Quels sont les médicaments efficaces actuellement contre le COVID-19? 

Dr Benjamin Davido, Dr Colas Tcherakian

Auteurs et déclarations

30 novembre 2022

Alors qu’ils obervent un regain de prescription de corticoïdes et d’antibiotiques non recommandés en médecine de ville, Benjamin Davido et Colas Tcherakian font le point sur les traitements actuels qui devraient être utilisés contre les formes graves de COVID-19. 

(Entretien enregistré le 9 novembre 2022)

TRANSCRIPTION

Benjamin Davido – Bonjour à tous et bienvenue sur Medscape avec Colas Tcherakian, qui est pneumologue à l’hôpital Foch, dans le 92 à Suresnes, et moi-même, Benjamin Davido, infectiologue pas très loin à vol d’oiseau, à l’hôpital de Garches Raymond-Poincaré, dans la faculté de Paris Saclay.

Nous avons discuté il n’y a pas très longtemps de la vaccination contre le COVID-19, et il y a un sujet à nouveau très original sur lequel je vais vouloir rebondir, c’est celui des traitements.

Attention à la prescription de corticoïdes et d’antibiotiques dans le COVID

Benjamin Davido – Ma première question presque naïve – mais j’aimerais bien, justement, qu’on se recentre sur la pratique – est : quel est ton retour d’expérience, que vois-tu aujourd’hui dans les prescriptions en ville, aux urgences, puis à l’hôpital, chez les patients qui ont un COVID avec Omicron BA.5 ?

Colas Tcherakian – On a le sentiment de revoir ce qu’on faisait au début, c’est-à-dire « antibiotiques plus ou moins corticoïdes », assez largement, sur du COVID de ville. Et c’est probablement l’occasion de le redire : il ne le faut pas. Cela a été montré : les corticoïdes, au début on ne savait pas quand les placer. D’abord on disait de ne pas les placer, ensuite on a dit « il y a une fenêtre pour les placer et c’est bénéfique », puis on a essayé d’étendre la fenêtre, d’augmenter les doses, et maintenant on a des éléments pour répondre à la question « quand est-ce qu’on met des corticoïdes et à quelle dose? » Et en fait, les corticoïdes ne doivent pas être prescrits en ville. Parce que si vous mettez les corticoïdes, c’est que le patient a besoin d’oxygène et que sa place est à l’hôpital.

 
Les corticoïdes ne doivent pas être prescrits en ville.
 

Benjamin Davido – Absolument d’accord avec toi.

Colas Tcherakian – C’est un élément qui doit rester très clair : on ne met pas de corticoïdes à un COVID de ville, sauf s’il est oxygénodépendant, auquel cas il y a toujours un risque d’aggravation. Et on le revoit aujourd’hui, donc ces patients doivent être évalués à l’hôpital. Quant aux antibiotiques, objectivement, il n’y a pas d’indication à en mettre en préventif de surinfection. Ce n’est pas le problème du COVID aujourd’hui. Donc si vous n’avez pas de foyer de pneumonie identifié ou une histoire très claire, à côté, bactérienne, vous ne mettez pas d’antibiotique.

 
Quant aux antibiotiques, objectivement, il n’y a pas d’indication à en mettre en préventif de surinfection.
 

Benjamin Davido – J’en profite pour rebondir sur des études qui montrent entre 5 % et 7 % de surinfection bactérienne dans le COVID, beaucoup moins que ce qui a été retrouvé dans la littérature dans la grippe notamment, des chiffres qui varient beaucoup plus, mais autour de 30 % dans les populations particulièrement à risque. Et dans la même lignée, comment tu l’expliques, cette observation est exactement mon constat : après trois ans de pandémie – d’ailleurs, je crois que c’était le 7 novembre, si ma mémoire est bonne le premier cas déclaré en Chine – comment expliquer qu’on revient à ces vieux réflexes de prescription et même parfois de macrolides dans cette indication d’une maladie virale?

Colas Tcherakian – L’azithromycine est resortie des tiroirs effectivement, je te le confirme. Pourquoi ? Je ne sais pas. Peut-être cet effet d’accoutumance... on l’a donné dans d’autres maladies virales, cela fait toujours du bien… Je ne sais pas d’où est sorti ce retour en force de la corticoïde-azithromycine, mais il faut vraiment oublier ce cocktail, ce n’est pas le bon traitement.

Benjamin Davido – En 2020 nous avions beaucoup d’anosmie/agueusie et c’est un des signes qui peut revenir avec Omicron, ces manifestations ORL. Il y a peut-être eu un glissement de la prescription? Mais, en tout cas, je rappelle ce qu’on connaît bien en infectiologie : par pitié, pas d’antibiotique sans notre avis et à ce moment-là, on rentre dans la danse. 

Ce qui m’amène à la question suivante, puisqu’on va glisser sur les thérapeutiques plus spécifiques, puisqu’on le disait, les corticoïdes c’est spécifique de rien, je ne parlerai même pas des maladies respiratoires qui n’est pas du tout mon domaine ; vous utilisez beaucoup dans des maladies générales les fibroses, les décompensations d’asthme et de BPCO, ces antibiotiques. On a, justement, des traitements spécifiques. C’est ça qui est fou! C’est-à-dire qu’on va prescrire des traitements du « monde d’avant », alors qu’il y a ces nouveaux traitements.

Nouvel antiviral nirmatrelvir/ritonavir

Benjamin Davido – Concernant le Paxlovid (nirmatrelvir/ritonavir), quelle est la bonne indication? L’impression que j’en ai est qu’on le prescrit tous, y compris les hospitaliers, mais pas assez. Est-ce que tu peux rappeler les grandes lignes de la bonne indication?

Colas Tcherakian – Oui. On pourrait dire que c’est un peu le « Tamiflu » de la grippe, mais c’est le traitement préventif de l’aggravation du patient. Donc autant le corticoïde, je pense que c’est dans le monde hospitalier, autant le Paxlovid devrait être le traitement à réfléchir en ville. Et mon retour d’expérience est que – et je m’inclus dedans – on ne le prescrit probablement pas assez. Nous, nous l’avons réservé à des patients sévères qui étaient trop à distance de leur infection, avec un risque évolutif défavorable.

Benjamin Davido – Il faut rappeler que la bonne indication est idéalement dans les cinq premiers jours de la maladie. 

Colas Tcherakian – Exactement. Je vois le malade en première intention, c’est pour cela que je dis que c’est vraiment, je pense, un traitement… ambulatoire… qui n’est pas assez prescrit.

Benjamin Davido – Concernant les indications, pour faire simple, on a les grands immunodéprimés, les cancers et les personnes à risque de formes graves. Mais surtout, je pense que la bonne indication est de raisonner par opposition à la vaccination. C’est-à-dire que le malade qui a reçu la dernière dose de booster mise à jour BA.5 il y a 15 jours et qui fait un COVID et qui n’a pas de comorbidités générales, on ne va pas avoir de scrupules à dire qu’on sursoit la prescription. A contrario, un malade qui a des comorbidités, qui était dans la bonne indication de la vaccination et qui, malheureusement ce qu’on voit beaucoup, n’a pas fait son rappel – je ne sais plus si tu as les chiffres en tête, mais moi, j’avais retenu que dans la tranche des 50-65, il n’y avait qu’un tiers des Français qui étaient vaccinés.

Colas Tcherakian – Exactement.

Benjamin Davido – Donc c’est peut-être ça, la bonne indication du Paxlovid. Et le bémol par contre – je ne sais pas quelle est ton expérience sur la prescription – est que le plus on a de comorbidités, le plus on a de bonnes indications, le plus on a des médicaments et le plus cela devient compliqué.

Colas Tcherakian – C’est vrai que c’est une discussion qu’on a souvent avec les médecins traitants quand ils discutent la prescription, ils nous disent « oui, mais il a les anticoagulants et dedans, du coup il y a du ritonavir » qui est un booster pour augmenter l’efficacité du traitement, qui interagit à peu près avec tout, donc il faut privilégier certaines choses.

Benjamin Davido – Il y a des petites fiches pratiques pour les médecins généralistes qui peuvent leur permettre d’avoir en un seul coup d’œil les grandes interactions, les contre-indications. Moi, mes « trucs et astuces », je ne parlerai pas des anticoagulants et du previscan pour le coup parce que c’est compliqué de les arrêter, mais il y a souvent des médicaments sur lesquels il y a des contre-indications. Je pense notamment à l’atorvastatine, certaines statines qui peuvent être suspendues transitoirement la durée du traitement qui est relativement courte sans qu’on fasse courir de risques aux patients, et a contrario, on fait courir un risque au patient si on l’exclut d’un traitement efficace qui réduit le risque d’hospitalisation.

Quid des anticorps monoclonaux ?

Benjamin Davido – On peut aussi dire un mot sur les anticorps monoclonaux. Si tu veux, je peux faire l’historique des noms d’oiseau des différentes molécules qu’on a eues.

Colas Tcherakian – Pour rappeler l’intérêt de ces perfusions d’anticorps, au début, on n’avait que le sérum de convalescents, c’est-à-dire les gens qui avaient guéri tout seuls de leur COVID. Et on « piquait » leurs anticorps pour essayer de protéger les gens qui n’en font pas. Nous l’avons beaucoup utilisé chez les immunodéprimés qu’on essayait de vacciner et qui ne répondaient pas. Et on l’a utilisé en préventif, on l’a utilisé en curatif etc…

Benjamin Davido – En curatif, cela n’a pas été formidable.

Colas Tcherakian – Non. Et on est aujourd’hui, objectivement, un peu plus dans la panade avec une perte d’efficacité de ces médicaments.

Benjamin Davido – Ce qu’il faut retenir de ces anticorps, sans vouloir faire peur à nos collègues prescripteurs, est que c’est essentiellement un traitement hospitalier, y compris lorsqu’il est préventif, dans des centres experts. Malheureusement, avec ces différentes variants, on a vu apparaître, et caricaturalement avec BA.2, de plus en plus de pouvoir neutralisant des variants face à ces anticorps monoclonaux. On n’a évidemment pas la même problématique, parce que le mécanisme d’action du Paxlovid est différent et, sans me tromper, des médicaments stars, pour les citer le sotrovimab de GSK – qui semblait être très prometteur parce qu’il agissait sur une des protéines réceptrices du RBD, qui était censé ne pas être soumis ou peu soumis à la modification des variants – aujourd’hui ne fonctionne quasiment plus, en tout cas in vitro, il n’a plus d’efficacité sur les variants BA.4, BA.5 qui circulent. Et je ne parlerai même pas du fameux Renegeron de Trump qui avait fait couler beaucoup d’encre – ces médicaments, aujourd’hui, ne sont quasiment plus efficaces et reposent essentiellement sur un des traitements, qui s’appelle Evusheld®, en prophylaxie préexposition, c’est-à-dire que cela repositionne l’importance de la vaccination, qui reste toujours d’actualité. D’où l’importance de bien utiliser, à bon escient, dans la bonne fenêtre, ces traitements qui, aujourd’hui, nous mettent dans une situation particulièrement difficile pour les patients à risque de formes graves qui n’ont pas fait leur rappel vaccinal ou qui ont échappé à la vaccination, comme tu le rappelais, parce que la vaccination, ce n’est jamais 100 %.

Si on a un déficit d’anticorps, évidemment, de façon assez logique on a la bonne indication à recevoir ces anticorps en perfusion, mais ils sont de moins en moins efficaces et, de mémoire, le traitement validé aux États-Unis c’est le bebtelovimab (fait par Lilly), qui aujourd’hui n’est pas disponible en en France, et nous met dans une situation particulièrement délicate pour les traitements de ces patients qui sont, on l’a rappelé, pour certains contre-indiqués au Paxlovid.

Colas Tcherakian – Et c’est l’occasion de le rappeler : si vous avez la chance d’avoir un système immunitaire normal, c’est-à-dire comme la plupart de la population, allez vous faire vacciner et vous ferez vos propres anticorps.

Benjamin Davido – Oui, je crois qu’il ne faut pas qu’on soit dans cette guerre, dans cette arrogance d’opposer les vaccins aux traitements comme certains avaient pu opposer les vaccins au masque. Aujourd’hui, on a une panoplie qui sont les médicaments au sens large, le vaccin, et le port du masque qui revient d’ailleurs en force.

Conclusion

Benjamin Davido – Je terminerais sur ce point : aujourd’hui, en infectiologie, on a une chance, c’est que cette spécialité est un peu dans les starting blocks, on commence à découvrir, grâce à ces nouveaux outils de PCR, de plus en plus de virus, au-delà des bactéries. Et cette saison de l’hiver est l’occasion de se poser toutes ces questions, c’est important, puisqu’il n’y a pas que le COVID, il y a la grippe – on en a parlé tout à l’heure, lors de la vaccination. Et il y a aussi le VRS qui revient en force, qui ne touche pas que les enfants, qui est responsable de près de 10 000 décès chez les plus de 65 ans chaque année, aux États-Unis, c’est-à-dire à peu près un fardeau quasiment aussi conséquent que la grippe. Et donc aujourd’hui je crois qu’il ne faut pas hésiter à faire appel aux pneumologues et aux infectiologues par rapport à ces nouvelles pratiques, à ces nouveaux outils diagnostiques et ces nouveaux traitements, avec lesquels on va être amenés à vivre longtemps.

[Voir la 1ère partie de cette discussion entre les Drs Davido et Tcherakian :  Vaccination anti-COVID : pour une prescription personnalisée ]

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