POINT DE VUE

COVID : il est important de rappeler l’intérêt des boosters, selon Colas Tcherakian

Dr Colas Tcherakian

Auteurs et déclarations

14 novembre 2022

Malgré la lassitude face à la vaccination, il faut rediscuter le bénéfice des boosters, explique le Dr Colas Tcherakian qui rappelle qu’omicron, s’il « tue moins », est toujours capable de faire des « dégâts ». Car c’est bien la distance qui sépare de l’injection précédente qui semble être l’élément mettant le plus à risque de formes graves de COVID-19.

TRANSCRIPTION

Bonjour, je suis Colas Tcherakian, pneumologue à l’hôpital Foch et je voulais revenir sur le variant omicron et la vaccination anti-COVID.

On a l’impression d’être entré dans l’ère de la lassitude et on va voir qu'effectivement le taux de vaccination, que ce soit pour le boost et surtout pour la quatrième dose, est très mauvais.

Or on revoit maintenant à l’hôpital des COVID graves qu’on ne voyait plus à la septième vague et aux vagues précédentes. Avant, on retrouvait plus soit des immunodéprimés, soit des patients pour lesquels le COVID n’était pas le problème principal. On n’a plus ce sentiment, et récemment j’ai montré quelques cas cliniques qui retrouvent des patients vaccinés, avec un bon taux d’anticorps, qui sont parfois même jeunes — en dessous de 60 ans — et qui font des formes graves de COVID. Et parmi nos collègues, on a ces mêmes retours.

Donc aujourd’hui, clairement, il faut rediscuter le bénéfice de la vaccination. On a beaucoup vacciné et on en a tous eu marre, avec en plus le sentiment d’être vaccinés avec un vaccin non spécifique des variants qui passaient.

L’intérêt de la vaccination

L’intérêt de revacciner, même si le vaccin n’est pas spécifique d’Omicron, est que vous avez cet effet boost, c’est-à-dire que vous augmentez la quantité d’anticorps qui va venir remplacer la qualité et la spécificité des anticorps. Et cela fonctionne, en tout cas jusqu’à un certain point, c’est-à-dire pour la protection contre les formes graves et les hospitalisations, beaucoup moins bien sur le risque infection. Et puis, il y a quand même eu un effet très clair sur la baisse des COVID longs, on l'a tous constaté.

Les moins :

- Aujourd’hui, il y a une lassitude.

- Il y a aussi une discussion sur « à force de vacciner, est-ce qu’on va augmenter les effets secondaires de la vaccination ? » Aujourd’hui, il n’y a aucun signal pour le penser.

- Ensuite, est-ce qu’on crée des anticorps facilitants, comme cela a été dit ? La réponse est non. On l’a vérifié, c’est très facile à faire : vous mettez le virus, vous mettez le sérum du malade, si le virus rentre plus facilement du côté où il y a le sérum du malade par rapport au côté témoin, c’est qu’il y a des anticorps facilitants, et ça, cela n’a jamais été vu dans le COVID. Donc on peut très clairement laisser tomber cette option.

- Enfin, on pense à l’effet Hoskin qui est un effet de perte d’efficacité des nouvelles vaccinations. Comment cela se passe ? Cela se voit dans certains virus et vaccinations antivirales — vous faites un premier vaccin qui reconnaît un certain nombre d’épitopes, c’est-à-dire de parties de la protéine, et puis vous revenez avec un vaccin qui contient les mêmes et puis deux autres supplémentaires, par exemple. Le système immunitaire va se concentrer sur les trois qu’il connaît et ignorer les deux autres. On l’appelle l’effet Hoskin, c’est-à-dire que cela diminue l’efficacité contre les nouvelles protéines. Il n’y a pas, on va le voir, cet effet avec les vaccins mixtes qui combinent l’ancien virus et des sous-variants d’Omicron. Il n’y a pas cet effet Hoskin donc c’est plutôt rassurant et on peut aller plus loin dans la vaccination, aujourd’hui.

 
Il n’y a pas d'effet Hoskin avec les vaccins mixtes qui combinent l’ancien virus et des sous-variants d’Omicron.
 

Le vaccin est le mode de protection premier. On en a d’autres, mais par exemple les anticorps neutralisants, aujourd’hui, ne sont plus neutralisants par rapport aux nouveaux variants. Donc on en est où ? Ce n’est pas terrible, il faut le dire. On a très clairement eu un effet plafond sur la troisième dose avec des effectifs qui n’étaient pas si mauvais — chez les plus de 65 ans, on est arrivé à plus de 80 % de vaccination, ce qui était très bien pour la troisième dose, et chez les plus de 18 ans, jusqu’à trois quarts de la population qui était vaccinée avec le premier appel, c’est-à-dire la troisième dose. Aujourd’hui, fin septembre, je vous montre les chiffres — ce n’était pas particulièrement bon : chez les plus de 80 ans, un peu plus d’un tiers de la population vaccinée, ce n’est pas terrible, et pour les 60-79 ans, qui sont quand même la cible d’une intensification vaccinale, un tiers de la population éligible. On est très loin de ce que l’on voudrait atteindre pour avoir une bonne qualité de protection. Vous allez me dire « certes, ils n’ont pas eu la quatrième dose, mais beaucoup ont été infectés avec des formes mineures » et c’est vrai.

Vous avez vraiment un effet d’immunisation. Et si on regarde l’effet d’immunisation[1] de BA.1 versus BA.2 ou de BA.2 versus BA.1, vous baissez le risque de réinfection d’un variant contre l’autre. Cela reste vrai avec le BA.5, mais cette protection est finalement d’assez courte durée depuis Omicron, qui n’entretient pas des anticorps persistants. Donc vous allez vous réinfecter quelques mois après votre infection, cela a été très bien constaté. Et l’effet de la vaccination après deux doses est très vite perdu, si vous n’avez pas cet effet boost. Après deux doses, vous avez contre Omicron à un an, 5 % de protection contre l’infection chez l’immunocompétent — c’est très mauvais —, vous montez à 50 % après un boost. Donc c’est mieux, très clairement. Après, c’était sur une phase précoce et on voit que cet effet disparaît et diminue dans le temps.

Indépendamment de la chute des anticorps, ce que je vous montrais dans les cas cliniques précédemment, c’est qu’on peut s’infecter à distance de la vaccination, alors même qu’on a des anticorps très hauts. Donc surtout ne prenez pas appui sur la sérologie pour dire s’il faut ou non vacciner. Le patient que nous avons hospitalisé récemment, il avait des BAU supérieurs à 5000, c’était le maximum d’anticorps qu’on pouvait avoir, il a fait une forme grave. Donc c’est la distance qui vous sépare de l’injection précédente qui semble être l’élément qui vous met le plus à risque de réinfection.

 
C’est la distance qui vous sépare de l’injection précédente qui semble être l’élément qui vous met le plus à risque de réinfection.
 

Il y a une étude qui montre qu’on rattrape cette chute drastique de deux doses par la troisième dose, et on a un effet similaire avec le deuxième boost, c’est-à-dire la quatrième dose. [2] Dans les études précoces, on montrait qu’on rattrapait les protections avec un boost. Aussi une autre étude très intéressante montrait qu’on meurt aussi avec Omicron — on meurt beaucoup moins et on meurt d’autant moins qu’on est dans une population vaccinée, ce qui nous a vraiment donné cet « effet rhume » d’Omicron dans une population très vaccinée, [3] mais il est capable de tuer les doubles vaccinés, et il tue moins les triples vaccinés. Et on peut s’attendre à ce qu’il tue encore moins les quadruples vaccinés, surtout quand la vaccination est récente.

Donc les premières études montraient juste après le boost qu’il y avait une baisse de mortalité de 90 %. C’est vraiment quelque chose d’assez important à rappeler : Omicron tue peu, tue moins, mais il est capable, quand même, de faire des dégâts.

 
Omicron tue peu, tue moins, mais il est capable, quand même, de faire des dégâts.
 

Si on veut synthétiser, le boost n’est pas très bon pour la protection contre l’infection, et cela on l’a tous expérimenté et vu autour de nous, que ce soit sur le plan professionnel ou personnel. En termes d’infection, c’est -20 % sur les infections – on peut être infecté lorsqu’on est vacciné. En revanche, on diminue par 2 les hospitalisations, et surtout on diminue par 80 % le risque de formes qui vous emmènent en soins intensifs ou qui vous tuent. Donc le bénéfice est sur la protection contre l’hospitalisation et le décès.[4]

Quels boosters ?

Aujourd’hui, avec quoi peut-on vous booster ? On a ces fameux vaccins bivalents, c’est-à-dire qu’ils ont une partie du virus original pour vous stimuler et une partie qui est plus proche soit du BA.1 soit du BA.4-BA.5, selon le type de vaccin. Qu’est-ce qu’on va gagner ? On risque de gagner en spécificité, l’intérêt derrière étant peut-être de se dire qu’on pourra vous vacciner moins souvent et qu’on aura un effet qui perdurera plus longtemps, plutôt que d’être obligé de revacciner les gens tous les 6 mois, ce qui, clairement, contribue à l’effet de lassitude.

Attention, on n’a pas beaucoup de données sur ces nouveaux vaccins. On a des données sérologiques, parfois chez l’humain, parfois dans la souris humanisée, c’est-à-dire qui a un système d’anticorps humain — cela fonctionne. Le boost n’est pas comparé, par exemple dans l’étude que je vous montre, par rapport au vaccin classique, mais par rapport à la deuxième dose faite avec un vaccin classique, donc pour l’instant, on sait qu’on a une augmentation du taux d’anticorps, on a probablement une meilleure protection clinique, mais nous n’avons aucune donnée aujourd’hui, et on a des données de safety qui disent qu’ils sont aussi bien tolérés que le vaccin précédent.[5]

On n’a pas non plus d’études sur la réponse cellulaire, donc on a aujourd’hui à disposition des vaccins qui devraient être plus performants que les précédents, mais pour lesquels on ne pourra vous l’assurer que dans quelques mois. En tout cas, ils ne semblent pas être, heureusement, plus nocifs et donc le temps va être aussi une source d’information.

Ensuite la HAS s’est prononcée très en faveur de ces vaccins bivalents parce qu’on a des études solides pour penser qu’on va faire de meilleurs anticorps. En revanche, je pense qu’il faut vraiment pousser nos patients et la population générale à retourner se faire vacciner, parce que l’adage que je proposais il y a quelques mois, qui disait « avec trois doses on n’est pas à l’hôpital quand on est immunocompétent » n’est plus vrai aujourd’hui, car la distance de la troisième dose est maintenant trop éloignée. Il faut être généreux dans les indications vaccinales aujourd’hui, et très clairement pousser tous les plus de 60 ans, y compris sans comorbidité à avoir, soit une vaccination s’ils sont à plus de six mois de la dernière vaccination, soit encore une vaccination s’ils sont à plus de trois mois d’une infection antérieure.

J’espère que j’aurais aidé à clarifier les indications et à vous convaincre que même si nous n’avons pas beaucoup de recul sur ces nouveaux vaccins, il faut aller chercher le boost aujourd’hui, car on retrouve des formes d’Omicron pathogéniques qui amènent à nouveau les gens à l’hôpital. Je crois qu’il faut absolument essayer de les protéger contre cela. Je vous remercie.

 

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