Prédiabète : de nouvelles données sur ce fardeau croissant

Nathalie Raffier

Auteurs et déclarations

7 octobre 2022

Stockholm, Suède – De nouvelles données présentées au congrès européen de diabétologie (European Association for the Study of Diabetes, EASD 2022 ) illustrent le fardeau mondial substantiel et croissant du prédiabète[1,2,3].

En 2021, la prévalence de l'altération de la tolérance au glucose était de 9,1% et devrait passer à 10% en 2045. Aussi, la prévalence mondiale de la glycémie à jeun altérée en 2021 était de 5,6% et devrait augmenter en une vingtaine d’années jusqu’à 6,2%, selon une étude internationnale.

Aussi, une étude danoise, également présentée lors du congrès, ajoute même que, d’ici à 5 ans, 1 personne sur 5 atteinte de prédiabète évoluera vers le diabète. 

Les personnes atteintes de prédiabète (voir encadré ci-dessous)  intolérance au glucose (IGT : impaired glucose tolerance) et/ou glycémie à jeun altérée (IFG : impaired fasting glucose présentent un risque élevé de développer un diabète et, de ce fait, des complications microvasculaires et macrovasculaires. Mais la prévalence actuelle n’est pas formellement connue à l’échelle du globe.

Pour répondre à cette question, emmenés par Diana Magliano (Baker Heart and Diabetes Institute, Melbourne, Australie) pour le compte de la Fédération internationale du diabète (IDF), les auteurs d’une publication commentée à l’EASD [1]ont examiné 7 014 articles et rapports publiés après 2000 pour identifier des estimations fiables de l’IGT (concentration de glucose sur 2 heures de 7,8 à 11,0 mol/L) et de l’IFG (de 6,1 à 6,9 mmol/L) pour chaque pays. Ils ont été contraints de procéder par extrapolation entre certains pays aux caractéristiques similaires, environ 80 % des nations ne disposant pas de données de qualité suffisante en la matière.

Selon l’IDF, la prévalence mondiale de l’intolérance au glucose en 2021 était de 9,1 % (464 millions d’adultes) et devrait passer à 10 % (640 millions) en 2045. Pour sa part, la prévalence mondiale de la glycémie à jeun altérée chez l’adulte en 2021 était de 5,6 % (286 millions) et devrait augmenter à 6,2 % (397 millions) à cette échéance pas si lointaine. Les prévalences de l’IGT et de l’IFG étaient les plus élevées dans les pays à revenu élevé.

 

Prédiabète ou intolérance au glucose
Le prédiabète ou intolérance au glucose, correspond à une hyperglycémie modérée, c’est-à-dire n’atteignant pas le seuil diagnostic de diabète, mais associée à une augmentation du risque de progression vers le diabète de type 2. Il est défini, selon les critères proposés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) par :
- une hyper glycémie modérée à jeun : glycémie entre 1,10 g/L (6,1 mmol/l) et 1,25 g/L (6,9 mmol/L) après un jeûne de 8 heures et vérifiée à deux reprises ;
- et/ou une intolérance au glucose : glycémie (sur plasma veineux) comprise entre 1,4 g/L (7,8 mmol/L) et 1,99 g/L (11,0 mmol/L) 2 heures après une charge orale de 75 g de glucose.

Quelle progression du prédiabète vers le diabète de type 2 ?

Depuis que l’hémoglobine glyquée (HbA1c) est devenue un outil de diagnostic du diabète en 2011, le dosage de l’HbA1c est utilisé couramment, constituant une mine d’information pour des analyses à grande échelle de l’incidence du diabète mais également du prédiabète.

Une étude danoise a ainsi exploité les données des laboratoires de biologie médicale entre 2012 et 2018 afin de caractériser les personnes atteintes d’un prédiabète incident défini par l’HbA1c et d’examiner leur risque de progression vers le diabète [2]. « Plus de la moitié de l’ensemble de la nation danoise a eu au moins une mesure de l’HbA1c enregistrée au cours de la période 2012-2018, a expliqué le Pr Sia Kromann Nicolaisen du département d’épidémiologie clinique (Hôpital universitaire d’Aarhus, Aarhus, Danemark), ce qui a permis de définir un taux d’incidence du prédiabète de 15,5 pour 1000 années-personnes. »

D’ici à 5 ans, une personne prédiabétique sur cinq évoluera vers le diabète

Parmi 5 483 467 résidents danois, 13 107 797 mesures d’HbA1c de 3 183 880 (58 %) individus étaient disponibles dans la base de données. Au total, 373 628 personnes ont été identifiées comme présentant un prédiabète incident défini par l’HbA1c (42-47 mmol/mol), ce qui correspond à un taux d’incidence de 15,5 (IC à 95 % 15,5-15,6) pour 1000 années-personnes. L’HbA1c médiane au moment du diagnostic de prédiabète était de 43 mmol/mol (IQR 42-44), l’âge médian était de 67,8 ans (IQR 57,9-76,4) et 52 % étaient des femmes. Au cours d’un suivi médian de 2,7 ans, 46 821 (12,5 %) ont effectivement développé un diabète défini par l’HbA1c (HbA1c ≥ 48 mmol/mol), ce qui donne une incidence cumulée du diabète sur 5 ans estimée à 20,1 % (IC à 95 % 19,9-20,3).

On utilise le terme prédiabète en général, mais il recouvre des présentations cliniques hétérogènes. Afin de les caractériser et d’observer leur devenir et leur progression éventuelle vers le diabète, des chercheurs chinois ont réuni les 4 138 patients des études SENSIBLE et SENSIBLE-Addition en clusters répondant à divers paramètres : l’indice de masse corporelle (IMC), l’âge, le triglycéride-glucose index (TyG) pour évaluer la résistance à l’insuline, ainsi que l’hémoglobine A1c (HbA1c) [3].

Les résultats de cette étude ont également été présentés lors de l'EASD 2022. Parmi les participants inclus atteints de prédiabète (altération de la glycémie à jeun et/ou de l’intolérance au glucose) au départ, 1 629 ont été suivis pendant 3 ans.

Il n’y a pas « un » prédiabète mais « des » prédiabètes

Après ajustement sur le sexe, l’ethnie, l’acide urique sérique, le cholestérol total, les triglycérides, le LDL-cholestérol, le HDL-cholestérol et le taux de filtration glomérulaire estimé, trois groupes ont été circonscrits. Le groupe 1 (OR 3,61, IC à 95 % : 2,21-5,90) et le groupe 2 (OR 3,01, 95 % IC : 1,87-4,84) étaient tous deux associés à un risque accru de progression vers le diabète par rapport au groupe 0 (les patients les plus jeunes et avec l’HbA1c la plus basse). De plus, le groupe 1 et le groupe 2 étaient tous deux associés à une diminution du risque de régression vers la normoglycémie (OR 0,42, IC à 95 % : 0,31 -0,57 ; et OR 0,48, IC à 95 % : 0,37-0,63, respectivement).

Cette étude confirme donc les résultats des multiples études sur le risque de progression vers le diabète de patients prédiabétiques : « les participants présentant un âge plus avancé, un degré plus élevé de résistance à l’insuline et d’obésité avaient un risque plus élevé de progression vers le diabète et un risque plus faible de régression vers la normoglycémie, a conclu le Dr Y. Liu (Université du Sud-Est, Nanjing, Chine). Les jeunes participants accordant une attention suffisante à l’IMC et à la gestion de la glycémie étaient plus susceptibles de régresser vers la normoglycémie. »

Des résultats somme toute logiques, et qui doivent inciter à une vigilance particulière chez les personnes prédiabétiques âgées et cumulant des facteurs de risques métaboliques.

Les orateurs D.J. Magliano, S.K. Nicolaisen et Y. Liu déclarent n’avoir aucun lien d’intérêt avec leurs présentations respectives.

 

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