Le blog du Dr Pauline Seriot

Revenus complémentaires : retour sur l’enquête Medscape

Dr Pauline Sériot

Auteurs et déclarations

26 octobre 2022

« La vision ancestrale du médecin dévoué à sa carrière, à sa patientèle, ne quittant pas son cabinet, est bel et bien révolue. », conclut le Dr Pauline Seriot, en rappelant les résultats de l’enquête Medscape.

TRANSCRIPTION

Bonjour à tous,

Aujourd’hui, nous allons évoquer ensemble un sujet qui devient de plus de plus fréquent, et pour cela, je vais m’appuyer sur les résultats d’une enquête menée par Medscape concernant les revenus annexes des médecins.

Effectivement, de plus en plus de praticiens choisissent d’exercer une activité rémunérée en plus de leur pratique médicale, s’intégrant ou non dans le domaine de la santé.

Au regard de cette évolution sociétale des médecins, nous allons essayer de comprendre :

  • D’une part, pourquoi ? Quelles sont les raisons de ces pratiques plurielles ?

  • Quelles sont les motivations de ces médecins ?

  • Quels secteurs d’activité choisissent-ils ?

  • Et pourquoi s’éloignent-ils de leurs carrières médicales initiales ?

Afin de réaliser cette enquête, Medscape a interrogé une cohorte de plus de 1200 praticiens de différentes spécialités dont nous allons analyser les résultats.

L’exercice d’une activité rémunérée en plus de sa pratique concerne un quart des praticiens interrogés. Il n’existe pas de différence d’âge significative et les hommes y apparaissent plus nombreux (21% vs 11%). 44% indiquent que leurs activités rémunérées sont en lien avec le domaine médical.

Quelles sont donc ces activités annexes?

Par ordre décroissant, à 24%, il s’agit de la permanence des soins, à savoir la reprise de gardes et astreintes dans d’autres établissements de santé, le plus souvent privés. Elle représente l’activité la plus fréquemment rapportée, majoritairement effectuée par les femmes.

Dans un second temps, à 22%, il s’agit de la réalisation de conférence, les hommes y sont majoritaires.

Ensuite, il y a eu la campagne de vaccination anti-Covid chez 14% des praticiens, surtout chez les moins de 45 ans.

Enfin, de manière plus marginale, nous retrouvons des activités annexes telles que l’expertise médicale judiciaire, la délivrance de certificats médicaux, la rédaction d’articles ou de blogs.

Quant aux activités annexes rémunérées non médicales, elles concernent 56% des médecins interrogés.

31% investissent dans l’immobilier.

5% rapportent une activité de consulting, majoritairement les plus de 45 ans.

Puis, de manière un peu moins significative, d’autres praticiens exercent des activités d’écriture, artistiques ou sportives.

Combien de temps les praticiens consacrent à leurs activités annexes ?

En moyenne, 14 ans et chaque semaine, 6 heures.

Cela représente 15% de leur temps total dédié à cette activité.

Pourquoi exercer une activité annexe ?

29% des médecins expliquent vouloir utiliser et développer leurs compétences, notamment chez les plus de 45 ans.

21% des médecins le font pour des raisons financières.

Et oui, le mythe du médecin qui travaille peu et gagne bien sa vie reste un mythe. Certains praticiens obtiennent une très bonne rentabilité de leurs activités purement médicales en travaillant dans le privé, en pratiquant des dépassements d’honoraires et en multipliant les actes. Mais cela ne concerne qu’une infime partie de la population de médecins. Et ce d’autant que le régime fiscal est très sévère.

Dans le cadre de motivations pécuniaires, les médecins ayant anciennement travaillé pour l’hôpital public, décident de se tourner vers des pratiques bien plus lucratives de la médecine telles que la médecine esthétique, le laser, l’échographie, les vacations en structure privée avec la cotation à l’acte ou bien l’interim.

Par ailleurs, pour 5% des praticiens, il s’agit de rembourser des dettes.

Pour certains médecins, la pratique d’une activité annexe permet de faire évoluer leurs carrières, de préparer leurs retraites, de se désinvestir de cette activité médicale unique ou bien de se préparer à une reconversion dans un autre domaine.

Au-delà des raisons évoquées précédemment, plusieurs médecins expliquent vouloir briser la routine, se rendre utile et transmettre des connaissances.

Je retiendrais le témoignage intéressant d’un médecin qui rapporte que son cursus parallèle en philosophie, ses écritures lui permettent de pallier la frustration où l’on ne voit plus que « la rentabilité du soin ». Comme si cette activité représentait une échappatoire le permettant de maintenir une stabilité dans sa réalité, vers une émancipation des obligations et des contraintes liées à la pratique unique de son exercice médical.

Combien ces activités rapportent elles aux praticiens ?

En 2021, les activités annexes ont rapporté 12 000 euros en moyenne, avec une médiane de 7000 euros par an et par praticien.

L’emploi du temps des praticiens est-il suffisamment flexible ?

41% des médecins interrogés ne bénéficient que peu de temps à accorder à leurs activités annexes et 26% rapportent n’avoir que très peu de temps à cela. Cela demande une organisation et un dégagement horaire important, sacrifiant sur le temps personnel.

A contrario, un quart des médecins, principalement des hommes, déclarent disposer de suffisamment de latitude horaire. Peut-être parce qu’ils leur est plus facile de se libérer des tâches domestiques et parentales.

Les médecins sont-ils satisfaits de ce mode de vie ?

A 88%, ils s’estiment effectivement très satisfaits.

Pour 54% d’entre eux, il s’agit même d’un degré d’accomplissement supplémentaire.

Néanmoins, à 21%, ils en retirent moins de satisfaction. Cela est probablement dû au fait qu’il s’agit pour eux d’une situation obligatoire (avec toujours en filigrane cette idée de sacrifice du temps personnel, familial social, à une activité plus rentable nécessaire).

Quelle est la finalité de ces revenus annexes ?

68% des praticiens interrogés qui exercent une activité annexe rémunérée non médicale ne souhaitent pas quitter leur poste actuel pour s’engager vers celle-ci.

Seuls 12% seraient prêt à « sauter le pas », au regard de motifs d’épuisement, de volonté de réduction du temps de travail. Et cela concerne majoritairement les femmes, pour qui la charge de la parentalité leur incombe préférentiellement.

On retrouve davantage l’argument économique chez les hommes.

Les praticiens éprouvent-ils des regrets à tout quitter ? Un tiers des plus de 45 ans envisagent d’abandonner la médecine.

28% regrettent l’aspect sacrificiel à la fois social et financier consacré à leurs études.

Conclusion

La vision ancestrale du médecin dévoué à sa carrière, à sa patientèle, ne quittant pas son cabinet est bel et bien révolue.

Désormais, on entre dans une ère où l’exercice médical pur et exclusif soulève des problématiques diverses et de nombreuses contraintes.

Les médecins pensent davantage à l’après ou à l’autour de leurs situations professionnelles et s’émancipent du côté carriériste qui les dirige dans une seule voie.

Les praticiens cherchent et trouvent des portes de sortie, quelles qu’elles soient, selon leurs préférences ou opportunités, afin de s’épanouir différemment, ou bien de manière complémentaire.

Que cela soit à but lucratif, pédagogique ou pour se dégager du plaisir, les activités annexes permettent également de rétablir un équilibre de l’aspect sacerdotal de l’activité médicale unique.

 

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