Paris, France — Plus de la moitié des femmes traitées par chimiothérapie pour un cancer du sein localisé conservent une aménorrhée à quatre ans, selon une étude française menée à partir de données de suivi de patientes non ménopausées au moment du diagnostic. Présentés lors du congrès ESMO 2022, les résultats montrent également que cette aménorrhée chimio-induite a un impact non négligeable sur la qualité de vie des femmes.
« Cette étude, pleinement inscrite dans l’après cancer, ouvre la voie à de nouvelles façons d’orienter l’examen clinique », a souligné le Dr Rayan Kabirian (Institut Gustave Roussy, Villejuif), principal auteur de l’étude. Pour le cancérologue, cette étude invite à rechercher davantage les effets secondaires de la chimiothérapie chez les femmes avec une aménorrhée et à les orienter si besoin vers des soins de support adaptés.
83% d’aménorrhée à un an
La chimiothérapie administrée avant ou après une chirurgie du cancer du sein peut conduire à une aménorrhée (absence de règles supérieure à six mois) transitoire ou permanente. Des études ont déjà montré que le risque d’aménorrhée est corrélé à l’âge, au type de chimiothérapie et à la durée du traitement, mais les données restent insuffisantes pour caractériser cet effet secondaire, a expliqué le Dr Kabiran lors de sa présentation.
L’étude qu’il a mené avec ses collègues de l’Institut Gustave Roussy est une étude longitudinale prospective qui s’est appuyée sur la cohorte CANTO (Cancer Toxicities). Celle-ci a inclus un total de 12 000 femmes pour un suivi de cinq ans après un cancer du sein localisé pris en charge dans 26 centres de cancérologie français, avec l’objectif d’évaluer l’impact à long terme des toxicités des traitements sur la qualité de vie.
Les chercheurs ont extrait les données concernant plus précisément les patientes de moins de 50 ans, traitées par chimiothérapie et qui avaient toujours leurs règles au moment du diagnostic de cancer du sein. L’analyse principale porte ainsi sur un total de 1 676 patientes, avec un âge médian de 42 ans au moment du diagnostic (31% ont moins de 40 ans). Les données de suivi à quatre ans après le diagnostic concernaient 745 d’entre elles.
Risque réduit avec une monochimiothérapie
Parmi ces patientes, 91% ont reçu une chimiothérapie combinant antracycline et taxane avant ou après la chirurgie. Les autres ont reçu l’une ou l’autre des molécules. Par ailleurs, 75% des patients ont eu un traitement par hormonothérapie et 25% ont reçu du traztuzumab, une thérapie ciblée administrée dans le traitement des cancers du sein HER2+.
L’analyse montre que 83% des femmes traitées présentent une aménorrhée un an après le diagnostic de cancer. Chez les patientes qui ont respecté le suivi annuel (n=745), 58% avaient encore une aménorrhée à quatre ans. Chez celles qui ont retrouvé leurs cycles menstruels, ce retour à la normale est apparu dans la majorité des cas entre la première et la deuxième année après le diagnostic.
Comme déjà révélé dans de précédentes études, un âge plus élevé au moment du diagnostic et un traitement par hormonothérapie se sont avérés être des facteurs de risque majeurs, tout comme le fait d’avoir un indice de masse corporelle (IMC) faible et une bithérapie associant taxane et anthracycline. A l’inverse, le traitement par trastuzumab et anthracycline seule sont associé à un moindre risque d’avoir une absence de règles.
Troubles de l’attention et de la concentration
Une analyse se focalisant sur les classes d’âge montre que ce sont les femmes les plus jeunes qui ont tendance à retrouver leurs règles. A l’issue de la première année après le diagnostic, 45% des femmes de 18 à 34 ans ont retrouvé leur cycle menstruel, contre 7% chez les plus de 40 ans. Celles qui conservaient une aménorrhée à quatre ans étaient respectivement à 26% et 78%.
« On a remarqué que les femmes de moins de 34 ans avaient 50% de chances de récupérer des règles, même après une aménorrhée de deux ans, et celles de 35 à 40 ans avaient 30% de chances de récupérer des règles même après une aménorrhée de deux ans », a commenté le Dr Kabirian.
Enfin, l’étude révèle que chez la majorité des femmes, une aménorrhée persistante est associée à une dégradation de la qualité de vie. Les femmes qui n’ont pas retrouvé leur cycle à quatre ans ont davantage de risque d’avoir une santé sexuelle altéré, des troubles de l’attention et de la concentration, ainsi que davantage d’effets secondaires associés à la chimiothérapie (bouche sèche, goût altéré, perte de cheveux…).
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Citer cet article: Cancer du sein: l’aménorrhée, effet secondaire fréquent de la chimiothérapie - Medscape - 26 sept 2022.
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