France, Mans— Lundi 3 octobre, le Dr François Braun mobilisera à 10h30 au palais des congrès du Mans le plus grand staff jamais vu pour plancher sur l’avenir du système de santé. Plusieurs centaines de personnes, politiques, usagers, professionnels de santé, sont attendues pour le lancement des travaux en santé du conseil national de la refondation (CNR), grand-messe qui sera le point de départ d’un vaste cycle de réunions à travers la France et d’une consultation citoyenne numérique.
Le ministre de la Santé dévoilera le cadre de cette séquence de neuf mois, qui dressera les grandes lignes de la politique de santé du second quinquennat Macron. Jusqu’à ce jour, rien n’a filtré du nom du ou des pilotes de cet immense chantier, des thématiques des groupes de travail ou du calendrier précis. Dans un récent entretien au JDD, François Braun avait affiché son intention de « partir du terrain, et faire du sur-mesure et pas du prêt à porter descendant du ministère ». A Ségur, on confirme à Medscape que l’objectif est de proposer « une boîte à outils pour répondre aux besoins de santé »
Dans un entretien accordé au Monde ce jour, le ministre a indiqué que les débats seront les quatre même dans chaque territoire : « un médecin traitant pour tous, l’impératif de la permanence des soins, l’attractivité médicale et la prévention ».
Se voulant rassurant, il explique que « l’idée n’est pas de lancer une énième concertation sur le diagnostic – on le connaît – mais de faire émerger les solutions imaginées et attendues localement. Comment répondre aux problèmes de notre territoire, avec les outils dont on dispose ? Voilà la question posée ».
Améliorer l’accès aux soins… par tous les moyens
Alors que 6 millions de Français n’ont pas de médecin traitant, « le défi de l'accès aux soins » sera « au cœur de l'enjeu » de ce CNR santé, a annoncé le chef de l’Etat. Trouver des solutions contre les déserts médicaux, en améliorant l’organisation des soins et en utilisant de nouveaux outils comme la télémédecine, tels seront les mots d’ordre des acteurs de la concertation, les professionnels et Ordres de santé bien sûr mais aussi les élus, et les représentants des usagers.
La pression sera bien sûr sur les médecins libéraux, qui vont entamer des négociations avec l’Assurance maladie en vue de conclure leur prochaine convention médicale (2023-2028). Leur liberté d’installation est de plus en plus ouvertement remise en question par les élus et des parlementaires.En revanche, Fraçois Braun s’y dit opposé : « je reste opposé à la coercition à l’installation. Pas par dogme, mais parce que ça ne marche pas », explique-t-il à nos consoeurs du Monde.
Le gouvernement continue de défendre les mesures incitatives et planche sur une 4e année d’internat en médecine générale réalisée préférentiellement en territoire sous-doté. Mais une meilleure coordination des professionnels de santé et une redistribution des tâches au sein de l’équipe de soins sont attendues. « Le partage des compétences est sur la table, explique le Dr Franck Devulder, président de la CSMF. Nous n’y sommes pas opposés mais cela signifie qu’il faudra que les actes d’expertise médicale soient valorisés. »
Les médecins enfin prêts à déléguer ?
Débordés, les médecins ne peuvent plus tout faire et ils le concèdent. L’Ordre des médecins est désormais favorable à une plus importante délégation de tâches à d’autres professions de santé mais attention, pas n’importe comment. Il réclame que l’équipe de soins soit « coordonnée par le médecin, sous sa responsabilité, quant au diagnostic, au choix thérapeutique et aux moyens mis en œuvre pour une prise en charge optimisée du patient », a affiché son nouveau président, le Dr François Arnault, dans un entretien au Quotidien du Médecin .
« Les solutions, on les connaît déjà, reste à choisir lesquelles mettre en place, assène pour sa part le Dr Philippe Vermesch, président du SML. Il faut poursuivre le déploiement des assistants médicaux (3 300 postes ont été créé, ndlr), faciliter la poursuite d’activité des médecins retraités en supprimant leurs cotisations Urssaf et Carmf, limiter la durée des remplacements et organiser des délégations sous le contrôle du médecin pour le suivi des patients chroniques. »
L’assistant médical a la cote aussi à MG France. « L’assistant fait partie des collaborateurs qui peuvent aider à améliorer l’accès aux soins, analyse le Dr Agnès Giannotti, présidente du syndicat de généralistes. Avec 2000 assistants, 500 000 patients ont retrouvé un médecin traitant. Mais attention, il faut penser aux locaux où les mettre ! »
Oui à l’équipe, non au capitaine
Les médecins défendent leur rôle de chef d’orchestre mais les autres professionnels de santé espèrent faire entendre leur voix pendant les débats. « On parle beaucoup de faciliter le travail en équipe avec un apport de ressources au niveau des cabinets de médecine générale, explique Daniel Guillerm, président de la Fédération nationale des infirmiers (FNI). Or, nous ne voulons pas que les infirmiers soient inféodés à la tutelle médicale ! Il faut d’ailleurs bannir le terme d’auxiliaires médicaux. »
S’ils sont prêts à travailler davantage en équipe, les soignants ne se sont pas encore mis d’accord sur qui tiendra le brassard de capitaine. D’aucuns, chez les paramédicaux, souhaiteraient que ce ne soit pas automatiquement le médecin. L’UNPS, qui représente 12 professions de santé, espère que le CNR entérinera le concept des équipes de soins coordonnées autour du patient (ESCAP), un modèle d’organisation souple qui permet de se coordonner autour d’un patient identifié par le soignant (médecin, infirmier…) grâce aux outils numériques. « Il y a urgence à trouver des solutions pour les patients qui n’ont pas de médecin traitant, notamment ceux qui ont des pathologies lourdes », analyse le Dr William Joubert, président de l’UNPS.
Les hôpitaux restent sur leurs gardes
Les kinés espèrent aussi des « solutions simples, pragmatiques et applicables sur le terrain ». Ils ont en travers de la gorge les « protocoles sans queue ni tête » qui entravent les expérimentations de l’accès direct des patients ayant une lombalgie ou une entorse. « Aujourd’hui, pour qu’un patient puisse être pris en charge directement par un kiné pour ce motif, il faut que son médecin ait adhéré au protocole et ait donné aux kinés des ordonnances vierges signées en blanc, explique Sébastien Guérard, président de la FFMKR. Forcément, ça ne marche pas ! Le ministre de la Santé doit prendre ses responsabilités pour faciliter l’accès direct. »
Si tous Ies regards sont portés sur l’accès aux soins en ville, l’hôpital, qui traverse aussi une crise d’attractivité, sera aussi au cœur des débats.
Le nouveau président de la Fédération hospitalière de France et maire (Horizon) de Reims, Arnaud Robinet, demande, dans Libération , de « réfléchir à la façon de mieux organiser la coopération entre acteurs de santé. » La FHF souhaite notamment que soient « mieux partagée » entre l’ensemble des acteurs libéraux et hospitaliers « la pénibilité des gardes et astreintes, durant les week-ends, les jours fériés et l’été ».
Les maires sont aussi sur une ligne dure, demandant aux médecins d’assumer leurs devoirs. Lors d’un récent entretien avec François Braun, l’Association des petites villes de France (APVF) a défendu des « mesures de répartition des médecins sur le territoire national ainsi que de plus fortes délégations de compétences aux paramédicaux pour une couverture plus optimale de la population ».
Un médecin traitant pour tous, la bonne approche ?
La réflexion sur le système de santé de demain ne se fera pas sans les patients. « Nous devrons débattre de tous les sujets sans tabou », clame Gérard Raymond, président de France Assos Santé. Le ministre de la Santé a affiché son souhait de voir tous les Français avoir son médecin traitant. Pour le représentant des usagers, cette utopie ne doit pas être une fin en soi. « Selon une récente étude Harris Interactive, 55% des Français attendent trois jours pour avoir un rendez-vous avec leur généraliste. A quoi sert d’avoir un médecin traitant si on ne peut pas le voir rapidement ? Il faut davantage se poser la question de la notion d’une équipe traitante qui permettrait au patient d’accéder à un professionnel qui pourra le prendre en charge. »
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Citer cet article: Réunis en staff, élus, patients et soignants vont débattre de leurs remèdes pour la santé - Medscape - 30 sept 2022.
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