Au-delà de son intérêt pédagogique indiscutable, l'utilisation du metaverse et surtout de la réalité augmentée en médecine, pourrait permettre de « transporter » des équipes opératoires à des milliers de kilomètres. Aperçu d’une pratique médicale futuriste avec Patrick Nataf et Boris Hansel.
TRANSCRIPTION
Boris Hansel – Bonjour à toutes et à tous. Connaissez-vous la téléportation et le metaverse (ou métavers) ? Cela fait penser à de la science-fiction, mais nous allons voir qu’il y a des applications, pour aujourd’hui et pour demain. On en parle avec Patrick Nataf, qui est professeur de chirurgie cardiaque. Nous coordonnons ensemble le Centre de responsabilité santé connectée à l’APHP, le CRSC, qui, avec l’Université Paris Cité, a une mission d’enseignement. On a d’ailleurs proposé pour 2023 un Diplôme Universitaire qui s’appelle « metaverse en santé ». C’est la nouveauté de l’enseignement dans la e-santé, vous pouvez d’ailleurs vous inscrire, cela démarre en mars.
Mais revenons au sujet du jour, notamment au metaverse et à la téléportation. Pour beaucoup de personnes, le metaverse est une imagination, voire du marketing… Qu'en est-il ?
Patrick Nataf – Le metaverse est la transposition dans un monde virtuel. C’est probablement du marketing et il a été très bien fait par Mark Zuckerberg. Mais là, nous allons parler d’autre chose : nous sommes, dans notre unité de recherche, en train de travailler sur les technologies immersives et on va plutôt parler de téléportation, c’est à dire la transposition dans un univers réel, et non pas dans un univers virtuel.

Capsule opératoire (source : Pr Patrick Nataf)
Boris Hansel – Cela veut dire qu’on va se « téléporter » ? Vous, chirurgiens, vous allez vous téléporter ? Déjà, téléporter une particule, cela semble compliqué, alors téléporter un humain... Expliquez-nous.
Patrick Nataf – En fait, on va même plus loin car on va parler de téléporter une équipe chirurgicale entière dans un bloc opératoire qui sera à 10 000 km de nous.
Boris Hansel – Comment fait-on pour téléporter une équipe chirurgicale si loin sans prendre l’avion ?
Patrick Nataf – C’est simple, on a une capsule dans laquelle on va rentrer et être en immersion dans un bloc opératoire qui va être filmé à 360°. C’est-à-dire qu’il va y voir le personnel qui travaille dans ce bloc opératoire et le patient qui sera au milieu de ce personnel, on va voir les techniques chirurgicales évoluer pendant l’intervention, et on va interagir avec tout cet univers, tout ce monde qui est en train de faire une intervention.
Boris Hansel – Donc on va pouvoir suivre en direct ce qui se passe à 10 000 km, et tout ça en réel ? Ce ne sont pas uniquement des photos. À quoi cela sert, en pratique, pour vous en chirurgie cardiaque et en chirurgie en général ?
Patrick Nataf – Le bloc opératoire a un accès relativement restreint – ce n’est pas tout le monde qui peut y entrer. Là, on va permettre au plus grand nombre d’assister à une intervention. D’autre part, on va voir comment l’équipe chirurgicale se comporte dans ce bloc opératoire. Vous le savez, il y a plein de petits codes à connaître, on ne doit pas toucher quelque chose qui est stérile, on va faire attention à tout. Surtout, beaucoup n'ont pas l’habitude d'assister à une opération ou de voir comment est conduite une opération, là, on va pouvoir le vivre en direct avec les acteurs de cette intervention.
Boris Hansel – Donc c'est pour l’enseignement, pour apprendre ce qui se passe et pour essayer d’adopter les bons gestes, les bonnes techniques, les bonnes précautions…
Patrick Nataf – Voilà. Les bonnes pratiques en général quand on rentre, quand on est un personnel soignant et qu’on veut savoir ce que c’est que le bloc opératoire.
Mais cela va plus loin : quand on est à 10 000 km et qu’on a une technique particulière à apprendre, au lieu de prendre l’avion pour se déplacer, regarder le chirurgien opérer, on va être en direct devant l’opération et on va interagir avec l’opérateur, avec les anesthésistes, avec les infirmières qui gèrent la salle d’opération, et en même temps regarder ce qui se passe dans les moniteurs lorsque le patient est en train d’être opéré.
Boris Hansel – On peut apprendre ce qui se passe, la technique etc. Maintenant on va aller encore plus loin : est-ce qu’on peut imaginer un jour que vous, Pr Nataf, expert, vous puissiez opérer à 10 000 km en étant dans cette capsule de téléportation ?
Patrick Nataf – On ne va pas opérer directement. On va se servir des outils, notamment de réalité mixte, les casques de réalité augmentée, pour pouvoir indiquer en temps réel, en positionnant nos mains et nos instruments exactement dans le champ opératoire de la personne qui est en train de faire cette intervention qu’il connaît moins bien. Au lieu d’opérer en direct, on va guider pas à pas le chirurgien pour chaque geste, cela sera direct, ce sera la réalité. C’est une réalité qu’on appelle « augmentée » ou « réalité mixte », c’est-à-dire qu’on va intervenir dans la réalité avec la digitalisation de nos mains, de nos instruments.
Boris Hansel – En clair, l’opérateur va voir vos mains dans le casque et il va superposer ses mains sur les vôtres pour faire les bons gestes sur le cœur du patient.

Opération en réalité augmentée (source : Pr Patrick Nataf)
Patrick Nataf – Exactement. Il va savoir exactement où aller, ce qu’il faut faire comme mouvement, comme technique, il peut changer de stratégie opératoire au fur et à mesure qu’on va lui indiquer ce qu’il doit faire.
Boris Hansel – Merci beaucoup, Patrick Nataf. Vous aurez plein d’autres informations, parce qu’on communiquera, bien sûr, sur ce sujet.
Si vous voulez apprendre le metaverse, la téléportation, la e-santé en général, n’hésitez pas à rejoindre nos formations universitaires multidisciplinaires de la e-santé.
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Crédit de Une : Patrick Nataf
Citer cet article: La chirurgie cardiaque en téléportation... - Medscape - 9 janv 2023.
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