POINT DE VUE

Cancer de la prostate métastatique : focus sur les résultats de deux études de phase 3

Dr Constance Thibault

Auteurs et déclarations

22 mars 2023

Alors que la 3e phase de l’étude ARASENS vient confirmer le bénéfice de l’intensification thérapeutique chez les patients avec un cancer de la prostate, métastatiques et hormonosensibles, l’essai TRITON3 conforte la place des inhibiteurs de PARP chez les patients CPRCm préalablement traités par une hormonothérapie de nouvelle génération et qui présentent une mutation BRCA.

TRANSCRIPTION

Bonjour à tous et bienvenue sur Medscape. Je suis Constance Thibault, oncologue médicale à l’hôpital européen Georges-Pompidou, à Paris, et aujourd’hui je vais vous rapporter les résultats de deux études concernant les patients avec des cancers de la prostate métastatiques qui ont récemment été publiées.

ARASENS en phase 3 confirme le bénéfice de l’intensification thérapeutique chez les patient « haut volume »

La première étude évaluait l’intensification d’un traitement chez les patients métastatiques hormonosensibles – donc les patients qu’on appelle CPHSm ou mHSPC en anglais – et concerne l’actualisation des données de l’étude ARASENS. [1]  Il s’agit de cette étude de phase 3 qui avait évalué l’intérêt d’un triplet à base de suppression androgénique + un traitement par docétaxel + un traitement par darolutamide, en comparaison à un doublet de suppression androgénique + une chimiothérapie à base de docétaxel.

Cette étude avait déjà rapporté des résultats à partir des 1300 patients qui avaient été inclus et randomisés entre ces deux bras de traitement et avait atteint son objectif de critère de jugement principal qui était la survie globale et avait démontré une supériorité du triplet par rapport au doublet chez les patients avec une maladie (mHSPC).[2]  La question qui restait en suspens était en fonction du volume tumoral, parce qu’on sait que les patients mHSPC de haut volume ont des maladies plus agressives avec une médiane de survie en général plus courte que les patients mHSPC de bas volume. Et les résultats de l’étude PEACE-1, qui était l’autre étude qui avait démontré l’intérêt d’un triplet avec cette fois-ci non pas le darolutamide mais l’abiratérone, les données suggéraient que le bénéfice était essentiellement retrouvé chez les patients mHSPC de haut volume. [3]  

Dans cette analyse en sous-groupe de l’étude ARASENS [1],  on voit que le bénéfice chez "les haut-volume", qui représentaient la grande majorité des patients (à peu près 1000 patients sur les 1300 inclus étaient de haut volume), le bénéfice était très net en faveur du triplet avec un hazard ratio à 0,69 et une différence nettement significative. En revanche, chez les patients de faible volume, qui correspondaient à environ 300 patients inclus, donc à peu près 150 dans chaque bras, le hazard ratio était le même – 0,69 chez les haut volume, 0,68 chez les bas volume. On peut se poser la question de savoir : « est-ce que chez les faible volume l’absence de significativité s’explique par le plus petit effectif de patients ? »

Néanmoins, c’est vrai que cette analyse en sous-groupe conforte l’idée de faire un triplet chez les haut volume, mais ne pousse pas forcément à réaliser ce triplet chez les patients de faible volume métastatiques.

Cette analyse en sous-groupe conforte l’idée de faire un triplet chez les patients métastatique de haut volume, mais ne pousse pas forcément à réaliser ce triplet chez ceux de faible volume.

TRITON3 conforte la place des iPARP chez les patients CPRCm BRCA1/2 préalablement traités par hormonothérapie 

La deuxième étude concerne les inhibiteurs de PARP qui ont fortement agité les discussions lors du congrès de cancérologie américain dédié aux cancers génito-urinaires (ASCO GU 2023) qui a eu lieu à San Francisco en février dernier, et concerne l’étude TRITON3. [4]   Il s’agit d’une étude de phase 3 qui évaluait un inhibiteur de PARP qui est le rucaparib chez des patients cette fois-ci métastatiques, mais résistants à la castration (CPRCm ou mCRPC an anglais), prétraités par une hormonothérapie de nouvelle génération. Et il fallait, pour être inclus, que les patients aient une mutation ou, en tout cas, une altération soit du gène BRCA1, du gène BRCA2 ou du gène ATM, donc il y avait une sélection moléculaire à l’inclusion dans l’étude et les patients étaient stratifiés en fonction du gène muté parmi les trois cités et en fonction de la présence ou non de métastases hépatiques et, enfin, en fonction de l’état général ECOG 0 versus 1.

C’était une étude avec un design assez classique : rucaparib versus un traitement laissé libre choix à l’investigateur, qui pouvait donc être soit le docétaxel, soit une hormonothérapie de nouvelle génération avec une randomisation 2:1. Et le critère de jugement principal de cette étude était la survie sans progression radiologique avec la possibilité pour les patients inclus dans le bras standard d’avoir accès au rucaparib en cas de progression – et c’est ce qui s’est passé chez les trois quarts des patients inclus dans ce bras contrôle.

On voit un bénéfice très net en survie sans progression radiologique en comparaison au bras standard avec une médiane de survie sans progression quasiment doublée

Ces données retrouvent un bénéfice très net en survie sans progression radiologique en comparaison au bras standard avec une médiane de survie sans progression qui est quasiment doublée – on passe de 6,4 mois à 11,2 mois, un hazard ratio à 0,51 et un p très significatif. Concernant les données de survie globale, il y a une tendance en faveur du rucaparib, mais sans atteindre le seuil de significativité – le hazard ratio est à 0,81 et le p est à 0,21. Néanmoins, ces données sont immatures et nécessitent d’avoir un recul un peu plus important.

Ce qui est intéressant dans cette étude, c’est qu’ils ont regardé aussi les résultats en fonction du gène muté – et on voit que chez les patients mutés BRCA le bénéfice est très net. En revanche, chez les patients avec des mutations ATM, la différence n’était pas significative. Il s’agissait d’analyses exploratoires, mais cela conforte dans l’idée que les inhibiteurs de PARP marcheraient peut-être moins bien chez les patients avec des mutations ATM et le bénéfice chez ces malades-là est très incertain. C’est déjà ce qui avait été rapporté dans l’étude PROfound qui avait évalué un autre inhibiteur de PARP qui était l’olaparib.[5]   

L’autre donnée très intéressante de cette étude TRITON3 concerne le bras contrôle, étant donné qu’il pouvait être soit une chimiothérapie par docétaxel, soit une hormonothérapie de nouvelle génération. C’était une des limites de l’étude PROfound avec l’olaparib où, en fait, les patients du bras contrôle recevaient tous une hormonothérapie de nouvelle génération et tous les malades n’avaient pas reçu au préalable du docétaxel – moins de la moitié des patients en avait reçu. Donc, quand on regardait les données de PROfound on se posait la question de savoir « est-ce que chez des patients avec des mutations BRCA il vaut mieux faire un inhibiteur de PARP tout de suite après l’hormonothérapie de nouvelle génération ou est-ce qu’il vaut mieux le faire après la chimiothérapie ? » Dans l’étude TRITON3, on voit que le rucaparib, lorsqu’il est comparé au docétaxel ― donc une vraie deuxième ligne avec un vrai bras contrôle ― la différence est nettement significative en faveur du rucaparib avec une médiane de PFS qui passe de 8 à 11 mois, et elle est encore plus marquée lorsque le bras contrôle est une hormonothérapie de nouvelle génération, étant donné qu’on passe de 4,5 à 11,2 mois.

Concernant la tolérance du traitement, il n’y a pas eu de grosse surprise : la toxicité de cet inhibiteur de PARP est essentiellement marquée par une anémie.

Donc, globalement, cette étude conforte dans la place des inhibiteurs de PARP chez les patients CPRCm préalablement traités par une hormonothérapie de nouvelle génération et qui présentent une mutation BRCA. Le bénéfice est nettement moins certain pour les patients avec des mutations ATM et c’est la raison pour laquelle l’Agence européenne du médicament a donné une autorisation de mise sur le marché pour l’olaparib uniquement chez les BRCA-1 et BRCA-2 mutés et non pas chez les ATM. En tout cas, les données de cette étude TRITON3 montrent qu’un autre inhibiteur de PARP – à savoir le rucaparib – montre un bénéfice, là encore, à administrer un inhibiteur de PARP par rapport à un bras contrôle et que, très probablement, lorsqu’un patient présente une mutation il faut lui proposer un inhibiteur de PARP assez tôt dans sa maladie, dès la progression après une hormonothérapie de nouvelle génération.

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