Ministre en temps de Covid : Véran prend la plume et tombe le masque

Christophe Gattuso

Auteurs et déclarations

19 septembre 2022

Paris, France — Dans son ouvrage « Par-delà les vagues », Olivier Véran retrace les deux années de crise sanitaire qui ont marqué son passage avenue de Ségur. L’occasion pour l’ex-ministre de la Santé de partager les coulisses des décisions importantes, la solitude du pouvoir mais aussi ses états d'âme et quelques regrets.

Le raz-de-marée du coronavirus aurait pu l’emporter mais malgré les remous, il a surnagé. Et est sorti rincé de la tempête. Ce sont ces deux années si singulières qu’il a vécues sur le pont que l’ex-ministre de la Santé Olivier Véran relate dans « Par-delà les vagues »*, paru il y a quelques jours. Tout au long de ce récit de plus de 300 pages, le médecin neurologue grenoblois relate les moments forts qu’il a vécus depuis l’annonce de sa nomination, le 17 février 2020, en lieu et place d’Agnès Buzyn, jusqu’à ce qu’il quitte ses fonctions après la réélection d’Emmanuel Macron.

Si les soignants apprendront peu de choses dans la chronologie d’événements qu’ils ont vécus parfois jusque dans leur chair, ils comprendront peut-être un peu mieux, à la lecture de cet ouvrage, dans quelles conditions certaines décisions ont pu être prises.

Le médecin raconte comment il lui a fallu parfois improviser, comme lorsqu’il s’est retrouvé dès sa prise de fonction devant une centaine de personnes dans l’Oise, après la disparition de la première victime française du Covid.

S’il ne révèle aucun secret d’état, le livre relate l’apprentissage sur le terrain de la communication de crise, les doutes au moment du premier confinement, les coulisses des conseils de défense et autres points de situation sur l’évolution de l’épidémie, devenus des points presse hebdomadaires attendus.

« De presque inconnu… à chef de guerre »

Un ministre tout d’abord populaire qui a su d’abord s’imposer comme un bon capitaine dans la tempête, calme, pédagogue. « Par-delà les vagues » ne retrace pas seulement l’histoire du Covid vu par un homme. Elle raconte surtout l’histoire d’un homme politique propulsé par le Covid. « De presque inconnu, je passe en quelques jours au statut de ministre en vue, sinon de chef de guerre », écrit sans modestie le Grenoblois, qui aime être dans la lumière et ne refuse jamais un 20h.

 
De presque inconnu, je passe en quelques jours au statut de ministre en vue, sinon de chef de guerre. Olivier Véran
 

Mais la lutte contre le Covid a fini par battre en brèche cette popularité. Olivier Véran décrit ses difficultés pour faire accepter à plusieurs élus locaux (notamment de Marseille !) les couvre-feux et autres limitations de rassemblements. Il partage la façon dont il a composé avec le Pr Didier Raoult, persuadé d’avoir trouvé un remède miracle avec l’hydroxychloroquine.

Dans cet ouvrage, le ministre masqué brise un peu l’armure. Olivier Véran ne cache rien de ses conditions d’exercice, décrivant comme l’aurait fait Zola –le style en moins – les moments de solitude dans sa « prison de verre », cet appartement de fonction dont il paie le loyer et qui baigne « dans son jus, avec un lit à matelas orthopédique qui grince, des années 80 ».

Apôtre de la transparence, il va jusqu’à dévoiler son salaire de « 6 500 euros net par mois, impôts déduits ». Et ne cache pas son agacement quand, justiciable comme un autre, il est l’objet d’une perquisition, dans le cadre d’une enquête sur la gestion de la crise sanitaire.

Parfois dépeint par ses adversaires comme vaniteux et cassant, Olivier Véran présente pour la première fois des excuses aux Français pour s’être trompé sur les masques. Il avait affirmé au début de la crise – de bonne foi, jure-t-il –, qu’ils étaient inutiles … à moment où la France n’en avait pas. Le ministre reconnaît « une incroyable erreur d’appréciation ».

 
Une incroyable erreur d’appréciation.
 

Médecin impatient

Mais ne nous y trompons pas, le récit d’Olivier Véran est avant tout un exercice d’autosatisfaction. Avant de devenir porte-parole du gouvernement, il s’est fait avec cet ouvrage le porte-parole de l’ancien ministre de la Santé….

Il défend sans surprise la politique du gouvernement pendant la crise, relate son admiration pour Emmanuel Macron… mais aussi pour Edouard Philippe.

Il se met en scène, sans cesse sur la brèche, dans une démonstration qui confine parfois à l’excès comme lorsque, contraint à l’isolement pour cause de Covid, il multiplie les réunions en distanciel et veut que ça se sache. L’auteur montre qu’il n’a pas fait que piloter la lutte contre la crise.

Il a aussi mouillé la chemise pour rechercher des masques (et parfois de retrouver un vieux stock promis à la destruction) ou lorsqu’il a multiplié les coups de fil pour accélérer la vaccination. Mais même un ministre de la Santé a besoin de dormir. Le neurologue relate un épisode d’intense épuisement qui l’a amené à s’adonner à la méditation pour éviter le burn-out.

Quelques omissions

Olivier Véran retrace dans son ouvrage de nombreux temps forts des deux dernières années mais omet d’aborder plusieurs sujets majeurs liés à la crise sanitaire. S’il a une attention à l’égard des morts du Covid, il n’évoque nullement leur nombre considérable (plus de 150 000 officiellement recensés en France). Et n’a curieusement aucun mot sur les personnes âgées en Ehpad qui ont payé un très lourd tribut. Il oublie aussi d’évoquer le déficit abyssal de la Sécurité sociale (près de 17 milliards d’euros) creusé par le « quoi qu’il en coûte » et une politique de tests extrêmement coûteuse dont on aurait aimé savoir s’il l’assumait entièrement.

S’il a été le ministre du Ségur de la santé qui a permis de revaloriser deux millions de salariés des hôpitaux, Olivier Véran n’a pu empêcher la fuite, ces derniers mois, des personnels de santé de ces établissements. Même s’il n’en est pas personnellement responsable, il eut été intéressant qu’il analyse ce phénomène.

Une vie après le Covid

Quelques passages apportent en revanche des pistes de réflexion instructives pour l’avenir du système de santé. Olivier Véran pointe la nécessaire meilleure considération qu’il faudra porter sur certains métiers de santé très féminisés (infirmières, aides-soignantes, auxiliaires de vie…) ou l’autonomie des équipes de soignants à renforcer sur le terrain dans un système trop hospitalo-centré de son propre aveu.

De même, le pilotage de la gestion de crise devra être revue avec, espère-t-il, une plus grande place confiée à la Haute autorité de santé (HAS) pour nommer les instances scientifiques qui conseilleront les décideurs.

Étiqueté « ministre du Covid », Olivier Véran montre avec ce livre qu’il n’en a pas fini avec la vie publique. Reste à savoir si l’ambitieux, qui se compare lui-même à un « entrepreneur, du genre à agir d’abord et réfléchir après », aura marqué des points avec cet ouvrage. Et si passé l’écume, il restera un acteur majeur sur l’échiquier politique… par-delà les vagues.

*Par-delà les vagues, Journal de crises au cœur du pouvoir, éditions Robert Laffont, 336 pages, 20,90 euros

 

 

 

 

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