POINT DE VUE

Triage préalable avant l'arrivée aux urgences : l’expérience japonaise

Pr Dominique Savary

Auteurs et déclarations

3 février 2023

Le Pr Savary analyse une étude japonaise qui comparait le taux d’hospitalisations entre les patients triés préalablement par téléphone par une infirmière formée au triage préhospitalier et ceux arrivés spontanément à l’urgence.

TRANSCRIPTION

Bonjour à tous, je suis Dominique Savary, je travaille au département de médecine d’urgence du centre hospitalier universitaire d’Angers. Je vais évoquer avec vous le triage avant l’entrée dans les services d’urgence. Cet été, à la suite des difficultés liées à la pénurie de personnel dans les services d’urgence, a été mis en place dans un certain nombre de centres, non universitaires comme universitaires, un système de triage avant l’entrée aux urgences, en particulier pour diminuer la proportion de patients qui se déplaçait en période plutôt nocturne et qui n’avait, finalement, besoin que de revoir leur médecin traitant le lendemain.

Aujourd’hui, je vous propose d’analyser une étude japonaise qui a été faite à Osaka par l’équipe de Katayama et qui est sortie à la fin de l’année dernière dans European  Journal  of  Emergency  Medicine. [1] L’étude s’est intéressée principalement aux patients qui sont allés au service d’urgence et qui ont été triés au préalable. Les chercheurs ont analysé l’association entre ce triage et le devenir de ces patients. Il faut savoir que l’organisation du triage au Japon est assez différente de celle de la France. C’est un système public dans lequel la population a la possibilité d’appeler un service de triage qui est géré par une infirmière qui a un certain nombre de critères pour mesurer la gravité des patients et pour leur déléguer une ambulance et orienter cette ambulance vers le service le plus adapté, avec une disponibilité la plus précoce possible. Il faut savoir que ce triage, parmi les nombreux appels reçus, représente finalement très peu de patients – c’est 1 % des patients qui arrivent en ambulance dans les services d’urgence d’Osaka qui sont triés par cette infirmière. Et les autres qui sont arrivés en ambulance, ont eux-mêmes appelé le service d’ambulance, qui est un service gratuit géré par les pompiers d’Osaka ; donc les patients ont la possibilité d’appeler directement les pompiers pour être transportés à l’hôpital.

Le but de ce travail était de regarder, entre ceux qui sont arrivés en ambulance lorsqu’ils ont demandé eux-mêmes l’ambulance versus ceux qui ont appelé le système de triage, quel était le devenir de ces patients. C’est une belle étude rétrospective qui est proposée, qui a été mise en place sur quatre années successives, entre janvier 2016 et décembre 2019, avec une analyse assez pointue qui utilisait un modèle de régression logistique multivariée avec un score de propension comme covariable. C’est une régression logistique qui s’appuyait sur 12 variables différentes, et donc avec des groupes assez homogènes et qui permet de voir le devenir de ces patients. Le but principal en particulier était de regarder ceux qui avaient eu une évolution appelée « défavorable » dans le papier, c’est-à-dire des patients qui étaient hospitalisés ou transférés ou décédés entre ceux triés par cette infirmière et ceux arrivés spontanément. Il s'agit donc de groupes homogènes.

 
L’hospitalisation était beaucoup plus importante dans le groupe non trié : 42,5 % versus 28,8 %.
 

Est-ce que le triage a finalement amélioré les choses ? Chez les patients hospitalisés transférés ou décédés – qui représentent quand même un groupe d’un peu plus de 50 % ― 57 % des patients arrivés dans les services d’urgence, donc c’est beaucoup ― il y a une énorme différence entre les deux groupes, puisque l’évolution qu’ils appellent défavorable, c’est-à-dire l’hospitalisation, était beaucoup plus importante dans le groupe non trié : 42,5 % versus 28,8 % lorsqu’ils étaient triés par ce système avec une nurse habituée au triage préhospitalier. C’est tout à fait intéressant de voir cela, parce que oui, effectivement, le tri permet de réduire le nombre de patients à l’urgence et, entre autres, d’éviter que des patients qui n’ont pas à être à l’urgence y soient. Aussi, cela permet de voir, à travers cette étude, que lorsque les patients sont triés, cela permet aussi à ceux qui sont allés à l’urgence d’avoir moins d’hospitalisation et un devenir meilleur. C’est un peu différent de chez nous, mais probablement qu’on peut s’inspirer de ce genre de travaux pour promouvoir, peut-être, ce triage préalable à l’urgence.

 

Je vous remercie et je vous dis à bientôt sur Medscape France.

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