séjour à la maternité (47,2 %). De même, 4,2 % des femmes interrogées ont déclaré qu’on ne leur a jamais demandé leur accord avant de réaliser un toucher vaginal lors du suivi de grossesse.

Post-partum : allaitement maternel en chute au cours des 2 premiers mois

Suite à l’accouchement, les femmes sont nombreuses à avoir bénéficié de la visite à domicile d’une sage-femme (79,1 %).

En ce qui concerne les conseils reçus, quasiment toutes les femmes déclarent s’être vu recommandé de coucher l’enfant sur le dos. En revanche, seulement la moitié des femmes ont reçu des conseils sur la manière de calmer les pleurs de leur enfant.

Le suivi à 2 mois constitue une nouveauté de l’édition 2021 de l’ENP : 67,5 % des femmes éligibles ont répondu soit par internet (71,4 %) soit par téléphone (28,6 %). Ces données ont permis d’établir que, parmi les femmes ayant initié un allaitement maternel (74,2 % des femmes), seulement 38,4 % pratiquaient un allaitement exclusif à deux mois. Parmi les femmes ayant arrêté l’allaitement maternel, 27,7 % ont arrêté dans les sept premiers jours de vie de leur enfant, 28,2 % entre 8 et 21 jours, 32,2 % entre 22 et 45 jours et 11,9 % au-delà de 45 jours. À 2 mois, les femmes sont 34,4 % à allaiter exclusivement, 19,8 % à réaliser un allaitement mixte et 45,8 % à donner du lait premier âge du commerce. Les raisons d’une telle chute de l’allaitement exclusif au cours des premières semaines restent à définir. « Sachant qu’à 2 mois, seules 2,2 % des femmes déclarent avoir repris le travail, la question du soutien se pose, a commenté Nolwenn Regnault, responsable de l’unité périnatalité à Santé publique France. L’enquête ancillaire Epifane, publiée courant 2023, permettra d’apporter des informations complémentaires sur la durée de l’allaitement en France ».

« Tous ces indicateurs sont d’une importance capitale pour les femmes, les professionnels et les pouvoirs publics. Ils permettent d’aider à la décision et à l’évaluation des actions de santé en faveur des femmes et de leurs enfants, au cours de la grossesse, de l’accouchement et de la période de post-partum », conclut le rapport [2].

 
« Parmi les femmes ayant initié un allaitement maternel (74,2 % des femmes), seules 38,4 % pratiquaient un allaitement exclusif à deux mois. »
 

 

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