COVID : les vaccins par voie nasale sont-ils l’avenir ?

Stéphanie Lavaud

Auteurs et déclarations

22 septembre 2022

France – Deux vaccins contre le Covid-19, administrés non par injection mais par voie respiratoire ont été approuvés en Chine et en Inde, a annoncé la revue Nature[1]. Cette voie d’administration est-elle la galénique de choix pour lutter contre le coronavirus dans les années à venir ? Les commentaires du Dr Benjamin Davido.

Deux vaccins par voie nasale autorisés en Chine et en Inde

Le vaccin inhalé de la Chine, mis au point par CanSino Biologics à Tianjin, contient les mêmes ingrédients que le vaccin Covid-19 de la société, déjà disponible dans le pays, nous apprend Nature[1], mais il est ici approuvé pour une utilisation en rappel. Il est inhalé par le nez et la bouche par un inhalateur après qu’un nébuliseur a transformé le vaccin liquide en un aérosol.

Le vaccin indien, mis au point par Bharat Biotech à Hyderabad, est approuvé pour une inoculation primaire en deux doses, plutôt que pour un rappel et il est absorbé sous forme de gouttes dans le nez.

Les deux sociétés ont produit des vaccins à "vecteur viral" qui utilisent un adénovirus inoffensif pour introduire le matériel génétique du SARS-CoV-2 dans les cellules hôtes. Toutefois, aucune des deux sociétés n'a publié les données des essais cliniques de phase III, mais toutes deux affirment avoir terminé ces études.

Peut-on s’y fier ?

« Les vaccins mucosaux ciblent les fines membranes muqueuses qui tapissent le nez, la bouche jusqu’à l’abouchement aux poumons. En provoquant des réponses immunitaires sur le lieu même où pénètre le SARS-CoV-2 dans l'organisme, les vaccins muqueux pourraient, en pratique, prévenir les cas de maladie, même bénignes, et bloquer la transmission à d'autres personnes – ce que les injections de vaccin du Covid-19 n'ont pas réussi à faire », explique le Dr Benjamin Davido.

En théorie, ces vaccins seraient potentiellement très utiles. Mais là où le bât blesse, c’est que l’on ne connaît pas aujourd’hui exactement leur efficacité.

« Il n’y a, à ma connaissance, aucune donnée scientifique robuste sur ces vaccins, précise l’infectiologue. Ces vaccins n’ont pas passé les étapes de qualité que l’on exige de ce type de produit de santé, nous n’avons pas non plus de notion de la durée de leur efficacité. Et quand bien même, on nous annoncerait arbitrairement une efficacité du vaccin chinois, disons de 80 % sur les formes bénignes, cela ne règlerait pas la problématique de l’efficacité de ces vaccins muqueux sur les nouveaux variants », considère-t-il.

L’infectiologue prône, à ce stade, de « rester dans une logique de modestie scientifique » et reconnaît qu’il est « très difficile de donner un avis ». Pas d’emballement, donc. « On sait qu’il peut y avoir des effets d’annonce. On se souvient du buzz autour du vaccin nasal développé par une équipe de recherche à Tours, annoncé pour 2024, à partir de résultats préliminaires chez des rongeurs (voir encadré ci-dessous), il faut rester prudents sous peine d’être déçu », considère-t-il.

 
Il n’y a, à ma connaissance, aucune donnée scientifique robuste sur ces vaccins
 

Un vaccin nasal français sur le marché d’ici 2024 ?
L’équipe de recherche BioMAP de l’UMR INRAE — Université de Tours — Infectiologie et Santé Publique a communiqué à plusieurs reprises sur le candidat-vaccin protéique contre le virus du Covid-19 qu’elle a développé et qui s’administre par instillation nasale. Testé sur plusieurs modèles murins, le vaccin devait faire l’objet d’essais cliniques chez l’homme en cette fin 2022 et l’équipe envisageait, en janvier dernier, une mise sur le marché d’ici 2024. L’équipe tourangelle tiendra-t-elle les délais ?

Plus de 100 vaccins muqueux en cours de développement

Les approbations réglementaires de la Chine et de l'Inde portent à quatre le nombre de vaccins mucosaux contre le Covid-19 approuvés dans le monde. L'Iran a approuvé en octobre 2021 un vaccin COVID-19 administré sous forme de spray nasal et fabriqué par le Razi Vaccine and Serum Research Institute à Karaj, indique la revue Nature[2] qui précise que « plus de 5 000 doses ont été livrées au public ». De son côté, le ministère russe de la santé aurait approuvé une version à pulvérisation intranasale de Sputnik V. Au total, plus de 100 vaccins muqueux contre la maladie sont en cours de développement dans le monde, et environ 20 d'entre eux ont atteint le stade des essais cliniques sur l'homme, indique la revue scientifique tirant ses informations de Airfinity, une société d'analyse de la santé basée à Londres. Les méthodes d'administration comprennent les sprays, les gouttes, les aérosols et les pilules.

La mise au point de vaccins ciblant les muqueuses n’est pas nouvelle. « Au moins neuf vaccins muqueux sont approuvés pour une utilisation chez l'homme, contre des agents pathogènes tels que le poliovirus, la grippe et le choléra » indique Nature[2]. Huit de ces vaccins sont administrés par voie orale, et un, contre la grippe, par voie intranasale.

« Ce n’est pas inédit », confirme le Dr Davido, qui cite en exemple le vaccin nasal contre la grippe, Fluenz tetra®, indiqué en prévention de la grippe chez les enfants et adolescents âgés de 24 mois à moins de 18 ans, et qui n’est d’ailleurs plus commercialisé depuis cet été et le vaccin oral pour prévenir la polio chez les enfants. « Ils ont l’avantage d’une plus grande acceptabilité, notamment chez l’enfant, car bien plus faciles à administrer. Ils sont, par ailleurs, plus efficaces que chez les adultes ».

Mais ce n’est pas aussi simple que l’idée qu’on peut en avoir. « Ces vaccins muqueux présentent beaucoup d’effets indésirables et peuvent être notamment responsable d’une congestion nasale très importante et de violents maux de tête, voire même reproduire les symptômes de la pathologie qu’on essaie de prévenir dans le cas des infections de la sphère ORL (comme la grippe) ».

 
Ces vaccins muqueux présentent beaucoup d’effets indésirables
 

Les deux types de vaccins pourraient s’avérer complémentaires

Pour revenir à la question du Covid-19, « les vaccins par voie injectable protègent de la forme grave de la maladie, mais ne jouent pas rôle d’interface entre la muqueuse nasale et l’épithélium respiratoire — en amont de celui-ci — et cela reste un problème », reconnaît le Dr Davido.

« Aujourd’hui, l’idée est de ne pas opposer le vaccin nasal aux vaccins par voie intra-musculaire, mais plutôt de considérer que les deux sont complémentaires. On pourrait imaginer avoir, et ce d’autant que ces vaccins ne seront plus populationnels, un vaccin de protection des muqueuses, plus adapté à une population qui présenterait moins de comorbidités, avec l’idée de réduire la circulation du virus , et/ou des vaccins immunogènes classiquement intra-musculaires qui protègent des formes graves  ».

Pour l’infectiologue, l’idéal serait d’avoir l’un et l’autre. « Aujourd’hui, on a l’un – le vaccin intra-musculaire – mais pas encore l’autre, car on ne dispose pas de suffisamment de données scientifiques pour le recommander. En tout cas on peut constater que l’énergie déployée par la communauté scientifique pour enrayer ce virus du Covid reste intacte à bientôt 3 ans de pandémie, et ça c’est une excellente nouvelle pour tous ».

 
L’idée est ne pas opposer le vaccin nasal aux vaccins par voie intra-musculaire, mais plutôt de considérer que les deux sont complémentaires
 

Mise en garde de l’ANSM

Sans même qu’il soit mentionné le terme de vaccins, l’ANSM a émis, en ce début de mois, une mise en garde vis-à-vis des fabricants quant à la commercialisation de sprays nasaux affirmant leur efficacité pour prévenir une infection au virus SARS-CoV-2.

Elle a rappelé que dès lors que l’efficacité clinique du spray en question n’était pas démontrée, des mesures réglementaires (décision de police sanitaire, rappel de produit à la demande de l’autorité, arrêt de publicité…) étaient prises à l’encontre des fabricants.

Ainsi, en février 2021, l’ANSM a suspendu la commercialisation et la publicité d’un produit dénommé « Spray Nasal COV-Defense » ou « spray nasal Biokami », déposé en tant que dispositif médical de classe I, de la société Pharma & Beauty – Centrepharma (voir L’ANSM interdit un spray nasal anti-COVID).

L’Agence rappelle que, dans le cadre de sa mission de surveillance du marché des dispositifs médicaux, elle a engagé, conjointement avec les autres autorités européennes, « des travaux pour rappeler aux fabricants et aux organismes notifiés les règles à respecter avant toute mise en vente de ces sprays nasaux ».

 

Suivez Medscape en français sur Twitter.

Suivez theheart.org | Medscape Cardiologie sur Twitter.

Inscrivez-vous aux  newsletters  de Medscape :  sélectionnez vos choix

 

Commenter

3090D553-9492-4563-8681-AD288FA52ACE
Les commentaires peuvent être sujets à modération. Veuillez consulter les Conditions d'utilisation du forum.

Traitement....