Présentation
Une femme de 59 ans s'est présentée au service des urgences après avoir été mordue par un écureuil roux sauvage (Sciurus vulgaris). Elle disait avoir vu l'animal immobile sur le sol durant une promenade ; lorsqu'elle avait essayé d'examiner l'écureuil, celui-ci l'avait mordue au quatrième doigt de la main droite et au deuxième doigt de la main gauche. Après nettoyage de la plaie, une antibiothérapie a été instaurée le jour même (Cefuroxim 500 mg par voie orale deux fois par jour). Le statut vaccinal contre le tétanos a en outre été vérifié, rapportent les médecins dans le J Med Case Reports . [1]
Le sixième jour après la morsure, la patiente s'est à nouveau présentée aux urgences de l'hôpital avec les symptômes suivants : un malaise général, des maux de tête et des douleurs corporelles, de la fièvre, des frissons et un gonflement du coude droit. Elle ne faisait pas état de nausées, de vomissements ou de sensibilité à la lumière ou au bruit.
Examens
L'examen physique n'a révélé aucune anomalie, ni aucun signe de méningisme.
Un examen plus approfondi a révélé une petite morsure au doigt IV de la main droite, près de la deuxième phalange, légèrement rougie, mais sans signe d'inflammation évident.
Pas de douleur à la pression, pas de limitation des mouvements et pas de déficit sensoriel.
Sur le côté ulnaire du coude droit, signes de lymphadénite.
La sensibilité périphérique, la capacité de mouvement et la circulation sanguine étaient intactes.
Une autre petite morsure sans signe d'inflammation locale ou proximale a été constatée sur l'index de la main gauche.
Les tests de laboratoire ont montré une augmentation de la protéine C-réactive (CRP) jusqu'à 28,6 mg/l (référence < 5 mg/l), mais pas de leucocytose.
Test de la procalcitonine négatif, de même que les échantillons de LCR et d'urine.
Radiographies du thorax et du quatrième doigt de la main droite, ainsi qu'un scanner cérébral sans résultats pathologiques.
Les tests PCR pour le SRAS-CoV-2, le VRS et la grippe A et B étaient négatifs.
Évolution, diagnostic et traitement
À partir du septième jour, la patiente a reçu un traitement antibiotique combiné (ampicilline/sulbactam, 2 g/1 g par voie intraveineuse, 3 fois par jour). Son état ne s'est toutefois pas amélioré. La fièvre est montée à 39,2 °C et a persisté jusqu'au 12e jour. Or, l'hémoculture était toujours négative 14 jours après l'inoculation. La CRP avait également augmenté le 12e jour (à 185 mg/l).
Devant cette évolution, le traitement antibiotique a été intensifié (pipéracilline/tazobactam 4 g/0,5 g). Après le début du traitement par pipéracilline/tazobactam, la CRP est tombée à 74 mg/l (jour 14). Dans le même temps, une lésion ulcéreuse s'était développée sur la plaie de la main droite (voir image ) ; la lymphadénite persistait. Le diagnostic de tularémie a alors été suspectée pour la première fois.
Ce diagnostic de suspicion, qui a été discuté avec des experts du laboratoire de référence pour la tularémie humaine à l'Institut Robert Koch (RKI), a ensuite pu être étayé : une PCR a confirmé la présence d'ADN de Francisella tularensis dans l'échantillon de prélèvement de la plaie. En outre, la croissance bactérienne typique de F. tularensis a été observée sur les cultures. Le test de concentration minimale inhibitrice pour F. tularensis montrait une sensibilité in vitro à tous les antibiotiques recommandés pour le traitement de la tularémie (par ex. ciprofloxacine, gentamycine, lévofloxacine). Le traitement antibiotique suivi jusqu'alors par la patiente s'est révélé insuffisant.
Lorsque le laboratoire de référence pour la tularémie humaine a confirmé le diagnostic le 14e jour, le traitement a été immédiatement adapté (500 mg de ciprofloxacine deux fois par jour pendant 14 jours). La patiente s'est immédiatement rétablie (la CRP tombant à 15 mg/l) et a pu quitter l'hôpital à J17, sans fièvre et avec de faibles céphalées.
Discussion
Le personnel médical des hôpitaux et des cabinets médicaux traite quotidiennement des patients victimes de morsures d'animaux, le plus souvent de chiens, de chats et de serpents. Dans de tels cas, le risque d'infection systémique dépendrait de différents paramètres, dont le type de blessure, l'animal en question et les propres défenses immunitaires du patient, rappelent les auteurs allemands qui ont rapporté le cas présent. [1] Le traitement doit comprendre un rinçage et un débridement immédiats de la plaie, une prophylaxie contre le tétanos et éventuellement contre la rage, ainsi que des antibiotiques (en fonction du risque d'infection systémique).
Le risque d'être mordu et/ou infecté par un écureuil roux eurasien sauvage est faible, mais le nombre de cas de tularémie chez l'homme et l'animal en Europe a augmenté au cours des dernières décennies. Cette infection devrait donc être envisagée également, car elle peut entraîner un gonflement massif des ganglions lymphatiques et même être mortelle faute de traitement antibiotique.
Pour se protéger contre la transmission de l'agent pathogène, il convient de prendre des mesures de précaution en cas de contact avec des animaux sauvages malades ou morts, tels que lièvres et lapins, conseille l'Institut Robert Koch. Ainsi, les chasseurs devraient porter des gants lors de la mise à mort et signaler les animaux suspects aux autorités pour qu'ils soient examinés. Si des aérosols sont susceptibles de se former, il convient de porter un masque de protection respiratoire (FFP2/FFP3). Dans les régions où des cas de tularémie ont été recensés, on fera bouillir l'eau de surface et l'eau des puits avant de la boire. On évitera tout contact avec de l'eau contaminée par des cadavres d'animaux. Les règles d'hygiène ménagère et d'hygiène des mains doivent être strictement respectées.
Dans les pays occidentaux, on travaille de plus en plus sur de nouveaux vaccins contre la tularémie en raison de l'importance de F. tularensis comme agent potentiel dans le cadre du bioterrorisme ; l'immunisation prophylactique n'est généralement à envisager que pour les personnes présentant un risque d'exposition particulier (par ex. le personnel de laboratoire). La vaccination est habituellement inutile pour les autres populations, car le traitement antibiotique immédiat après l'apparition de la maladie suffit. En raison de la période d'incubation habituelle de la tularémie, qui est de 3 à 5 jours, et du fait que l'immunité n'apparaît qu'au bout d'environ deux semaines après vaccination, une vaccination après exposition est inefficace. Selon l'institut berlinois, les cas suspects ou avérés ne doivent pas être isolés, car aucune transmission interhumaine n'est connue. Le personnel doit être informé du risque, qui ne peut être exclu, d'infection par des projections de sang, des sécrétions de plaies ou d'autres liquides potentiellement infectieux.
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Source : dreamstime
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Citer cet article: Étude de cas : une femme mordue par un écureuil - Medscape - 10 oct 2022.
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