Nouveau fonctionnement des USI : ce qu’il faut savoir

Dr Olivier Nallet, Dr Loïc Belle

Auteurs et déclarations

15 février 2023

COLLABORATION EDITORIALE

Medscape &

20 ans après le premier décret, quelles sont les nouveautés dans les règles de fonctionnement des soins critiques, notamment centrés sur les USIC ? Le point avec les Drs Loïc Belle et Olivier Nallet.

TRANSCRIPTION

Olivier Nallet – Bonjour à tous, merci à Medscape d’avoir organisé cette réunion. Nous allons parler, avec Loïc Belle qui est chef de service de cardiologie à Annecy, et moi-même, Olivier Nallet chef de service de cardiologie à l’hôpital de Montfermeil, en Seine-Saint-Denis, d’un sujet d’actualité : les nouvelles règles de fonctionnement des USI (Unité de Soins Intensifs) et des soins critiques évidemment centrés sur les USIC (USI cardiologiques), depuis la sortie du décret au printemps 2022 (n° 2022-694 du 26 avril 2022). Il faut situer ce décret : le premier datait de 2002, donc c’est un nouveau décret publié 20 ans plus tard, et qui a été certainement influencé par la crise COVID dont nous en dirons un mot.

Loïc Belle connaît particulièrement bien le sujet, il a participé à son élaboration et je vais lui demander de nous parler de ces nouvelles règles des soins critiques en général, puis, ensuite, on partira sur les USIC, plus particulièrement.

Abolition des USC, créations des USIP

Loïc Belle – Merci de cette introduction. Les soins critiques comprennent la réanimation, les USI, les USIC (mais aussi d’autres spécialités), et les USC (Unité de Soins Continus). Nous travaillions sur un décret qui, comme tu le dis, avait 20 ans et ce nouveau décret intervient pour nous donner de nouvelles règles. Avant, nous avions un régime d’autorisation pour les réanimations et un régime de reconnaissance contractuelle par les ARS, dans les USI et les USC, et maintenant, qu’on soit en réanimation-USI, on aura besoin d’une autorisation ministérielle de la DGOS.

Il faut bien faire la différence entre les recommandations de l’ESC dirigée par Éric Bonnefoy lorsqu’elles ont été publiées et ce décret. Les recommandations avaient proposé une graduation des USIC – niveau 1, niveau 2, niveau 3 – qui n’ont absolument pas été reprises par le décret qui met toutes les USIC dans le "même sac".

Pour situer un peu le volume, il y a à peu près 300 USIC en France pour 300 services de réanimation et 900 USC, quelle que soit la spécialité de l’USC qui sont plus souvent, d’ailleurs, polyvalentes. Donc l’évolution principale du décret est l’abolition des USC – c’est-à-dire qu’il n’y aurait plus d’USC et les USC seraient transformées soit en USI, soit transformées en unités d’hospitalisation conventionnelle.

 
L’évolution principale du décret est l’abolition des USC.
 

Olivier Nallet – C’est un point très important sur les soins critiques en général. C’est vrai qu’on est habitué depuis des années à travailler avec des USC où on met des malades intermédiaires entre la salle et la réanimation, et j’ai un peu de mal à comprendre, finalement, comment va s’articuler cette nouvelle organisation, avec une structure qui nous servait beaucoup, qui était l’USC.

Loïc Belle – Oui, cela va être un sacré changement et, d’ailleurs, il y a plusieurs unités de soins intensifs. Il y aura d’abord les USI accolées aux réanimations : toutes les réanimations auront un service d’USI dit polyvalent – USIP – et donc tout service de réanimation aura une USIP qui sert, finalement, à la sortie de la réanimation.

Puis il y a les USI non accolées à la réanimation et là, il y en a trois types :

  • Les USI cardiologique, neurovasculaire ou hématologique, parce que ce sont les plus nombreuses, qu’il y ait une réanimation sur site ou pas.

  • Deuxièmement, il y a les USI de spécialité, qui sont les USI de néphrologie, pneumologie, hépatogastroentérologie. Elles sont extrêmement peu nombreuses et sont surtout dans les gros centres avec une réanimation sur site.

  • Et pour les plus petits centres, il y a les USIP, donc polyvalentes, par dérogation, sans réanimation sur place, mais avec une convention, qui vont remplacer pas mal d’USC médicales.

Nouvelles règles pour les USIC

Olivier Nallet – Quelles sont les grandes règles pour la cardiologie, pour les USIC. Qu’est-ce qui a changé ?

Loïc Belle – Encore une fois, les USIC, qu’elles soient interventionnelles ou non interventionnelles, répondront aux mêmes règles. Il n’y a qu’une règle pour les USIC d’une façon générale, avec plusieurs éléments.

  • La règle, bien sûr, est d’avoir une unité d’hospitalisation de cardiologie sur site et ensuite tout se fait soit sur site, soit par convention. Donc il n’y a aucune obligation particulière en termes de cardiologie interventionnelle, de rythmologie interventionnelle, de chirurgie cardiaque ou même de réanimation. Vous pouvez avoir une USIC sans avoir un service de réanimation sur place.

  • Le deuxième élément important est que les USIC devront comporter plus de 6 lits.

  • Autre élément extrêmement important, c’est le ratio du nombre d’infirmières par nombre de lits ou patients. Il faut 1 infirmière pour 4 le jour, 1 infirmière pour 4 la nuit ; pour les aides-soignantes, c’est 1 pour 4 le jour et 1 pour 8 la nuit.

  • Et le dernier point, c’est la permanence des soins…

Olivier Nallet – Je voudrais te poser une question sur les infirmières : il est certain que cela va améliorer la qualité des soins, mais dans une période de crise des infirmières, cela ne va pas être forcément facile à appliquer dans tous les centres, avec un petit risque, peut-être, de temps en temps de réduction du nombre de lits. Je ne sais pas si c’est le risque…

Loïc Belle – Bien sûr, le contexte actuel n’est pas porteur à augmenter les ratios et à recruter des soignants, mais, en tout cas, c’est une reconnaissance de la charge en soins dans les unités critiques et de la qualité des soins dans ces unités-là. C’est un gold standard, après on aura les limites qu’on aura dans tous les domaines.

Olivier Nallet – C’est clairement un progrès.

La permanence des soins en cardiologie

Olivier Nallet – Maintenant il y a un autre point qui nous intéresse énormément, nous cardiologues, c’est la permanence des soins. J’aimerais que tu nous expliques ce que cela devient.

Loïc Belle – En 2002, il y avait une garde sur place de spécialité…. Là, il n’y en a plus. C’est-à-dire que maintenant, le minimum imposé pour la permanence des soins, c’est l’astreinte de cardiologie et, sur place, un médecin justifiant d’une formation ou d’une expérience en soins critiques... C’est toute la nuance. C’est-à-dire qu’il n’est pas question d’interne en quoi que ce soit – un cardiologue, au minimum, sera à la maison en astreinte et sur place il y aura un médecin spécialisé en soins critiques.

Olivier Nallet – D’accord, en sachant que dans le texte, ce n’est pas extrêmement précis sur le niveau de compétence et le niveau de formation… On imagine que ce sont des gens compétents, avec une exigence de formation en soins critiques pour pouvoir assumer une telle charge. Et puis le deuxième point qu’on avait discuté avec les réanimateurs, c’est qu’ils voient cela avec une certaine inquiétude – c’est-à-dire qu’ils pourront être amenés à gérer à la fois leur réanimation et une USIC finalement, avec un médecin qui sera de garde d’astreinte opérationnelle chez lui.

Loïc Belle – Oui, tout à fait. « Sur place, un médecin justifiant d’une formation ou d’une expérience en soins critiques sur site et un cardiologue d’astreinte. » Alors, cela ne doit pas nous empêcher, dans les plus gros centres, de défendre la garde sur place, car c’est une qualité des soins et une charge de travail importante dans des centres les plus importants, mais les centres qui sont plus fragiles, avec des effectifs qui ne permettent pas la garde sur place, c’est la possibilité de pouvoir fonctionner en astreinte.

 
Il faudra un médecin justifiant d’une formation ou d’une expérience en soins critiques sur site et un cardiologue d’astreinte.
 

Les leçons de la crise COVID-19

Olivier Nallet – Il y avait un élément qui est lié à la crise COVID, c’est la notion de flexibilité – alors c’est plus vrai pour les réanimateurs que pour nous, cardiologues. C’est-à-dire qu’on peut augmenter le nombre de lits ou les diminuer en fonction des saisons – ça c’est plus pour la Réa –, mais surtout en cas de crise sanitaire. Et puis il y a la notion de former des infirmières qui, en cas de crise exceptionnelle, pourraient participer à la gestion des soins critiques… Ce sont les leçons de la crise COVID.

Loïc Belle – Tout à fait. Je pense que tu as bien résumé la situation et ce décret devrait être en application à partir du mois de juin ou, en tout cas, avec une échéance de mise en conformité qui ne sera pas évidente à honorer, comme tu l’as expliqué, mais qui sera quand même pour nous une avancée, si ce n’est cette ambiguïté d’interprétation de cette permanence des soins.

Olivier Nallet – Merci, Loïc, pour tes explications et leur précision. C’est un texte intéressant qui est à la fois contraignant sur certains points, en particulier le PNM, mais qui donne une certaine liberté sur la permanence des soins.

 

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