Pass/Las : « Il n'est pas imaginable que l'on mette sur la même ligne de départ des étudiants qui n'ont pas le même bagage »

Jacques Cofard

Auteurs et déclarations

21 septembre 2022

Paris, France— Né en 2021, le Collectif national Pass/Las se bat pour une refonte de la réforme du premier cycle des études médicales.

Dans un récent communiqué, le collectif annonce avoir pris attache avec le cabinet de la première ministre Élisabeth Borne pour demander l'abrogation de cette réforme.

Emmanuel d'Astorg, parent d'étudiants en médecine et président du Collectif national Pass/las, nous explique les raisons pour lesquelles ils ont décidé de se lancer dans la bataille contre cette réforme.

Quid de la procédure d'abrogation de la réforme du premier cycle des études médicales ?

Emmanuel d'Astorg : La procédure est lancée puisque le courrier a été envoyé par l'avocat qui nous représente, Maitre Bellanger, lequel a défendu notamment les jeunes étudiants parisiens qui avaient été recalés à la suite des oraux. Nous sommes dans l'attente de la réponse du cabinet de Mme Borne.

Que s'est-il passé en un an ?

Emmanuel d'Astorg : Le collectif est le fruit de la coopération de parents d'élèves et d'élèves en santé, pour répondre à la détresse d'étudiants en butte à la réforme du premier cycle des études médicales. Des collectifs régionaux se sont ensuite créés, le mouvement a aussi fructifié auprès des réseaux sociaux.

Nous avons dans un premier temps été alerté par le décret définissant le dernier numerus clausus et le premier numerus apertus, car lors de la première année de la réforme, les deux systèmes se chevauchaient.

Ce décret devait réserver des places pour les derniers PACES, mais aussi des places pour les nouveaux parcours Pass et Las. Le problème est que les places réservées aux Paces ont été prises sur le contingent des places Pass/Las.

De nombreux recours ont été déposés devant des tribunaux administratifs et nous avons obtenu des victoires notamment à Montpellier, Toulouse, etc. Mais, malgré ces victoires judiciaires, les facultés attaquées ont republié à l'identique le même nombre de places.

Nous avons été dans l'obligation de les attaquer de nouveau, devant le Conseil d'État en 2021. Quinze facultés ont été condamnées par le Conseil d'État et nous avons ainsi pu gagner quelque 1500 places supplémentaires.

Cela restait malgré tout insuffisant au vu de ce qu'avait annoncé le gouvernement, grâce à la réforme du premier cycle. De fait, le numerus apertus a remplacé le numerus clausus, et le nombre de médecins formés reste sensiblement le même. Pour vous donner un exemple, avant la réforme, la faculté de Rouen offrait 235 places et maintenant elle n'offre plus que 232 places.

 
Avant la réforme, la faculté de Rouen offrait 235 places et maintenant elle n'offre plus que 232 places. 
 

Qu'en est-il aujourd'hui ?

Emmanuel d'Astorg : Le Collectif continue d'exister parce que rien ne s'améliore. Les oraux sont emblématiques de l'injustice de cette réforme : des étudiants, en les passant, sont recalés pour des raisons qui n'ont plus rien à voir avec le contenu des études médicales.

 
Les oraux sont emblématiques de l'injustice de cette réforme Emmanuel d'Astorg
 

Nous recueillons énormément de témoignages de jeunes recalés pour des raisons obscures. Lorsqu'ils demandent la raison pour laquelle ils ont été recalés, on leur répond que le jury est souverain. Cet oral n'est pas anonyme et il est fort possible que certains candidats soient privilégiés par rapport à d'autres.

Rien ne peut être prouvé, mais les conditions d'organisation de ces oraux incitent les étudiants à le penser. C'est d'autant plus paradoxal que cette réforme a été conçue pour faire face au papy-boom qui va atteindre un pic entre 2030 et 2035. On ne voit pas comment, avec de pareils critères, l'on va combler notre besoin en médecins...

Quelles sont vos revendications ?

Emmanuel d'Astorg : En deux ans, nous avons rencontré l'ancienne ministre de l’Enseignement supérieur, Mme Vidal, nous avons rencontré les doyens, Diot et Samuel. Nous voulions débattre mais nous n'avons jamais été entendus. Nous ne demandons pas le retour au passé, mais nous ne voulons plus être méprisés comme cela. Nous voulons que les études soient uniformisées au niveau national.

Aujourd'hui dans chaque faculté existe un règlement différent : dans certaines facultés il y a par exemple des notes éliminatoires. À Toulouse au mois de janvier dernier sur 1200 étudiants qui sont rentrés en première année de santé, 800 ont été éliminés par une note éliminatoire. Leur année a donc duré quatre mois. Ces notes éliminatoires ne sont pas forcément appliquées dans une UE santé, cela peut être une langue mineure, par exemple.

Deuxième revendication : nous demandons une réforme égalitaire. Le Conseil d'Etat a en effet considéré qu'il y avait une rupture d'égalité des chances entre étudiants. Certains parcours sont plus aisés que d'autres et cela n'est pas acceptable.

Par exemple, des étudiants de Las ont une majeure non sanitaire et une mineure santé. Les Pass ont une majeure santé et une mineure non sanitaire.

Évidemment les étudiants de Las1 n'étudient pas autant de matière santé que les étudiants en Pass. Si bien qu'à la fin de l'année de Las1, certains étudiants reçus se sont retrouvés en deuxième année avec des étudiants Pass qui avaient fait trois quarts de programme santé de plus que les étudiants en Las1.

Ces étudiants en Las 1 se sont alors retrouvés en difficulté, non pas parce qu'ils étaient moins bons, mais parce qu'ils n'avaient pas le même bagage que les autres. À la fin de la deuxième année, nous nous sommes donc rendu compte que la grande majorité de ces étudiants en Las 1 se sont retrouvés en rattrapage ou ont abandonné les études.

 
Nous nous sommes donc rendu compte que la grande majorité de ces étudiants en Las 1 se sont retrouvés en rattrapage ou ont abandonné les études. 
 

Pour vous, cette réforme, structurellement parlant, est bancale ?

Emmanuel d'Astorg : Oui c'est ça elle est mauvaise. Il n'est pas imaginable que l'on mette sur la même ligne de départ des étudiants qui n'ont pas le même bagage d'enseignement, ce n'est pas possible. Et je le répète : je ne dis pas que les étudiants en Las 1 ne sont pas bons, je dis que cette réforme structurellement les confronte à des difficultés quasi insurmontables.

Cette année, ce sera encore particulier car nous aurons dans la même promotion des étudiants de Pass, de Las 1 et de Las 2. J'ajoute que certains professionnels de santé, comme le Dr Mathias Wargon, considère que nous sommes des gens frustrés car nos enfants n'ont pas réussi le concours. C'est complètement faux, car au niveau du collectif, la très grande majorité des parents ont vu leurs enfants continuer leurs études.

Ma fille, par exemple, est passée en deuxième année. Nous continuons à militer car à la fin de l'année dernière, sur notre page Facebook, nous avons reçu un nombre incommensurable de témoignages d'étudiants qui avaient vécu la même chose que ce qu'avaient vécu nos enfants la première année.

A combien estimez-vous le nombre d'étudiants injustement éliminés ?

Emmanuel d'Astorg : Si l'on ne se base que sur les oraux, je vous répondrai que tous les étudiants qui ont été refusés après les avoir passés pour des raisons diverses et variées, ont été éliminés de manière injuste. On ne connait pas les critères de notation pour ces oraux !! Il est compliqué de donner un chiffre précis.

Votre avocat vous a-t-il annoncé un délai avant que votre combat judiciaire n'aboutisse ?

Emmanuel d'Astorg : Ça va être long. Il va dans un premier temps y avoir un échange de courriers assez long entre le Collectif et le cabinet du ministre. Nous n'allons pas rentrer dans les détails de la procédure qui reste confidentiels. Nous savons que nous luttons contre l'État, cela va être long et difficile, mais nous irons au bout de notre démarche.

 
Nous nous sommes donc rendu compte que la grande majorité de ces étudiants en Las 1 se sont retrouvés en rattrapage ou ont abandonné les études. 
 

Suivez Medscape en français sur Twitter.

Suivez theheart.org |Medscape Cardiologie sur Twitter.

Inscrivez-vous aux newsletters de Medscape :  sélectionnez vos choix

 

LIENS

Commenter

3090D553-9492-4563-8681-AD288FA52ACE
Les commentaires peuvent être sujets à modération. Veuillez consulter les Conditions d'utilisation du forum.

Traitement....