Congrès JHTA 2022 : les points clés, avec le Club des Jeunes Hypertensiologues

Dr Guillaume Lamirault, Dr Romain Boulestreau, Dr Nabil Bouali, Dr Valentin Maisons

Auteurs et déclarations

22 décembre 2022

COLLABORATION EDITORIALE

Medscape &

Les membres du CjH résument des sessions clés des dernières Journées de l’HTA : focus sur la maladie rénale, mais aussi sur les recommandations au travers de cas cliniques présentés lors du congrès.

TRANSCRIPTION

Introduction

Guillaume Lamirault – Bonjour à toutes et à tous et bienvenue dans cette nouvelle édition du CjH avec notre partenaire Medscape. Nous allons parler aujourd’hui des Journées de l'Hypertension Artérielle (JHTA) 2022 qui se sont tenues il y a juste quelques jours. Je suis avec Romain Boulestreau, qui était un coorganisateur de cette session, ainsi que Valentin Maisons et Nabil Bouali – nous sommes tous du Club des Jeunes Hypertensiologues (CjH).

Romain, on peut dire que cette session des JHTA 2022 était un vrai succès.

Romain Boulestreau – Oui, merci Guillaume. On attendait effectivement 510 personnes, puisqu’on avait 500 places assises et on a eu 700 inscrits, 520 badges de retirés, donc un grand succès pour un congrès présentiel post-COVID. On est très content et je dois dire qu’on doit remercier fortement le CjH, et Valentin pour le partenariat avec le Club des Jeunes Néphrologues et Nabil pour le Collège des Cardiologues en Formation, puisque les sessions organisées par tous les trois ont été vraiment des salles pleines à chaque fois. Donc merci beaucoup à vous.

Ce que j’aimerais, si vous êtes d’accord, c’est que chacun résume un peu la session dont il s’est occupé. Valentin, tu peux peut-être commencer avec la session néphrologique ?

Focus sur la néphrologie

Valentin Maisons – Effectivement, merci, Romain. La session Club des Jeunes Néphrologues et du CjH portait sur les liaisons dangereuses entre l’hypertension artérielle et les maladies rénales chroniques. C’était un partenariat fructueux sous l’égide de la Société Française d'HyperTension Artérielle (SFHTA) – on va essayer de décrypter un les grands messages des différentes sessions.

Sébastien Rubin, qui est néphrologue à Bordeaux, a débuté sur les particularités de l’HTA dans la maladie rénale chronique, au-delà des aspects bien connus par les néphrologues. Je retiendrais surtout les outils simples et pratico-pratiques qu’il nous a fournis, à savoir une plaquette développée par les internes bordelais avec des choix de traitements et de règles hygiénodiététiques – et celles-ci sont, d’ailleurs, disponibles sur son Twitter – et, également, une échelle colorimétrique de l’urine pour que les patients puissent un peu ajuster leur boisson.

 

 

Ensuite, on a eu Dominique Guerrot qui est néphrologue à Rouen, qui a pris le relais sur un sujet épineux, à savoir alphabloquants et antihypertenseurs centraux, quel intérêt dans la maladie rénale chronique ?

Guillaume Lamirault – C’est un super sujet, parce que c’est du quotidien. Qu’en as-tu retenu ? Et qu’est-ce que tu fais dans ta pratique?

Valentin Maisons – Dans la pratique, on sait que ce sont des traitements qui sont probablement trop prescrits du fait de leur facilité d’utilisation en cas de dégradation de la fonction rénale, mais ce que nous a montré le Pr Guerrot, c’est que leur effet antihypertenseur reste préservé dans cette population, on manque cependant à l’heure actuelle d’arguments pour des effets bénéfiques sur des critères durs afin de recommander ces traitements.

Guillaume Lamirault – Les traitements, allez-vous les arrêter ? Dans le service ou en pratique, qu’est-ce que vous faites ?

Valentin Maisons – Je pense que ce sont des traitements qui sont vraiment réservés pour la deuxième, voire troisième ligne, quand on est embêté avec les traitements de première ligne, mais, en tout cas, jamais en première intention étant données les données qu’on a.

Guillaume Lamirault – Ok. Merci pour ce message.

Valentin Maisons – Ensuite, on a eu Bénédicte Sautenet, néphrologue à Tours, qui a parlé d’un sujet qui l’intéresse particulièrement en termes de thématiques de recherche, à savoir « quid des diurétiques à longue demi-vie et des bloqueurs du SRA dans la maladie rénale chronique, surtout lorsqu’elle progresse ? » Elle a commencé en parlant de thiazidiques : il y a un essai CLICK qui est paru et qui montrait un effet bénéfique dans cette population. Elle a également parlé des diurétiques épargnant le potassium. Donc il y a des dogmes de contre-indication qui sont en train de se déconstruire progressivement, avec l’apparition, notamment, de la finérénone qui est un antagoniste non stéroïdien, ou des nouveaux chélateurs du potassium – donc c’était très, très intéressant.

Pour les IEC et les ARA2, il y a l’essai STOP-ACEi qui a fait beaucoup parler au cours de ces JHTA. Cet essai montrait que chez des malades avec moins de 30 mL/min de DFG, il n’y avait pas de différence de DFG à trois ans entre le groupe poursuite versus arrêt des bloqueurs du SRA.

Enfin, on a terminé de la session avec Stéphane Burtey, qui est néphrologue à Marseille et qui a parlé des particularités de l’hypertension artérielle en dialyse.

Romain Boulestreau – C’est une session qui m’a beaucoup plu parce que dans le centre d’HTA, on nous sollicite vraiment souvent pour des hypertensions résistantes chez des patients dialysés et je dois dire que c’est quand même souvent assez compliqué. Il a donné des messages simples, est-ce que tu peux nous les résumer ?

Valentin Maisons – Tout à fait. Le premier grand message qui m’a paru important est qu’il faut bien caler le moment de la prise de pression artérielle et la façon dont on la prend. Il a bien insisté sur le fait que les pressions artérielles qui étaient prises régulièrement avant et après dialyse étaient de très mauvaise qualité, donc, si possible, privilégier les mesures au domicile des patients. Ensuite, il a parlé d’une chose qui est assez intéressante et qui est relativement peu connue, c’est la place prépondérante des bêtabloquants dans cette population qui a été montrée sur une méta-analyse. Et puis le dernier grand message, qui est important pour tout le monde, c’est que ce sont quand même globalement des hypertensions qui sont très volo-dépendantes et que la recherche du poids sec est une sorte de quête du Graal pour le néphrologue et pour ceux qui s’occupent de ces patients.

Au final, c’était une session qui était assez riche, avec une salle qui était totalement comble et qui permettait aux néphrologues comme aux non-néphrologues de remettre à jour les connaissances sur le sujet. Ce n’était pas la seule session, il y en avait d’autres très intéressantes comme les cas cliniques, et Nabil va pouvoir nous en parler.

Les cas cliniques en HTA : le sujet âgé

Nabil Bouali – Oui, bonjour à tous. C’est un plaisir de pouvoir parler un peu de cette session qui était assez particulière, puisqu’elle avait pour but de présenter les recommandations à travers des cas cliniques concrets, donc une session véritablement en interactivité avec l’auditoire, où chacun pouvait proposer ses solutions et avec des QCM qui étaient ouverts à la discussion.

Il y avait trois sujets principaux : d’une part, une première thématique autour de la spécificité de la femme en âge de procréer et de la femme enceinte, une deuxième thématique autour de la sténose des artères rénales et de toutes les spécificités de la prise en charge de l’hypertension artérielle dans cette situation, et enfin une troisième thématique qui s’est intéressée à l’HTA du sujet âgé et de toutes les spécificités chez ses patients.

Guillaume Lamirault – C’est une session très intéressante et c’est vrai que la spécificité des personnes âgées est quelque chose qui touche en pratique quotidienne, quelles que soient nos spécialités. Un sujet âgé est une problématique qu’on doit prendre en compte – est-ce que tu pourrais, justement, nous donner les messages importants sur cette population ?

Nabil Bouali – Pour résumer cette session, une des problématiques du sujet âgé est qu’on va de plus en plus rencontrer. Si on fait un peu d’estimation démographique, on se rend compte que c’est une population grandissante et même qui explose, puisque dans les 25 prochaines années, la population des plus de 80 ans va probablement doubler.

Deuxièmement, il y a assez peu d’études qui s’intéressent au sujet âgé, en particulier les sujets âgés très fragiles, ceux qui sont institutionnalisés et, pourtant, effectivement, c’est une population grandissante et on peut avoir du mal à les prendre en charge.

Troisièmement, tout le monde n’est pas forcément d’accord, un point qui a soulevé des questions dans l’auditoire est : qu’est-ce qu’un sujet âgé ? Les recommandations nous disent, en particulier celles de l’ESC : une personne âgée, c’est à partir de 65 ans, une personne très âgée, c’est à partir de 80 ans – Or la SFHTA parle de sujets âgés à partir de 80 ans. C’est une problématique qu’on a pu soulever, également avec l’auditoire, ce sont parfois des recommandations nombreuses et la difficulté d’en faire une synthèse. L’objectif de ce topic a été de faire une synthèse, pour garder un message assez clair qui est que, effectivement il faut traiter les sujets âgés hypertendus, il y a un réel bénéfice à le faire, mais surtraiter les patients et les sujets âgés, en particulier fragiles, en particulier gériatriques – c’est l’étude PARTAGE qui le montre – présente un surrisque. C’est le premier point. L’autre point, est qu’on a pu, autour de ce cas clinique, montrer un peu les petits pièges que l’on pouvait rencontrer, tout un chacun, dans sa pratique quotidienne, chez une personne âgée, voire très âgée – c’était l’intérêt de ce topo. Et, globalement, c’était savoir prendre en compte l’environnement du sujet, en particulier en ce qui concerne son autonomie et ses possibilités – puisqu’un défaut d’autonomie peut être un vecteur d’inobservance.

Deuxièmement, c’est le piège de l’hypotension orthostatique : est-ce que cela doit conduire à arrêter tous les traitements antihypertenseurs ? La réponse est non. Les patients qui sont, au contraire, trop hypertendus ont plus d’épisodes hypotension orthostatique et cela favorise la labilité tensionnelle. Enfin, les sujets âgés sont plus sensibles à l’HTA blouse blanche, comme le montre l’étude PAMELA, donc il faut encore plus utiliser des techniques d’évaluation ambulatoire de la tension artérielle comme l’automesure tensionnelle, mais aussi comme l’hétéromesure tensionnelle quand ce n’est pas possible, avec, bien sûr, la possibilité du MAPA. Voilà, les messages qu’on peut dégager de cette session.

Lorsqu’il n’existe pas de recommandation

Guillaume Lamirault – Merci, Nabil. Tout à fait. On a aussi réalisé une deuxième session de cas cliniques. Alors, contrairement à la première, l’idée n’était pas de balayer les recommandations, mais, au contraire, de balayer où il n’y a pas de recommandations, les situations difficiles en hypertension et, bien sûr, il en existe de nombreuses. On a choisi trois situations pour discuter autour de cas clinique. La première, c’est l’observance : on sait que c’est vraiment une problématique très importante dans l’hypertension artérielle et en particulier dans la population de patients qui présentent une hypertension artérielle dite résistante. Et David Fouassier a bien déroulé un cas clinique qui montre que, déjà, les outils qu’on utilise en pratique courante aujourd’hui – interrogatoires, questionnaires – sont assez souvent pris en défaut pour bien identifier l’observance des patients. Donc, il a mis en avant l’importance de nouvelles méthodes de mesure basées sur des mesures biologiques dans le sang ou les urines, des technologies comme la spectrométrie de masse, qui peut montrer ce que le patient prend et ne prend pas. C’est très intéressant pour essayer d’avancer sur l’échange avec le patient et sur les raisons de la non-observance.

Une deuxième session d’hypertension artérielle et médecine interne avec des rappels sur la maladie de Takayasu, une maladie grave, une artérite des gros troncs qui touche les gens jeunes, particulièrement les femmes, et à laquelle il faut vraiment penser dans des cas d’hypertension sévère ou résistante. En cas de lésions d’artères rénales, notamment, il faut penser à rechercher des atypies, rechercher des lésions sur les autres troncs et ne pas méconnaître ce diagnostic, qui peut être vraiment grave pour les patients. Il y a des traitements, à la phase aiguë, spécifiques, il faut vraiment y penser.

Enfin, une troisième session où on a parlé d’insuffisance cardiaque et d’hypertension artérielle secondaire, là aussi, qui est une grande problématique qu’on rencontre souvent en cardiologie.

Romain Boulestreau – Comment fais-tu dans ces cas-là, Guillaume, justement, pour faire les bilans ? Parce que les patients insuffisants cardiaques, pour leur arrêter les traitements et faire les dosages de l’aldostérone et de la rénine, ce n’est quand même pas très facile.

Guillaume Lamirault – Tout à fait. Et c’est vrai que, l’hypertensiologue doit intervenir à plusieurs étapes dans la prise en charge du patient. D’abord, à la phase aiguë, il ne faut vraiment pas rater les urgences diagnostiques. On ne peut pas rater le diagnostic d’un phéochromocytome, donc il faut quand même faire les dosages hormonaux en faisant, bien sûr, attention aux seuils, parce qu’on sait que certains traitements interférents, notamment pour le système rénine-angiotensine-aldostérone, où le fait d’être en phase aiguë d’insuffisance cardiaque on va avoir des seuils diagnostics un peu différents, mais voilà, il ne faut pas rater par les dosages hormonaux et le scanner, qui est vraiment très important, une masse surrénalienne. Et puis, bien sûr, parfois on n’a pas de diagnostic, on a des doutes diagnostiques et donc il ne faut pas hésiter à reprendre en charge le patient trois mois, six mois après, pour pouvoir refaire les dosages hormonaux, sachant qu’on fera comme on pourra bien sûr. Parce que l’insuffisance cardiaque peut être sévère, sur une cardiopathie dilatée on ne pourra pas forcément arrêter les IEC, les bêtabloqueurs, la spironolactone, donc on pourra faire certains diagnostics, on pourra en suspecter d’autres, mais pas forcément les affirmer, en sachant que dans le cas des hyperaldostéronismes, le patient sera traité de manière médicale, donc il est quand même relativement protégé. Un des éléments positifs de l’évolution, c’est de savoir si la fonction cardiaque s’améliore. Si elle s’améliore fortement, alors que la tension est bien contrôlée, c’est sûr que même si on n’a pas un diagnostic formel, on a amélioré l’état clinique du patient et on lui a certainement évité des complications supplémentaires. Voilà ce qu’on peut dire sur ce cas d’hypertension artérielle secondaire et de cardiopathie. Donc, on a balayé trois sessions très intéressantes – je vais te laisser le mot de la conclusion, Romain.

Conclusion

Romain Boulestreau – merci, Guillaume.

Si cela vous a plu, sachez que les dates de l’année prochaine sont déjà disponibles : ce sera le 14 et 15 décembre 2023 à Paris – vous pouvez bloquer les dates. En attendant les sessions qui étaient en salle plénière, les sessions de prestige, seront disponibles sur le site du congrès et sur le site de la SFHTA, donc n’hésitez pas à venir les écouter. Vous avez aussi les tips and tricks et les sessions de l’an dernier.

Et puis, dans l’intervalle jusqu’à l’année prochaine, si l’hypertension vous plaît, n’hésitez pas à devenir un adhérent, un membre du CJH – il va y avoir des week-ends dédiés, des webinaires, il y a les « cafés du CJH » qui font le point sur les articles principaux, tout cela dans une très bonne ambiance grâce à Guillaume et à toute son équipe.

Merci à tout le monde, merci à Medscape de nous permettre de vous faire ce résumé et à très bientôt.

 

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