Barcelone, Espagne — Lors d'une session de débat qui s’est déroulée lors de l’édition 2022 du congrès de la Société respiratoire européenne (European Respiratory Society — ERS) [1], des spécialistes de l’asthme, la Dre Celeste Michala Porsbjerg (Danemark) et le Dr Marco Idzko (Autriche) ont exprimé leurs points de vue contradictoires concernant l’importance et la faisabilité du phénotypage de l’asthme.
Pour : Celeste Michala Porsbjerg (Danemark)
Se prononçant en faveur du phénotypage avant de commencer à traiter l’asthme, la Dre Porsbjerg déclare que l’asthme est une maladie hétérogène et qu’il n’est peut-être pas logique de traiter tous les patients de la même manière sans tenir compte de leur phénotype.
Selon les directives de l’Initiative mondiale de lutte contre l’asthme ( Global Initiative for Asthma ), l’asthme léger à modéré doit être traité de manière similaire, et le phénotypage n’est conseillé que pour l’asthme sévère. « Une approche unique peut-elle convenir à tous les cas ? », s’interroge-t-elle toutefois.
Les deux principaux phénotypes cliniques de l’asthme sont l’allergie des voies respiratoires/la rhinite allergique et l’inflammation de type 2 (T2). Il est bien connu que le traitement de la rhinite allergique par un corticoïde nasal améliore le contrôle de l’asthme.
En 2022, l’étude REACT a montré que l’immunothérapie allergénique (ITA) réduisait le besoin de traitement de l’asthme. L’ITA est par conséquent un aspect important du traitement de ce phénotype asthmatique, quel que soit le statut allergique du patient. Même après 9 ans, l’ITA a réduit le risque de progression de l’asthme de 30 %.
Pour le phénotype d’inflammation de type 2, les biomarqueurs cliniques sont l’augmentation des taux d’éosinophiles et une fraction expirée du monoxyde d’azote (FeNO) plus élevée. Ces biomarqueurs de l’inflammation T2 aident à différencier l’asthme éosinophilique de l’asthme non éosinophilique. Ils peuvent également prédire le risque de perte de fonction du poumon et d’exacerbations ainsi que la réponse au traitement. Une méta-analyse de 2018 de Petsky H. et al. a démontré une réduction de l’exacerbation de l’asthme lorsque le traitement est adapté en fonction du taux de FeNO du patient. En cas d’asthme sévère, le phénotypage est nécessaire pour choisir le traitement biologique ciblé adéquat.
Bien que les corticoïdes oraux (CO) réduisent simplement les taux d’éosinophiles sanguins, les corticoïdes inhalés (CI) abaissent rapidement les taux de FeNO et peuvent réduire les taux d’éosinophiles sanguins à des doses élevées. Par conséquent, ces deux traitements ont tendance à dissimuler l’inflammation T2 associée à l’asthme. La Dre Porsbjerg insiste donc sur la nécessité de procéder au phénotypage des patients avant de commencer le traitement au lieu d’attendre qu’ils signalent un asthme sévère.
Contre : Marco Idzko (Autriche)
S’exprimant contre la proposition, le Dr Idzko affirme que le phénotypage n’est pas requis chez 95 % des patients qui commencent le traitement. Les phénotypes de l’asthme T2 et leurs biomarqueurs ont déjà été évoqués par la Dre Porsbjerg ; cependant, le Dr Idzko a poussé la classification plus loin en asthme éosinophilique allergique sévère de statut T2 élevé et en asthme éosinophilique non-allergique sévère de statut T2 élevé et a mis en évidence un autre phénotype, l’asthme neutrophilique de statut T2 faible.
De nombreux experts, dont le Dr Idzko, considèrent que le phénotype neutrophilique de statut T2 faible est un « mythe ». À l’appui de son argumentation, il cite une étude réalisée en 2021, qui montre qu’en réalité le fait de cibler les neutrophiles aggrave l’asthme. L’essai NAVIGATOR a démontré que le tézépélumab était supérieur au placebo pour contrôler l’asthme, même dans une population à faible taux d’éosinophiles et à faible taux de FeNO, ce qui indique un phénotype avec statut T2 faible. Cependant, 75 % et 10 % de la cohorte globale de patients prenaient des doses élevées de CI et de CO, respectivement, rendant impossible la mesure précise des taux d’éosinophiles et de FeNO.
Par conséquent, selon le Dr Idzko, il n’est pas nécessaire de phénotyper l’asthme de statut T2 faible qui est « inexistant ». Les médecins devraient plutôt vérifier la présence d’autres maladies et se concentrer sur le diagnostic correct de l’asthme.
Dans l’asthme de statut T2 élevé, les taux d’éosinophiles et de FeNO sont fortement influencés par toute exposition à un allergène, la présence de troubles concomitants et les agents inhalés, en dehors de l’administration de CI ou de CO. Par conséquent, le phénotypage de l’asthme normal est en réalité une tâche herculéenne. Cependant, comme déjà évoqué, l’asthme sévère doit être phénotypé. En outre, lors du diagnostic d’un asthme sévère de statut T2 élevé, il est plus pratique pour les médecins de suivre un traitement guidé par les comorbidités cliniques plutôt que de simplement calculer les taux de biomarqueurs.
Ils doivent déterminer la source de l’allergène en cas d’asthme allergique ou déterminer le taux d’éosinophiles (150/μl) en cas d’asthme non-allergique et prescrire les médicaments standards en conséquence.
Dans sa conclusion, le Dr Idzko répète qu’il ne conseillerait jamais le phénotypage chez les patients atteints d’asthme normal. Même si cela est très utile pour la recherche, des mesures répétées sont nécessaires et les biomarqueurs actuels sont influencés par une multitude de circonstances, ce qui rend le phénotypage moins pratique en situation réelle.
Cet article a initialement été publié sur Univadis.fr, membre du réseau Medscape
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Citer cet article: ERS 2022 — Phénotypage de l’asthme : nécessité médicale ou luxe ? - Medscape - 21 sept 2022.
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