POINT DE VUE

Tests sanguins de détection des cancers : sommes-nous prêts ?

Aude Lecrubier

Auteurs et déclarations

13 septembre 2022

Pr Fabrice André

Paris, France — Les tests sanguins de détection du cancer sont en plein essor. En témoigne l’étude PATHFINDER, présentée au congrès de l’ESMO 2022 (voir encadré). Qu’apporte cette nouvelle étude ? Quels sont les freins à l’utilisation de ce type de tests dans un avenir proche ?

Les réponses du Pr Fabrice André, directeur de la recherche de l’Institut Gustave Roussy, co-président du conseil scientifique du congrès et récemment élu futur président de l’ESMO (2025-2026).

L’étude en bref

Dans le cadre de l'étude PATHFINDER, le test sanguin de détection de l’ADN tumoral circulant Galleri (développé par Grail) a été utilisé chez 6621 personnes en bonne santé âgées de plus de 50 ans, avec ou sans facteurs de risque de cancer.

Un signal de possible cancer a été rapporté chez 92 personnes (1,4 %) et un cancer a été confirmé par des examens complémentaires chez 38 % des personnes dont le test était positif.

Parmi les cancers qui ont été diagnostiqués, 19 étaient des tumeurs solides et 17 des cancers hématologiques ; 7 ont été diagnostiqués chez une personne ayant des antécédents de cancer, 26 étaient des types de cancer sans dépistage standard et 14 ont été diagnostiqués à un stade précoce.

Medscape édition française : En quoi ces nouvelles données sont-elles importantes ?

Pr Fabrice André : Il s’agit de la première étude qui montre que la détection d’ADN tumoral permet, en effet, de détecter certains cancers à des stades précoces. Cette étude n’a pas la prétention de montrer une utilité clinique mais elle marque un tournant. Ce test permet de détecter des cancers qui sont souvent diagnostiqués à un stade tardif comme le cancer du pancréas, un cancer de mauvais pronostic. C’est porteur d’espoir.

Que dire aux patients qui, dès demain, vont demander ces tests ?

Pr André : Nous avons l’habitude de répondre aux patients atteints de cancer à des stades métastatiques sur les recherches thérapeutiques et les nouveaux traitements. Là, la question est un peu différente car il s’agit de détection précoce. Or, ce type de test n’a pas d’intérêt chez les patients qui ont un risque très faible de cancer. Il va donc falloir que les médecins généralistes identifient quels sont les patients de leur patientèle qui sont à risque de cancer, ce qu’ils font déjà lorsqu’ils proposent des scanners aux patients avec un long historique de tabagisme par exemple.

Sommes-nous prêts pour ce type de tests ?

Pr André : Non. Il faudra créer des structures qui permettent d’absorber ces nouveaux patients. Aussi, il faudra montrer que ces tests apportent un réel bénéfice clinique. Il est possible qu’une partie des cancers détectés précocement ne soient pas ceux qui évolueraient de façon agressive comme ceux que nous voyons arriver dans nos consultations actuellement et qui sont à des stades avancées. Il est possible qu’ils soient plus indolents.

Y-a-t-il d’autres obstacles à l’utilisation de ce type de tests ?

Pr André : Pour leur mise en place, il faudra créer des parcours de soins de prévention et de détection précoce des cancers. Aujourd’hui, ils font défaut.

Aussi, le problème de ces tests est qu’il y a beaucoup de faux positifs que nous ne savons pas encore gérer. Il faut bien comprendre qu’un résultat positif est anxiogène pour les patients et que nous n’avons pas actuellement les structures de soins disponibles pour proposer des examens complémentaires à tous ces patients. Sans compter que certains de ces examens sont invasifs.

Enfin, il n’y a pas de bons mécanismes de remboursement des tests biologiques en France. Aujourd’hui, ce test est uniquement disponible aux Etats-Unis et sur internet. Cela pose une question d’égalité des soins.

 
Aujourd’hui, ce test est uniquement disponible aux Etats-Unis et sur internet. Cela pose une question d’égalité des soins.
 

Ces barrières vont devoir tomber avant que l’on puisse commencer à détecter des cancers au stade précoce grâce à des détections d’ADN tumoral circulant proposées par des sociétés de biotechnologie.

Après, il faudra voir quels seront les efforts académiques sur ce sujet, ce qui est d’ordre plus politique.

 

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