La Dre Pauline Seriot a interrogé 4 consœurs, deux médecins généralistes et deux urgentistes, qui ont témoigné, en toute transparence, de la diversification de leur pratique et des retombées financières.
TRANSCRIPTION
Bonjour à tous. Pour faire suite à la vidéo précédemment publiée qui abordait le thème des revenus annexes des médecins, j’ai décidé d’illustrer mes propos aujourd’hui avec des situations professionnelles réelles. Nous allons parler en toute transparence de diversification des pratiques et retombées financières.
Pour se faire, j’ai interrogé 4 médecins, deux généralistes et deux urgentistes. Par souci d’anonymat, les prénoms ont été modifiés.
Anna, 33 ans, médecin généraliste : cumul d’activités supplémentaires en médecine d’urgence et du sport
Débutons avec le cas d’Anna, 33 ans, médecin généraliste. Elle réalise des remplacements dans un cabinet de médecine générale un jour par semaine, un samedi sur deux, un vendredi dans le mois et une semaine par vacances scolaires. Les revenus des consultations qu’elle génère lui sont rétrocédés à 70%. Il faut ajouter à cela charges, URSSAF et CARMF. Cela lui revient donc à un salaire mensuel d’environ 4000 euros, sachant qu’elle fait des remplacements en secteur 2, la consultation est à 35 euros et la visite à domicile est à 50 euros.
Elle cumule également une activité de médecine d’urgence à hauteur de 30%, soit environ 50 heures par mois. Dans les faits, au regard de la demande et de la pénurie de médecins hospitaliers, elle effectue près de 20 heures supplémentaires. Cette activité en médecine d’urgence lui permet de garder un pied à l’hôpital, de travailler en équipe et de sortir de l’exercice unique du libéral. Cela lui permet de gagner entre 1500 et 3000 euros par mois.
Au total, en travaillant entre 35 et 40 heures par semaine (voire 70 en période de vacances scolaires), son salaire mensuel se situe 5000 et 6000 euros.
Parallèlement à cela, elle s’est inscrite au DIU de médecine du sport. Ce DIU demande une disponibilité de 55 semaines par an, cours et stages inclus. Elle souhaite ensuite parfaire sa formation en passant la capacité de médecine du sport. Je tiens à préciser que ces formations sont loin d’être gratuites et qu’elles nécessitent un dégagement horaire important à leur concrétisation.
Ajouté à cela, elle pratique la natation à haut niveau et s’entraine 8 heures par semaine. Elle donne également de cours de natation 2 heures par semaine.
Actuellement, elle trouve son équilibre au sein de cette alliance entre remplacement et activité hospitalière.
Néanmoins, au terme de sa spécialisation en médecine du sport, elle devra faire un choix. Effectivement, elle devra décider de s’installer en libéral, ou garder un pied dans la médecine générale ou alors se consacrer entièrement à une patientèle sportive dédiée. Ce sera à elle de voir et à côté de cela, de savoir si elle continue ou pas en médecine d’urgence.
Julie, 30 ans, médecin généraliste : un avenir incertain
Intéressons-nous maintenant à Julie, 30 ans, médecin généraliste, qui multiplie les activités. Elle effectue des remplacements dans un cabinet de médecine générale en secteur 2 à hauteur de 20 heures par semaine, assure entre 6 et 7 vacations par mois en maison médicale de garde de 18 heures à minuit et réalise 20 heures de permanence de soins par mois à la régulation du SAMU.
Tout comme Anna, elle conserve une activité de médecine d’urgence à hauteur de 30%.
Au total, pour 35 heures par semaine de travail (lissées sur l’année avec des semaines plus chargées que d’autres), elle se dégage entre 5000 et 6000 euros de salaire après déduction des charges et impôts. Vous allez me dire que pour 35 heures par semaine, elle s’en sort bien. Elle s’en sort oui, mais travaille 3 soirées par semaine, 3 weekends sur 4 et le dimanche de 8 heures à minuit. Son salaire est rendu possible grâce à la revalorisation des heures supplémentaires, des demi-gardes et des weekends.
Elle n’a pas choisi cette organisation professionnelle au hasard, en effet, travailler plutôt en soirée et le weekend lui permet de s’occuper de son enfant en bas âge en journée, faute de place en crèche.
Son devenir ? Pour le moment, elle ne l’envisage qu’à très court terme. Elle ne s’imagine pas s’installer. L’exercice libéral exclusif ne lui convient plus au regard d’un investissement considérable et d’une charge mentale qui l’est tout autant. La patientèle se densifie, s’impatiente et devient de plus en plus exigeante. J’y avais déjà fait référence dans une précédente vidéo. Des patients qui exigent un rendez-vous médical en urgence pour une dispense de sport, qui réclament des examens divers et variés, qui se permettent de contredire une prescription etc. L’expertise même du médecin généraliste est remise en cause à la faveur d’un nouveau métier, finalement celui de préparateur de commande. Alors cette vision est caricaturale mais les échos des jeunes médecins généralistes se rejoignent malheureusement en ce sens. Et c’est un cercle sans fin devant la raréfaction des médecins généralistes.
De ce fait, son avenir est incertain, même au sein de la médecine. Elle continue de diversifier sa pratique et verra au gré des opportunités professionnelles qui lui seront proposées sur son chemin.
Catherine, 55 ans, urgentiste : activités de conseil et médecin de fédération sportive
Passons au cas de Catherine, 55 ans, urgentiste. Elle cumule une activité de médecine d’urgence à 40% dans une structure hospitalière et à 25% dans une autre.
Elle réalise également une activité de conseil, notamment dans le domaine de la santé publique à hauteur de 30%.
Elle occupe aussi un poste de médecin de fédération sportive et participe à la médicalisation d’événements en rapport. Cela représente 15% de son activité professionnelle.
Elle a récemment débuté une activité de médecin conseil dans une société d’assurance et s’occupe de l’organisation des rapatriements, une journée par semaine.
Au total, elle travaille entre 45 et 50 heures par semaine, encore une fois, lissées sur l’année.
L’association de ses activités et de ses revenus lui permet de gagner aux alentours de 8000 euros par mois.
Cette diversité d’exercice, dont elle a toujours eu recours, alliant salariat et activités annexes, lui ont permis d’acquérir une expérience certaine et surtout une très grande adaptabilité. Elle a ainsi pu façonner son emploi du temps, en être maître et concilier sa vie professionnelle avec sa vie de famille. Cela lui a aussi permis de s’adonner à son attrait pour la recherche et l’écriture.
Chloé, 31 ans, médecin urgentiste : formatrice au sein du CESU
Terminons enfin ce tour d’horizon par Chloé, 31 ans, médecin urgentiste. Elle détient une activité majoritaire au SAMU à 70% et aux urgences à 30%.
Parallèlement à cela, elle s’investit dans la formation puisqu’elle est formatrice au sein du CESU qui est le Centre d’Enseignement des Soins d’Urgence. Elle donne des cours adaptés aux situations d’urgence au personnel paramédical environ 3 jours par mois. Elle s’occupe également de la formation d’adaptation à l’emploi pour les ambulanciers urgentistes. Chloé a donc dû dégager du temps personnel et poser des congés pour accéder à la formation de formateur en soins d’urgence. Elle prépare des cours interactifs en amont de chaque formation ou les implémente au fur et à mesure, et cela lui demande environ 1 heure 30 avant chaque cours.
Ceci est pour elle le moyen de se tenir à jour en permanence sur les recommandations d’experts, de bonne pratique sur l’exercice de sa profession.
Le fait de pouvoir transmettre son savoir à un public demandeur lui procure également une satisfaction supplémentaire.
Cette activité de formation est rémunérée un peu moins de 50 euros l’heure.
Au total, Chloé travaille entre 40 et 50 heures par semaine, voire 60 lors des semaines plus chargées (je rappelle que la norme est de 39 heures), en plus de s’occuper de ses deux enfants en bas âge. Son salaire fixe est de 4000 euros, auquel il faut ajouter les gardes (environ 6 gardes par mois de 24 heures, rémunérées chacune un peu plus de 200 euros). Ce qui lui fait un salaire mensuel d’environ 5500 euros.
Conclusion
Au regard des différents exemples cités, ce que l’on peut constater c’est qu’en tant que médecin généraliste, les marges de manœuvres en termes de diversification d’exercice paraissent un peu plus souples. Par ailleurs, l’exercice libéral permet une augmentation certaine des salaires (notamment avec les consultations en secteur 2).
En ce qui concerne la médecine d’urgence, au regard des contraintes de plus en plus prégnantes associées à cette profession (j’entends par là, la pénibilité du travail, la fatigabilité, la difficulté à conjuguer vie professionnelle et personnelle), de plus en plus de praticiens font le choix de prendre d’emblée des contrats partagés ou des contrats réduits à 40%, 60%, quitte à rogner sur le salaire.
Vous aurez sans doute remarqué que je ne me suis pas focalisée sur les médecins qui font la course aux missions intérim dans les structures hospitalières et autres. Cette mentalité d’optimisation du gain reste assez éloignée de mes principes, même si elle gagne du terrain sur la désillusion patente de la profession.
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Citer cet article: Diversification de la pratique : quelles retombées financières ? Exemple de 4 jeunes médecins - Medscape - 25 janv 2023.
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