Cancer de l’ovaire avancé : des résultats de survie globale impressionnants

Aude Lecrubier

Auteurs et déclarations

19 septembre 2022

COLLABORATION EDITORIALE

Medscape &

Paris, France — Plusieurs résultats importants ont été présentés dans le cancer de l’ovaire lors de l’édition 2022 du congrès de l’ESMO [1].

Deux études, PAOLA et SOLO1, notamment, ont rapporté pour la première fois des bénéfices en survie globale pour un traitement médical, l’olaparib, dans les cancers de l’ovaire nouvellement diagnostiqués à un stade avancé.

« Nous ne guérissons quasiment aucun cancer de l’ovaire de stade 3/4. A 5 ans, moins de 2% des patientes sont en vie sans rechute. Avoir deux études qui montrent un bénéfice en survie globale est vraiment une première. C’est extrêmement encourageant », a considéré la Dr Alexandra Leary, (oncologue, Gustave Roussy, Villejuif, France), qui a présidé la session, dans un commentaire pour Medscape édition française.

 
Avoir deux études qui montrent un bénéfice en survie globale est vraiment une première. Dr Alexandra Leary
 

SOLO1 : 67 % des patientes traitées avec l’olaparib en vie à 7 ans

L'essai de phase III SOLO1/GOG-3004[1] a évalué le traitement d'entretien par l’inhibiteur de PARP olaparib par rapport à un placebo chez des patientes atteintes d'un cancer de l'ovaire avancé avec mutation du gène BRCA.

Après les données positives sur la survie sans progression (PFS) à 5 ans de suivi (Lancet Oncol 2021;22:e539) rapportées en 2021, ce sont les données de survie globale à 7 ans qui ont été présentées à l’ESMO 2022.

A une échéance de 38,1 % des données sur la survie globale en mars 2022, la SG médiane n'a pas été atteinte avec l'olaparib contre 75,2 mois avec le placebo (hazard ratio [HR] 0,55; IC95 % : 0,40-0,76 ; p<0,0004). En tout, 67 % des patientes traitées avec l’olaparib étaient en vie à 7 ans versus 45 % des patientes du bras placebo. Un résultat obtenu alors que 40 % des patientes du bras placebo ont reçu l'inhibiteur de PARP à la rechute si elles avaient un statut muté.

 « Ces données sur la survie globale sont très significatives sur le plan clinique […] Elles sont en faveur de l’utilisation d’un traitement d’entretien par olaparib pour obtenir une rémission à long-terme chez les patientes nouvellement diagnostiquées avec un cancer de l’ovaire avancé et une mutation BRCA », a commenté le Pr Jonathan Ledermann (UCL Cancer Institute de Londres, Royaume-Uni), invité à discuter ces résultats en session.

 
Ces données sur la survie globale sont très significatives sur le plan clinique. Pr Jonathan Ledermann
 

Le sujet n’est toutefois pas complètement clôt. « Est-ce une guérison ou devons-nous attendre que les données de survie globale soient matures ? » et « comment identifier les 55 % des patientes qui ont nécessité un traitement ultérieur ? », s’est interrogé l’oncologue londonien.

PAOLA-1: données positives de SG chez les patientes HRD+

Un autre essai de phase III, PAOLA-1/ENGOT-ov25[2] dont les résultats ont été rapportés par la Pre Isabelle Ray-Coquard (Centre Léon Berard Université Claude Bernard. Lyon, France ) a apporté de précieuses informations de survie globale avec l’olaparib en fonction du statut HRD.

L’étude a évalué l’association d'olaparib plus le bevacizumab – un agent antiangiogénique – par rapport au bevacizumab seul en tant que traitement d'entretien chez des patientes atteintes d’un cancer de l’ovaire ayant répondu à une chimiothérapie à base de platine plus bevacizumab.

Dans la population globale, la survie globale médiane était de 56,5 mois avec l'olaparib plus le bevacizumab et de 51,6 mois avec le bevacizumab seul (HR 0,92 ; IC 95 % 0,76-1,12 ; p=0,4118).

Mais, dans une analyse exploratoire, la survie globale médiane s'est améliorée avec l'olaparib plus le bevacizumab par rapport au bevacizumab seul chez les patientes présentant une déficience de recombinaison homologue (HRD+), indépendamment du statut de mutation BRCA (HRD+ et mutation BRCA : HR 0,60 ; IC à 95 % : 0,39-0,93 ; HRD+ sans mutation BRCA : HR 0,71 ; IC 95 % 0,45-1,13). Aucun avantage en termes de durée de vie n'a été observé chez les patients dont le test de dépistage de l'HRD était négatif.

«  L'association du bevacizumab et de la chimiothérapie suivie d'un traitement d'entretien par le bevacizumab est associée à un retard du délai de progression et, dans de nombreux pays, elle constitue une norme de soins. Si une patiente est porteuse d'une mutation BRCA, par définition elle sera HRD+, mais toutes les patientes HRD+ ne sont pas porteuses de mutations BRCA. Les données positives sur la survie globale chez les patientes HRD+, même lorsque les patientes présentant des mutations BRCA sont exclues, sont particulièrement intéressantes et élargissent effectivement le groupe de patientes qui peuvent bénéficier de l'ajout d'olaparib », a commenté le Pr Ledermann.

« On assiste à un changement de pratique émergent en faveur d'une augmentation des tests de dépistage du HRD et ces résultats sont susceptibles de le renforcer », a-t-il précisé.

 
On assiste à un changement de pratique émergent en faveur d'une augmentation des tests de dépistage du HRD et ces résultats sont susceptibles de le renforcer Pr Ledermann
 

Pas de signal de sécurité

Dans les deux essais présentés, les données de sécurité sont encourageantes. « L'une des préoccupations avec les inhibiteurs PARP est le faible risque de développer un syndrome myélodysplasique (SMD) ou une leucémie myéloïde aiguë (LMA), en particulier chez les patientes porteuses d'une mutation BRCA », a souligné le Pr Ledermann. « Il était très rassurant de voir que les myélodysplasies et les leucémies secondaires n’augmentaient pas avec plus de recul. C’est une inquiétude que l’on a », a souligné la Dr Leary.

 
Il était très rassurant de voir que les myélodysplasies et les leucémies secondaires n’augmentaient pas avec plus de recul.
 

«  Les résultats des essais SOLO1/GOG-3004 et PAOLA-1/ENGOT-ov25 renforcent l'importance de tester les mutations BRCA et/ou le statut HRD et démontrent que les patientes HRD+ peuvent bénéficier à long terme des inhibiteurs PARP. Cependant, il existe un grand besoin de recherche sur les options de traitement pour les patientes présentant une maladie HRD-négative », a conclu le Pr Ledermann

 

« On s'attendait à ces résultats positifs en survie globale en raison des très bons résultats de SSP. Ces études montrent qu'idéalement, il faut donner les anti-PARP en première ligne », a commenté le Dr Manuel Rodrigues (Institut Curie, Président de la SFC).

Résultats négatifs sur la survie globale pour le rucaparib

La troisième étude qui a été présentée, ARIEL 4[3] , est négative. Alors que l’inhibiteur de PARP rucaparib s’était avéré supérieur à la chimiothérapie sur la survie sans progression chez des patientes présentant un carcinome ovarien muté BRCA1 ou BRCA2 en rechute, les données de survie globale sont en faveur de la chimiothérapie.

« Cette étude a montré le détriment potentiel à mettre un PARP en rechute en traitement. Cela renforce le fait que si l’on veut les utiliser, il faut le faire en première ligne quand on peut les arrêter car il est probable que progresser sous PARP compromette l’efficacité des traitements ultérieurs. Si la tumeur arrive à acquérir une résistance au PARP, le platine ne va pas marcher. Cette étude a mené au retrait d’une indication par le FDA et l’EMA. On ne peut plus prescrire du rucaparib chez des patientes BRCA mutées en 3ème ligne. Cette étude est négative mais elle est importante car elle modifie les pratiques », a commenté la Dr Leary pour Medscape édition française.

« Ces trois études renforcent qu’il faut mettre les PARP en première ligne et on espère un jour prouvé que l’on guéri plus de patientes », conclut l’oncologue française.

 
Cette étude est négative mais elle est importante car elle modifie les pratiques. Dr Alexandra Leary
 

ATALANTE : pas d’intérêt à l’ajout d’atézolizumab

Dans ATALANTE[4], l’ajout de l’atézolizumab, un inhibiteur de point de contrôle (IPC), au traitement standard de la rechute du cancer de l’ovaire sensible au platine (RCOSP) n’a pas réduit significativement le risque de progression de la maladie. Dans cet essai de phase 3, 614 patientes atteintes d’un cancer de l’ovaire épithélial non mucineux en rechute (2 lignes de chimiothérapie antérieures ou moins) ont été randomisées (selon un rapport de 2:1) pour recevoir de l’atézolizumab ou un placebo ; toutes les patientes ont reçu une chimiothérapie (carboplatine plus doxorubicine liposomale pégylée ou gemcitabine ou paclitaxel) et du bévacizumab.

D’après les résultats présentés par le Pr Jean Emmanuel Kurtz (oncologue Strasbourg. France), sur une durée de suivi médiane de 36,6 mois, la survie sans progression médiane (ITT) était de 13,5 mois pour l’atézolizumab, contre 11,2 mois pour le placebo (rapport de risque [RR] : 0,83 ; P = 0,041). Aussi la survie sans progression médiane chez les patientes exprimant PD-L1 était de 15,2 mois pour l’atézolizumab, contre 13,1 mois pour le placebo (RR : 0,86 ; P = 0,30).

Les données de survie globale ne sont pas encore arrivées à maturité, mais une tendance en faveur de l’atézolizumab dans la population ITT a été observée (35,4 mois contre 30,6 mois ; RR : 0,81).

Les données de sécurité étaient cohérentes avec le profil de sécurité d’emploi de chacun des agents.

«  Nous sommes déçus. Il y a un petit effet mais il n’est pas significatif. Ce qui est étonnant, c’est qu’il n’y ait pas plus de bénéfice dans le sous-groupe PDL1+, là où l’on s’attendait à en avoir le plus. C’est la quatrième étude randomisée qui nous confirme que dans l’ovaire, cibler PDL1 ne semble pas avoir d’efficacité. 5 études en première ligne avec différentes immunothérapies sont en cours (inhibiteurs de PARP +/- béva). Nous sommes inquiets que l’immunothérapie dans ces 5 essais n’apporte pas grand-chose », a commenté la Dr Alexandra Leary pour Medscape.

 
Nous sommes déçus. Il y a un petit effet mais il n’est pas significatif. Ce qui est étonnant, c’est qu’il n’y ait pas plus de bénéfice dans le sous-groupe PDL1+. Dr Leary
 

Le Dr Mansoor Raza Mirza, (Hôpital universitaire de Copenhague, Danemark) invité à discuter les résultats en session, a souligné que dans cette étude « la moitié de la population était positive pour le biomarqueur (expression de PD-L1 supérieure ou égale à 1 %) » et a suggéré que le seuil de positivité pour le biomarqueur soit « redéfini dans les futurs essais (positivité en cas d’expression de 5 % ou même plus) pour voir s’il existe une sous-population qui bénéficie du traitement ». Il a par ailleurs regretté que la survie globale n’ait pas été incluse comme critère primaire de jugement et a invité à tester d’autres associations thérapeutiques.

Suivez Medscape en français sur Twitter.

Suivez theheart.org | Medscape Cardiologie sur Twitter.

Inscrivez-vous aux newsletters de Medscape :  sélectionnez vos choix

 

Commenter

3090D553-9492-4563-8681-AD288FA52ACE
Les commentaires peuvent être sujets à modération. Veuillez consulter les Conditions d'utilisation du forum.

Traitement....