Hystérectomie, endométriose : un risque augmenté de diabète ?

Nathalie Raffier

Auteurs et déclarations

30 septembre 2022

Stockholm, Suède__ Une hystérectomie avant l’âge de 45 ans augmenterait le risque de diabète de type 2[1], surtout si une ovariectomie est associée. En revanche, il ne semble pas y avoir d’association entre endométriose et diabète, selon deux études présentées lors du congrès européen de diabétologie (European Association for the Study of Diabetes - EASD). Commenté par le Pr Fabrice Bonnet (CHU de Rennes), investigateur principal de l’étude sur l’hystérectomie.

L’hystérectomie n’est pas un geste anodin sur le plan métabolique. Cette intervention a déjà été associée au risque d’hypertension et de maladies cardiovasculaires, mais peu d’études dotées d’une puissance suffisante ont examiné la relation avec le risque de diabète de type 2 (DT2). Les résultats issus de la cohorte de femmes françaises E3N sont donc intéressants à double titre.

De manière générale, E3N permet d’étudier les facteurs de risque associés au cancer et à d’autres maladies non transmissibles majeures chez près de 100 000 femmes nées entre 1925 et 1950. Afin d’étudier le poids de l’hystérectomie dans la survenue d’un diabète ultérieur, le Pr Fabrice Bonnet, diabétologue au CHU de Rennes et au Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations (Villejuif) a colligé les données de 81 144 femmes non diabétiques (moyenne d’âge 51 ans ; intervalle 45-60 ans à l’inclusion) suivies de manière prospective sur une moyenne de 16,4 ans.

Étaient exclues les femmes ayant reçu l’indication d’hystérectomie pour cancer ; seules étaient conservées les indications pour fibrome utérin, endométriose, saignements répétés, etc. 17 141 femmes ont subi une hystérectomie et 2 672 femmes ont développé un DT2.

Le risque accru de diabète associé à une hystérectomie est avéré, de l’ordre de 27 % en analyse multifactorielle (ajusté sur les facteurs confondants tels que les antécédents familiaux de diabète, l’alimentation, l’activité physique, le niveau socio-économique, etc.).

La qualité de l’alimentation, le niveau d’activité physique et le surpoids n’ont pas modifié la relation entre l’hystérectomie et le DT2 incident.

« Il s’agit d’une première étude en France à révéler un surrisque de DT2 à la suite d’une hystérectomie, ce qui va dans le même sens que les deux études américaine et taïwanaise publiées sur le sujet, précise Fabrice Bonnet. Une femme ayant eu une hystérectomie se retrouve statistiquement plus à risque de diabète, et ce d’autant plus si elle cumule des facteurs familiaux ou personnels de diabète. Avoir connaissance de ce surrisque, qui peut paraître étrange mais qui est robuste, permet d’être particulièrement vigilant vis-à-vis du devenir métabolique de ces femmes, 15 à 20 ans après l’intervention, aux âges de 60-70 ans. »

 
Il s’agit d’une première étude en France à révéler un surrisque de DT2 à la suite d’une hystérectomie.  Pr Fabrice Bonnet
 

Les moins de 45 ans sont les plus à risque

Une nuance est à souligner : l’âge auquel l’hystérectomie a été pratiquée compte. En effet, chez les femmes qui ont subi une hystérectomie avant l’âge de 45 ans, le risque global de DT2 était 52 % plus élevé que chez celles sans hystérectomie dans ce groupe d’âge.

Il n’y avait pas de risque accru significatif chez les femmes ayant subi une hystérectomie après 45 ans.

Dans le détail, le risque de diabète incident était plus important pour les femmes ayant subi une hystérectomie avant l’âge de 50 ans : avant 40 ans (RR ajusté : 1,27, IC 95 % 1,07-1,50, P = 0,006) ; entre 40 et 50 ans (HR ajusté : 1,27, IC 95 % 1,16-1,40, < 0,0001) ; après 50 ans (HR ajusté : 1,06, IC à 95 % 0,95-1,18, P = 0,28) par rapport à celles sans hystérectomie dans ces groupes d’âge.

Un bénéfice à conserver les ovaires

Par ailleurs, les résultats suggèrent que le fait d’avoir une hystérectomie avec préservation des ovaires était toujours associé à un risque accru de diabète de 13 % (HR : 1,13, IC à 95 % 1,03-1,25, P = 0,013) comparativement à un risque accru de 23 % après une hystérectomie et une ovariectomie (HR : 1,23, IC à 95 % 1,13-1,35, P < 0,001).

« Chez ces femmes à qui l’on propose de manière légitime une hystérectomie, insiste le Pr Bonnet, un bénéfice incontestable ressort sur le plan métabolique à préserver les ovaires. Ces données françaises apportent un élément puissant au débat sur le surrisque conféré par l’ovariectomie, et confortent les données américaines parues. Il s’agit non pas de dramatiser, mais de sensibiliser à ce surrisque de diabète en cas d’hystérectomie et au caractère protecteur de la préservation des ovaires, d’autant que le nombre d’hystérectomies en France ne fléchit pas de manière radicale, autour de 80 000/an contre 55 000 au Royaume-Uni, principalement pour des maladies bénignes chez des femmes âgées de 40 à 50 ans. »

Le Pr Fabrice Bonnet projette dans un second temps d’examiner les chiffres chez les femmes ayant reçu un traitement hormonal après l’ovariectomie.

 
Un bénéfice incontestable ressort sur le plan métabolique à préserver les ovaires.
 

Quelles hypothèses ?

Parmi les hypothèses pouvant expliquer ces résultats figure la dépression, étayée par les questionnaires distribués aux femmes dans E3N, avec des traits dépressifs plus marqués chez les femmes hystérectomisées. Or, la dépression est associée de manière consensuelle à un risque accru de diabète ultérieur.

Par ailleurs, une hystérectomie peut influencer la fonction ovarienne, ce qui est renforcé par le fait que, dans la cohorte E3N, le risque de diabète de type 2 est plus important chez les femmes qui en plus de l’hystérectomie ont subi une ovariectomie. Préserver les ovaires semble donc important car plus la sécrétion d’hormone antimüllérienne (AMH) est basse, plus le risque de diabète est élevé.

Pr Fabrice Bonnet : « Il existe des circonstances où une hystérectomie est le meilleur choix pour une femme, mais nous devons nous assurer que les patientes sont conscientes des risques pour la santé associés à cette procédure, en particulier avant l’âge de 45 ans, et sont informées des thérapies alternatives non chirurgicales pour les fibromes, l’endométriose et le prolapsus, qui sont les principales causes d’hystérectomie. Toutes les femmes de moins de 45 ans hystérectomisées ne développeront pas un DT2, mais il existe une association de risque modéré, et on ne peut exclure la possibilité que d’autres facteurs non mesurés ou des données manquantes puissent avoir affecté les résultats. »

Pas d’association entre endométriose et risque de diabète de type 2

En revanche, une seconde publication émanant du même Département d’endocrinologie, diabète et nutrition du CHU de Rennes présentée à l’EASD 2022 qui exploitait elle aussi la cohorte prospective E3N[2] est rassurante : il semblerait qu’il n’y ait pas de lien entre endométriose et DT2.

Parmi les 83 582 femmes, indemnes de DT2 à l’inclusion et suivies pendant près de 17 ans, 4 606 ont rapporté un diagnostic d’endométriose. Dans un modèle ajusté sur l’âge, l’IMC, l’activité physique, le tabagisme, l’éducation, l’âge à la ménarche et l’utilisation de contraceptifs oraux, l’endométriose n’était pas associée au risque de DT2 (HR = 1,09 ; IC à 95 % = 0,92-1,29).

Cette relation était similaire après un ajustement supplémentaire pour les antécédents familiaux de diabète, d’hypertension et de statut ménopausique (HR = 0,99 ; IC à 95 % = 0,83-1,19).

« L'endométriose confirmée par laparoscopie n’était pas associée au risque de DT2 dans cette grande cohorte française, concluait la Dre Patricia Vaduva, qui présentait son étude.

Ces résultats sont cohérents avec une récente étude prospective américaine suggérant que l’endométriose n’est ni un marqueur ni un facteur de risque du diabète de type 2. »

Pour le Pr Bonnet ces résultats sont logiques : « Certes, l’endométriose est une pathologie inflammatoire, mais à l’échelle tissulaire et non générale ; le taux de CRP étant sans commune mesure avec celui qui est retrouvé dans la polyarthrite rhumatoïde, par exemple. Il s’agit d’une inflammation locale. Même si dans cette étude les endométrioses étaient sévères car toutes ont bénéficié d’une chirurgie, c’est la seconde publication qui permet d’affirmer que l’endométriose n’est pas associée au diabète. »

 
L'endométriose confirmée par laparoscopie n’était pas associée au risque de DT2 dans cette grande cohorte française. Dre Patricia Vaduva
 

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