Un centre dédié à la prise en charge des troubles borderline

Anne-Gaëlle Moulun

Auteurs et déclarations

27 septembre 2022

Lyon, France — Proposer un accompagnement dédié aux patients atteints de troubles borderline, tel est l’objectif du Centre d’aide à la régulation émotionnelle (CARE) qui a ouvert en mars dernier à l’Hôpital Edouard Herriot à Lyon. La Dr Charline Magnin, psychiatre au sein de l’Unité de psychiatrie des Urgences des Hospices civils de Lyon et porteuse du programme CARE explique son fonctionnement à Medscape.

Le trouble de la personnalité limite (borderline) se caractérise par une tendance constante à l'instabilité et l'hypersensibilité dans les relations interpersonnelles, l'instabilité au niveau de l'image de soi, des fluctuations d'humeur extrêmes, et l'impulsivité.

Il est associé dans le DSM à neuf critères comme des efforts effrénés pour éviter l’abandon, une instabilité de l’humeur, une instabilité dans les relations, dans l’image de soi, l’impulsivité, les gestes ou menaces suicidaires, un sentiment de vide, et une dissociation possible.

« Il faut avoir au moins cinq de ces symptômes pour être considéré comme atteint de ce trouble », souligne le Dr Charline Magnin, psychiatre au sein de l’Unité de psychiatrie des Urgences des Hospices civils de Lyon et porteuse du programme CARE.

Dysrégulation émotionnelle

« Le mécanisme qui réunit tous ces symptômes, c’est une dysrégulation émotionnelle : ces patients ont des émotions trop fortes, trop longues, trop intenses et cela engendre des comportements dommageables », résume-t-elle.

Une vulnérabilité biologique, couplée à des facteurs environnementaux (environnement parental délétère voire traumatismes infantiles), pourraient expliquer ce trouble encore mal connu, qui concernerait 2 à 6 % de la population.

« Dans notre service, nous voyons beaucoup de femmes, entre 80 et 90 %, même si des études montrent que c’est équivalent selon les sexes », remarque la psychiatre.

Aux urgences psychiatriques, de nombreux jeunes sont admis pour des crises suicidaires et environ la moitié sont diagnostiqués avec des troubles borderline.

« Nous disposons de 10 lits d’unité psychiatrique de crise, qui permettent une prise en charge intensive sur 3 à 5 jours d’hospitalisation. On voit le patient tous les jours, on rencontre la famille, les proches, une psychologue intervient dans le service et nous pouvons recourir à un addictologue et à une diététicienne, ainsi qu’à une assistante sociale, etc. Nous proposons une prise en charge pluridisciplinaire », détaille le Dr Magnin.

« Nous avons beaucoup diminué la prescription de benzodiazépines, les doses ainsi que les durées et nous avons développé des ressources de gestion de crise non médicamenteuses, qui peuvent être poursuivies à la maison avec des formations sur la gestion des émotions ou la cohérence cardiaque, par exemple », illustre-t-elle.

Groupes de psychoéducation

Et depuis mars 2022, elle a lancé avec une psychologue de son service, Floriane Perrin, le dispositif CARE (Centre d’aide à la régulation émotionnelle), qui comprend notamment deux groupes de psychoéducation pouvant rassembler une dizaine de patients. « Nous avons monté un groupe de psychoéducation « d’initiation » qui vise à apporter des informations aux patients en quatre séances où nous leurs expliquons les symptômes, la dysrégulation émotionnelle, les types de thérapies qui ont montré des effets dans la littérature, comment fonctionnent les émotions, que faire en cas d’urgence et quels outils utiliser pour éviter la récidive suicidaire, etc. », détaille-t-elle.

Éviter les hospitalisations

Les besoins sont présents car « actuellement, il n’y a pas vraiment d’endroit ressources ni de parcours de soins fléché pour ces patients », remarque le Dr Magnin.

« Notre spécificité hospitalière est de pouvoir coordonner un réseau, de pouvoir être ressource pour les patients et les familles et de promouvoir les thérapies validées scientifiquement », estime-t-elle. Le but est notamment d’éviter le plus possible les hospitalisations, qui aggravent la désinsertion et risquent donc d’aggraver les troubles.

Parmi les thérapies présentées, la psychiatre a notamment choisi de développer la thérapie comportementale dialectique (TCD, une thérapie issue des TCC développée aux États-Unis par la psychologue Marsha Linehan).

 
« la thérapie comportementale dialectique a montré son efficacité sur la prévention des conduites suicidaires » Charline Magnin
 

« Il y a plusieurs compétences à développer, comme des compétences de pleine conscience, de tolérance à la détresse, de régulation des émotions et d’efficacité interpersonnelle. Elle a développé un programme de groupe sur deux ans dont nous nous sommes beaucoup inspirés pour faire notre deuxième groupe, celui d’approfondissement », développe le Dr Magnin.

« Elle a montré son efficacité sur la prévention des conduites suicidaires », souligne-t-elle.

Le second groupe travaille sur 3 modules de 5 à 6 séances à raison d’une séance par semaine, étalées sur l’année scolaire. « Cela nous permet de prendre en charge une cinquantaine de patients pour le moment. On a une psychologue qui va nous rejoindre », prévoit la psychiatre.

Pour l’instant, les patients qui viennent des urgences sont pris en charge en priorité, mais le dispositif vient de s’ouvrir à l’adressage extérieur, à condition qu’il soit réalisé par un psychiatre et que le diagnostic ait été posé. « Nous envisageons d’ouvrir un hôpital de jour et d’avoir une équipe plus structurée », ajoute le Dr Magnin.

Programme pour les familles

Par ailleurs, elle envisage aussi l’ouverture d’un programme « connexions familiales », dédiées aux proches. « C’est un programme d’origine américaine porté par une association de proches qui, elle, est nationale. Nous sommes allés nous former en juin avec eux. L’idée est de faire quasiment la même formation qu’aux patients, mais à destination des familles : cela permet de reprendre ce qu’est la pathologie, comment ça fonctionne, que les parents puissent travailler sur eux, sur comment se positionner, et qu’ils puissent acquérir des compétences (validation émotionnelle, accueil des émotions de leurs proches, non-jugement, etc.). La formation est dispensée en binôme par un professionnel de santé et un proche », résume-t-elle.

Une psychologue et une infirmière vont faire cette formation. On aimerait mettre ça en place en fin d’année-début 2023. On aimerait aussi pouvoir travailler avec des pairs-aidants. Ce sont des projets pour l’avenir », conclut-elle.

 
« Nous envisageons d’ouvrir un hôpital de jour et d’avoir une équipe plus structurée. » Dr Magnin
 

 

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