Activité physique sur ordonnance pour les patients en surpoids ou atteints d’obésité

Marine Cygler

Auteurs et déclarations

4 octobre 2022

France – Le 2 mars dernier, la loi n°2022-296 visant à favoriser le développement du Sport santé a été adoptée. Elle ouvre la possibilité de prescrire de l'activité physique adaptée (APA) à l’ensemble des médecins. Depuis plusieurs années, la Haute Autorité de Santé accompagne les médecins avec la publication de guides de consultation et de prescription, dont le dernier a été publié début septembre, ainsi que des fiches détaillées selon les pathologies. L'une d'entre elles est dédiée aux situations de « surpoids et obésité de l’adulte ». Interrogée par Medscape édition française, la Pre Martine Duclos (endocrinologue, CHU de Clermont- Ferrand), Présidente de l’Observatoire national de l’activité physique et de la sédentarité (ONAPS), a accepté d'apporter son éclairage sur ce référentiel publié en 2018 et toujours d'actualité.

Restaurer la flexibilité métabolique

Contrairement à une idée reçue, l'activité physique (AP) n'a pas vraiment d'impact dans la phase d'amaigrissement. « Trente minutes de marche permettent de brûler entre 150 et 200 kCa. Pour perdre un kilo de graisse, il faudrait dépenser 7000 kCa. On comprend bien que l'AP n'a pas d'effet direct sur la perte de poids », explique la spécialiste. C'est surtout le régime hypocalorique qui permet la perte de poids.

Cela dit, l'AP contribue à la perte de poids pour deux raisons : elle limite la perte musculaire et elle restaure la flexibilité métabolique. « Quand un régime hypocalorique est prescrit dans un cadre médical, deux tiers de la perte de poids concerne de la masse grasse, et un tiers de la masse musculaire », rappelle Martine Duclos. Cette perte musculaire a pour conséquence de diminuer le métabolisme de base. Limiter la perte musculaire permet donc de maintenir un métabolisme de base qui peut représenter jusqu'à 90 % de la consommation énergétique chez les personnes obèses sédentaires.

 

Par ailleurs, chez les personnes en situation d'obésité, la perte de flexibilité métabolique, liée à l'insulinorésistance, se manifeste par la non-utilisation des graisses par le métabolisme. L'organisme ne consomme plus que du glucose et stocke les graisses. « L'activité physique entraîne le métabolisme à utiliser préférentiellement les graisses et finit par restaurer cette flexibilité métabolique avec une utilisation du glucose en post-prandial et une utilisation des graisses à jeun » indique-t-elle. L'AP est essentielle ensuite pendant la phase de stabilisation afin de maintenir la perte de poids.

La cheffe du service médecine du sport au CHU de Clermont-Ferrand considère que le médecin prescripteur se doit d'expliquer ces mécanismes physiopathologiques à son patient, mais aussi les bénéfices de l'AP.

 
« L'activité physique entraîne le métabolisme à utiliser préférentiellement les graisses. »
 

Décrire les bénéfices pour entretenir la motivation

« Si on veut motiver quelqu'un à se mettre à l'AP et à la conserver sur le long terme, il ne faut pas hésiter à prendre le temps de détailler les bénéfices sur la santé et pas seulement sur la perte de poids » fait remarquer la spécialiste qui liste les bienfaits sur le métabolisme osseux, une diminution du risque de cancer de 25 % pour les cancers du sein, de l'utérus ou encore du côlon, des effets bénéfiques sur le cerveau et la cognition ou encore une baisse de l'anxiété. En outre, les patients souffrant d'obésité ont souvent d’autres facteurs de risque cardio-vasculaire et métabolique associés : HTA, dyslipidémie, syndrome métabolique, pré-diabète ou diabète de type 2, pour lesquels l’AP a aussi des effets bénéfiques.

Reste qu'un frein essentiel à la mise en place d'une AP chez ces patients est l'autodépréciation. « Ils ne se sentent tout simplement pas capables, ils ont subi le regard des autres pendant si longtemps et parfois ils ont repris du poids après en avoir perdu », explique-t-elle. Le discours du médecin se doit d'être rassurant, d'insister sur le fait que tout le monde est capable de progresser à son rythme et d'améliorer sa capacité physique. La Pr Martine Duclos conseille à ses confrères d'insister sur deux aspects : le fait qu'après un exercice modéré, on a moins faim et que l'AP joue un rôle positif sur le moral.

 
« Si on veut motiver quelqu'un à se mettre à l'AP et à la conserver sur le long terme, il ne faut pas hésiter à prendre le temps de détailler les bénéfices sur la santé et pas seulement sur la perte de poids. »
 

S'aider d'un professionnel de l'APA

Qui prescrit l'AP ? « Le médecin généraliste, le nutritionniste ou l'endocrinologue... », répond Martine Duclos qui considère qu'il s'agit surtout pour eux de convaincre leur patient que l'AP est aussi nécessaire que bénéfique. « L'idéal, c'est d'orienter le patient vers un professionnel d'activité physique adapté (APA) qui à partir d'un bilan et des préférences du patient proposera un programme individualisé », poursuit-elle.

Quid des contre-indications ? Encore un aspect à prendre en compte : tout médecin prescripteur d'APA devrait rassurer ses patients en situation d'obésité sur le fait que l'AP ne présente pas de risque pour leur santé. En cas de douleurs articulaires, il est possible de privilégier des activités aquatiques portées, avec bâtons de marche ou le vélo.

Quant à la réalisation d’une épreuve d'effort avant la prescription d’une activité physique d’intensité élevée, « elle est loin d'être systématique » rappelle la spécialiste et ne devrait être envisagée qu'en cas de facteurs de risque CV avérés.

Quels objectifs ?

« Lors de la phase d’amaigrissement, les objectifs recommandés sont d’augmenter progressivement l’AP d’endurance d’intensité modérée à au moins 150 minutes par semaine pour réduire la perte de masse musculaire, et dans l’idéal, d’y associer quelques séances de renforcement musculaire.

Pour maintenir le poids sur le long terme après la phase d’amaigrissement, les objectifs recommandés sont d’augmenter progressivement l’AP pour atteindre 200-300 minutes d’AP en endurance par semaine, pour prévenir la reprise de poids et améliorer les capacités cardio-respiratoires. Et d’inclure des AP en renforcement musculaire au moins 2 fois par semaine, pour maintenir la masse musculaire et améliorer la force et l’endurance musculaire. »

« Il est toutefois important de souligner que les objectifs d’AP énoncés sont difficilement atteignables chez des patients obèses souvent très déconditionnés physiquement. Le médecin doit définir avec son patient des objectifs réalistes […] Le développement des activités physiques de la vie quotidienne a souvent une place importante dans la remise en mouvement de ces patients, et doit être associé à une réduction du temps passé à des activités sédentaires. La marche est une AP conseillée chez les patients obèses. Il y a une relation inverse entre la distance marchée (km) par semaine et l’IMC. L’adhésion à un programme de marche peut être facilitée par l’utilisation d’un podomètre et autres trackers. Pour un maintien de poids après amaigrissement, on estime que 11 000 à 12 000 pas par jour, soit l’équivalent de 60 à 90 minutes d’AP d’intensité modérée, peuvent être nécessaires. Là encore, il est important de souligner que ces objectifs journaliers ne doivent pas être imposés comme un dogme, il vaut mieux, dans un souci d’efficacité, proposer au patient d’augmenter son nombre de pas progressivement (+ 1 000 à 3 000 pas journaliers) et souligner que chaque pas en plus est bénéfique pour sa santé », indique la HAS.

Lire notre dossier spécial Obésité : focus sur les nouvelles recommandations

 

 

 

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