Paris, France — Les tumeurs desmoïdes sont des tumeurs rares (3-5/million/an), localement agressives et invasives des tissus mous qui sont difficiles à prendre en charge en raison de leurs présentations variables, de leur évolution imprévisible et de l’absence de médicaments.
De nouveaux résultats présentés en session présidentielle au congrès de l'ESMO 2022 [1] pourraient bientôt changer la donne.
L’essai DeFi montre que le nirogacestat, premier représentant d’une nouvelle classe thérapeutique, celle des inhibiteurs de la gamma sécrétase, apporte une amélioration significative de la survie sans progression et du taux de réponse, mais aussi une réduction des symptômes et une meilleure qualité de vie.
« Le nirogacestat pourrait devenir le traitement standard des patients atteints de tumeurs desmoïdes nécessitant un traitement systémique », a indiqué le Pr Bernd Kasper, Centre du cancer Mannheim, Allemagne, lors de la présentation de l’étude.
La petite molécule orale a été testée dans les tumeurs desmoïdes en raison de son action inhibitrice de la voie de signalisation Notch qui est impliquée dans le développement et la progression de ces tumeurs. Le nicogacestat avait déjà montré une activité antitumorale intéressante en phase 1 et 2 avec une toxicité gérable.
L’essai de phase 3, contrôlé, randomisé DeFi a porté sur 142 patients atteints de tumeurs desmoïdes évolutives (progression ≥20 %), recrutés dans 37 centres aux Etats-Unis et en Europe. Les participants étaient soit naïfs de traitement avec des tumeurs inopérables, soit en rechute après au moins une ligne de traitement.
L'essai a inclus des patients présentant une maladie volumétriquement progressive, ce qui a fourni un moyen mesurable de sélectionner les patients qui avaient besoin d'un traitement, la maladie pouvant être spontanément résolutive.
Amélioration de la SSP, de la réponse tumorale
Les résultats ont montré une amélioration statistiquement significative de la survie sans progression (critère primaire) chez les patients randomisés avec le nirogacestat par rapport au placebo avec un risque de progression de la maladie inférieur de 71% en moyenne (RR=0,29, IC95 : 0,15 à 0,55 ; p<0,001).
Le bénéfice était observé dans tous les sous-groupes étudiés (sexe, mutations APC et CTNNB1, nombre et localisation des tumeurs, ATC de traitement par chirurgie, chimiothérapie ou TKI).
Le taux de réponse était également beaucoup plus élevé : 41% dans le groupe nirogacestat versus 8% dans le groupe placebo. Aussi, 7 % ont présenté une réponse complète avec le traitement actif versus 0% dans le groupe placebo.
Meilleure qualité de vie, réduction de la douleur
L'étude a aussi mesuré l’impact du traitement rapporté par les patients sur la qualité de vie, les tumeurs desmoïdes étant particulièrement invalidantes et douloureuses. Un bénéfice statistiquement significatif a été observé sur la réduction de la douleur et du poids des symptômes, ainsi que sur l’amélioration des capacités physiques et de la qualité de vie liée à la santé (p<0,007).
En termes de toxicité, 95% des effets indésirables étaient de grade 1 ou 2 avec en ordre décroissant : les diarrhées (84%), la nausée (54%), la fatigue (51%), l’hypophosphotémie (42%), les démangeaisons/éruptions (32%), les maux de tête (29%) et les stomatites (29%).
Autre effet indésirable notable, la dysfonction ovarienne qui, avec le traitement, est survenue chez 75 % des patientes en âge de procréer (vs 0% dans le groupe placebo). Les investigateurs indiquent cependant que chez les 11 patientes qui ont arrêté le traitement, la dysfonction ovarienne a été réversible dans la totalité des cas.

Pr Jean-Yves Blay
Invité à commenté l’étude par Medscape édition française, le Pr Jean-Yves Blay (Centre anticancéreux Léon Bérard, Unicancer, Lyon, France) a indiqué : « Il s’agit d’un mode d’action original. C’est une nouvelle drogue qui va rendre des services extraordinaires ».
Toutefois, après ces premières données d’efficacité impressionnantes, plusieurs questions se posent, notamment celles de l’identification des patients répondeurs et de la durée optimale du traitement.
Enfin, une question majeure, d’après le Pr Blay, qui n’a pas participé à l’étude, est celle de son positionnement.
« Nous devrons trouver la meilleure façon de l'utiliser. On pourrait le positionner dès la première ligne mais pour des jeunes femmes ou hommes qui ont envie de faire des enfants, c’est une vraie question. A ce stade, je le mettrais donc plus tardivement, après échappement à l’hormonothérapie et à la chimiothérapie ».
Aussi, le nirogacestat pourrait-il être envisagé dans les tumeurs non progressives chez les patients souffrant de douleurs et de troubles fonctionnels ?
Discutant des résultats après leur présentation, le Pr Blay a précisé qu'il existait un certain nombre d'options thérapeutiques différentes pour les tumeurs desmoïdes, y compris le sorafénib (Nexavar) et qu'il n'était pas certain que les patients atteints d'une maladie non progressive bénéficient d'un avantage symptomatique avec le nirogacestat.
Notons que la voie de signalisation Notch est impliquée dans le développement et la progression de nombreux types de tumeurs. De futures essais cliniques permettront donc de préciser son positionnement dans les tumeurs desmoïdes mais aussi probablement dans d’autres cancers.
L'étude a été financée par SpringWorks Therapeutics, Inc. Le Pr Kasper déclare des liens d’intérêt avec Bayer, Blueprint, Boehringer Ingelheim, SpringWorks, GSK, PharmaMar et Ayala. |
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Actualités Medscape © 2022
Citer cet article: Tumeurs desmoïdes : un nouveau médicament à l’efficacité impressionnante - Medscape - 11 sept 2022.
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