POINT DE VUE

Tests génomiques dans le cancer du sein : moins utiles qu'on ne le croyait ?

Vincent Bargoin

Auteurs et déclarations

23 septembre 2022

Pr Mahasti Saghatchian

France — L'enthousiasme suscité initialement par les tests génomiques dans le cancer du sein, semble retombé [1]. Les résultats publiés ces dernières années montrent en effet que ces tests n'apportent de bénéfice que pour certaines catégories de patientes. Ils ont par ailleurs été peu étudiés dans d'autres indications.

Comme l'explique le Pr Mahasti Saghatchian (Hôpital Américain, Neuilly-sur-Seine) à Medscape, il n’existe pas encore un document commun de recommandations nationales de bonne pratique sur l'utilisation de ces tests et les indications de chimiothérapie adjuvante.

Résultat : certains centres les utilisent largement ; d'autres, pas du tout.

Enfin, rien n'annonce aujourd'hui que cette situation pourrait évoluer. Et comme le reconnait l’oncologue, l'enthousiasme des débuts est retombé.

Comment les tests génomiques se positionnent-ils aujourd'hui dans la prise en charge du cancer du sein ?

Pr Mahasti Saghatchian : Grâce aux grandes études randomisées telles que MINDACT , TAILORx , et RxPONDER [2,4] , nous avons accumulé suffisamment de données pour savoir ce que ces tests apportent réellement.

Ils présentent un intérêt solidement démontré pour décider d'entreprendre une chimiothérapie, ou de surseoir, dans deux catégories de patientes (et seulement si elles sont à risque clinique intermédiaire) : les femmes ménopausées ne présentant aucun, ou de 1 à 3 ganglions, et les femmes non ménopausées ne présentant aucun ganglion atteint.

Pour fixer les idées, ces deux catégories représentent environ 60% des patientes. Dans ces 60%, de l'ordre de 30% des femmes seront éligibles à l'analyse génomique. Parmi elles, le test permettra de surseoir à la chimiothérapie dans 30% des cas.

 
« Le test permettra de surseoir à la chimiothérapie dans 30% des cas ».
 

Comment ces indications ont-elles évolué ?

Pr Saghatchian : Par rapport à ce qu'elles étaient il y a cinq ans, ces indications sont en repli. En effet, s'agissant des patientes préménopausées, l'utilisation des tests génomiques est devenue très prudente. Dans le risque intermédiaire, voire faible, la chimiothérapie garde en effet un intérêt – sans d'ailleurs que l'on sache si son bénéfice passe par ses effets cytotoxiques ou ses effets de suppresseur ovarien.

Peut-on s'attendre à d'autres évolutions ?

Pr Mahasti Saghatchian : La technique des tests n'a pas connu de révolution depuis 10 ans.

Quant aux prix, dont on pouvait attendre la diminution, ils sont restés stables.

En ce qui concerne les indications, le cancer du sein reste seul concerné. Myriad Genetics s'est intéressé au cancer de la prostate, avec le test Prolaris, mais celui-ci n'est pas entré dans les pratiques.

Enfin, il n'existe plus de grande étude de phase III ou IV aujourd'hui en cours. On n'ira donc probablement pas plus loin dans la connaissance de ces tests, comme si l'on avait atteint une sorte de plateau.

 
« Quant aux prix, dont on pouvait attendre la diminution, ils sont restés stables »
 

Sur le terrain, comment les choses se passent-elles ?

Pr Mahasti Saghatchian : Il n'existe pas de véritables recommandations nationales sur les tests génomiques. Dans son rapport d'évaluation sur l'utilité clinique des signatures génomiques dans le cancer du sein de stade précoce, la HAS aborde la question des tests sous un angle scientifique et de prise en charge, sans encadrer très précisément la prescription. Les pratiques peuvent s’appuyer sur les référentiels loco-régionaux, comme dans notre cas le Référentiel francilien Sénorif de pathologie mammaire.

En pratique, l'implantation des tests génomiques est donc extrêmement variable d'une structure à l'autre.

Sont en cause des choix locaux, et aucunement des questions de taille, ou de compétence : certaines structures ne pratiquent aucun test génomique, y inclus des centres anticancéreux ; d'autres les prescrivent largement, parfois à l'excès.

 
« En pratique, l'implantation des tests génomiques est donc extrêmement variable d'une structure à l'autre ».
 

La question de la prise en charge financière de ces tests, actuellement dans le cadre du dispositif RIHN, constitue aussi un frein à leur utilisation.

Cette disparité très forte dans l'accès à l'information génomique, peut d'ailleurs soulever la question de pertes de chances. Mais il n'existe pas d'enquête nationale : elle serait d'ailleurs complexe à mettre en œuvre.

Nous en sommes pour le moment à cette sorte d'équilibre par défaut. Des tests génomiques continueront d'être prescrits, aux côtés de tests compagnons en développement. Mais clairement, l'enthousiasme des débuts est retombé.

Un motif de satisfaction, pourtant : cette évolution montre en creux que l'analyse clinique et anatomopathologique reste d'excellente qualité.

 
« Clairement, l'enthousiasme des débuts est retombé ».
 

 

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