Obésité : l’objectif de perte de poids ne fait pas tout

Aude Lecrubier

Auteurs et déclarations

3 octobre 2022

Paris, France — Alors que l’obésité ne cesse de progresser dans le monde, la prise en charge de la maladie a radicalement évolué sur le plan conceptuel    « la perte de poids ne fait plus tout » et avec l’arrivée de nouveaux médicaments.

Il est désormais acquis que l’objectif thérapeutique ne se résume plus à un objectif pondéral que ce soit chez l’enfant ou chez l’adulte.

Dans son nouveau guide 2022 pour optimiser le parcours de soins de l'enfant et de l'adolescent en situation de surpoids ou d'obésité, la Haute Autorité de Santé (HAS) précise que perdre du poids n’est pas un objectif prioritaire sauf en cas de complications. Il s'agit d’infléchir la courbe de corpulence tandis que la croissance se poursuit et, en fin de croissance, de stabiliser le poids.

Aussi l'objectif principal des soins et de l’accompagnement est de modifier certaines habitudes de vie en cause dans la prise de poids, et d'aider la famille au rééquilibrage alimentaire, à la diminution des comportements sédentaires ou encore à la reprise de l’activité́ physique.

Chez les adultes, les recommandations 2022 de la HAS indiquent que la gradation des soins doit être établie en prenant en compte de nombreux paramètres autres que l’indice de masse corporelle (IMC) ou le tour de taille. La prise en charge de l’obésité n’est pas qu’une question de poids mais « concerne aussi l’amélioration des comorbidités, des facteurs de risque, de la qualité́ de vie et de la mobilité́ », précise l’institution.

Il s’agit désormais de s’intéresser au niveau de sévérité́ des pathologies associées, au retentissement fonctionnel, au contexte psychopathologique, à l’existence d’un handicap, au comportement alimentaire et au retentissement sur la qualité́ de vie personnelle ou professionnelle. 

« On doit à tout prix se concentrer sur le dépistage et sur le traitement des comorbidités, sans le résumer par la nécessité de maigrir à tout prix », soulignait le Pr Boris Hansel (endocrinologue-diabétologue et nutritionniste, hôpital Bichat, université paris VII, Paris) dans un blog récent ; saluant le changement de paradigme porté par ces nouvelles recommandations.

 « Un patient qui a perdu quelques pourcents du poids – même s'il n'a pas beaucoup perdu – et qui modifie ses habitudes de vie, ne doit pas être considéré en échec », précisait-t-il.

Des nouveaux médicaments

Outre cette révision majeur des objectifs thérapeutiques, l’autre avancée notable dans la prise en charge de l’obésité est l’arrivée de nouveaux médicaments.

Des études récentes ont montré que les agonistes des récepteurs du glucagon-like peptide-1 (GLP-1) et les agonistes des récepteurs du polypeptide insulinotrope dépendant du glucose (glucose-dependent insulinotropic polypeptide, GIP), en complément des modifications de l’hygiène de vie, avec la mise en place d’une activité physique et d’une alimentation adaptées, peuvent jouer un rôle dans la régulation de la prise alimentaire et aider à la perte de poids.

Depuis 2021, le liraglutide, analogue du GLP-1 (glucagon-like peptide-1) peut être utilisé en France dans l'obésité avérée, en sus des mesures hygiéno-diététiques, mais il n'est pas remboursé alors que le sémaglutide, autre analogue du GLP-1, a obtenu une ATU.

Une étude de phase 3 récente, SURMOUNT-1, a aussi montré des résultats impressionnants avec le tirzépatide, une molécule qui peut se lier à la fois aux récepteurs du GIP et du GLP-1. Un part plus importante des patients obèses ou en surpoids non-atteints de diabète participant à l’étude ont obtenu une réduction du poids corporel supérieure ou égale à 5 % avec le tirzépatide 15 mg (96,3 %), 10 mg (96,2 %) et 5 mg (89,4 %) qu’avec le placebo (27,9 %).

Quelle place faudra-t-il désormais accorder à ces nouveaux médicaments versus à la chirurgie ? La question reste entière alors qu’en France, chaque année, entre 50 000 et 60 000 actes de chirurgie bariatrique sont réalisés et qu’1% de la population aurait déjà subi une chirurgie bariatrique. Des actes dont les bénéfices sont avérés et les complications (risque osseux, risque de carences) sont aujourd’hui mieux prises en compte grâce à un suivi plus encadré.

Renforcer l’action publique 

Pour lutter contre l’obésité, il faut aussi, bien sûr, agir en amont. Un certain nombre de mesures sociétales doivent être envisagées. Un rapport publié en juin dernier par le Sénat préconisait en ce sens « d’éduquer précocement à l'alimentation et à la cuisine, d’encadrer strictement la publicité visant les enfants à la télévision ainsi que le marketing agressif en faveur d'aliments trop gras ou trop sucrés, de faire évoluer l'algorithme et l'affichage du Nutri-Score pour mieux prendre en compte les aliments ultra-transformés, de réguler l'installation des nouveaux restaurants de restauration rapide (« fast foods ») à proximité des écoles, collèges et lycées, mais aussi mieux prendre en charge les personnes ».

« Des proportions épidémiques »

L’ensemble de ces mesures préventives et thérapeutiques doivent être mises en place rapidement, à grande échelle, alors qu’en Europe, les taux d'obésité et de surcharge pondérale ont atteint «  des proportions épidémiques  » et «  continuent de progresser  », s'inquiéte l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) dans un rapport publié en mai dernier. Désormais, six adultes sur 10 et près d'un enfant sur trois sont en surpoids ou obèses sur le vieux continent.

La France n’échappe pas à la règle avec un nombre de personnes atteintes d’obésité qui a explosé passant de 8,5% en 1997 à 17% en 2020, soit plus de 8,5 millions de personnes, indique la Ligue contre l’obésité. D’après l’enquête nationale Obépi-Roche 2020, 18% des enfants âgés de 2 à 7 ans dans l’Hexagone souffraient d’obésité en 2020.

Des chiffres alarmants alors que plus de 1,2 million de personnes en meurent chaque année en Europe, ce qui représente plus de 13% de l’ensemble des décès.

L'obésité, maladie chronique et évolutive, accroît le risque de nombreuses pathologies, notamment cardiovasculaires, ostéoarticulaires, respiratoires, rénales, mais aussi le risque diabète, de dépression et d'au moins 13 types de cancer, avec 200 000 nouveaux cas de cancer liés à l’obésité chaque année.

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