Barcelone, Espagne — Dans quel cas opter pour le remplacement de valve aortique par voie percutanée (TAVI) dans le traitement d’une sténose aortique chez les patients à bas risque chirurgical de moins de 75 ans ? Depuis la publication en 2021 des recommandations européennes sur la prise en charge des valvulopathies, la question est récurrente chez les cardiologues interventionnels et s’est à nouveau invitée lors d’un symposium organisé au congrès de la Société européenne de cardiologie (ESC 2022) à l’occasion des 20 ans du TAVI [1,2].
Lors d’un échange qui a conclu ce symposium, les cardiologues ont rappelé la nécessité d’anticiper une seconde intervention chez ces patients plus jeunes ayant encore une bonne espérance de vie, en raison de la durabilité limitée des prothèses. Plus sure, la procédure valve-in-valve s’impose pour remplacer la bioprothèse défaillante (chirurgicale ou TAVI) en y insérant une nouvelle prothèse – une procédure dite TAVI-in-TAV lorsqu’il s’agit de deux valves TAVI successives.
Différences entre les recommandations américaines et européennes
Les recommandations européennes de 2021 ont fait du TAVI le traitement de référence des patients de 75 ans et plus présentant un rétrécissement aortique, qu’importe le risque chirurgical. Une position qui a marqué une différence avec les recommandations américaines, qui ont de leur côté validé l’approche percutanée dès 65 ans, même chez les patients à bas risque. Une différence notable qui amène à s’interroger en Europe sur l’intérêt du TAVI chez les moins de 75 ans.
Pour rappel, les recommandations européennes précisent que l’approche chirurgicale est préférable au TAVI chez les moins de 75 ans à bas risque (STSPROM/Euroscore II < 4%), tandis que la pose d’une valve par voie transcutanée peut être envisagée en cas de risque intermédiaire, en fonction des facteurs de risque. Elle reste recommandée chez les patients à haut risque chirurgical (STSPROM/Euroscore II > 8%).
« La question [de la pose du TAVI chez les moins de 75 ans] est importante car elle amène à tenir compte de l’espérance de vie et du risque de réintervention », a souligné la Pre Hélène Eltchaninoff (CHU de Rouen), venue participer à cette session en compagnie du Pr Alain Cribier (CHU de Rouen), récemment récompensé pour son rôle fondamental dans la mise au point du TAVI pour échanger sur l’avenir de cette approche percutanée.
L’absence de données suffisantes sur la durabilité à long terme des bioprothèses TAVI est la raison majeure évoquée par les experts européens pour justifier le seuil des 75 ans. En deçà, la nécessité de prendre en compte l’espérance de vie du patient et la durabilité des valves renvoie à la perspective d’une nouvelle intervention, avec une préférence pour la pose d’un autre TAVI dans le TAVI. Une option envisageable à condition d’anticiper la procédure, ont rappelé les intervenants.
Un choix qui dépend de critères anatomiques
Interrogé par la Pre Eltchaninoff sur la démarche appliquée aux Etats-Unis pour un patient à bas risque âgé de 70 ans, sans bicuspidie valvulaire, le Pr Martin Leon (Columbia University and New York Presbytérien Hospital, New York, Etats-Unis) a répondu que le choix entre le remplacement chirurgical et le TAVI « va dépendre de critères anatomiques et cliniques, mais aussi un peu de la préférence du patient ».
« Je ne pense pas que la pratique clinique [entre l’Europe et les Etats-Unis] soit si différente », estime le cardiologue américain. « Evidemment, chez des patients plus jeunes à bas risque, la tendance est de s’orienter vers la chirurgie, à moins que l’anatomie [au niveau de l’aorte] soit parfaite et que le patient exprime une préférence pour le TAVI. Il doit alors savoir qu’il peut avoir besoin d’une autre intervention ».
Avant de décider du traitement, un examen par tomodensitométrie (CT-Scan) apparait indispensable afin d’évaluer l’anatomie de l’aorte et en particulier le diamètre de l’anneau aortique, a rappelé de son côté le Pr Lars Sondergaard (Hôpital universitaire de Copenhague, Danemark). « Tous les patients candidats pour un remplacement valvulaire doivent être examinés par tomographie assistée par ordinateur (CT-scan), qu’importe leur âge » avant de choisir le type de valve.
La pose d’un TAVI chez des patients plus jeunes doit donc amener à anticiper l’insertion d’une nouvelle prothèse. Le diamètre aortique doit être suffisant et il faut savoir tenir compte du mismatch valvulaire patient-prothèse (PPM), à l’origine d’une surface effective de la prothèse inférieure à celle de la valve native normale, qui semble accélérer la dégénérescence de la bioprothèse lorsque le diamètre est faible.
La bicuspidie plus fréquente vers 65 ans
« La littérature montre que les patients ayant reçu les prothèses les plus petites présentent plus tôt une dégénérescence structurelle des valves », a souligné le Pr Michael Borger (Hôpital universitaire de Leipzig, Allemagne). La pose d’un TAVI sur un anneau aortique de faible diamètre pourrait ainsi non seulement compromettre une future procédure TAVI-in-TAV, mais aussi nécessiter plus rapidement une réintervention.
Si le diamètre de l’aorte est faible, l’option chirurgicale apparait plus adaptée pour un patient de 70 ans à bas risque, d’autant plus que la majorité des valves chirurgicales peuvent désormais être fracturées par voie transcutanée, à l’aide d’un ballonnet à haute pression, pour y insérer une prothèse TAVI plus grande, a rappelé le Pr Sondergaard lors de sa présentation sur la procédure valve-in-valve [3].
La pose d’une prothèse chirurgicale semble aussi plus évidente en s’approchant du seuil des 65 ans, a souligné le cardiologue. Les patients les plus jeunes se présentent avec un rétrécissement aortique présentent aussi plus souvent une bicuspidie associée. Or, « les données sont insuffisantes pour justifier un TAVI dans cette population », précise-t-il.
Lorsqu’un traitement par TAVI est décidé, se pose aussi la question du choix de la première prothèse, soulève le Pr Cribier. Faut-il opter pour des valves TAVI auto-expandables (Portico® et Evolut®), dont les feuillets se déploient, en partie, au-dessus de l’anneau aortique (supra-annulaire) ou pour celles implantées par ballonnet (Sapien3®), qui ont davantage un effet « poupée russe » en s’insérant complètement dans l’ancienne valve?
Etude en cours sur le TAVI-in-TAV
La première option peut paraître plus appropriée pour anticiper une future intervention. De plus, des études ont montré que le mismatch valvulaire patient-prothèse (PPM) est moins important avec les valves auto-expandables Portico® et Evolut®, comparativement à la prothèse Sapien3®, a indiqué le Pr Sondergaard. A 30 jours, le risque de PPM sévère est de 3% environ avec les valves auto-expandables, contre 26% avec les valves implantées par ballonnet.
Néanmoins, les prothèses auto-expandables ont l’inconvénient majeur de déployer leurs feuillets au niveau de l’entrée des artères coronaire situées en supra-annulaire. Or, le risque majeur avec la procédure valve-in-valve, surtout lorsqu’elle utilise deux valves auto-expandables, est d’obstruer l’entrée de ces artères ou de les rendre inaccessibles pour une future intervention percutanée visant à traiter une maladie coronarienne ischémique.
En cas de diamètre aortique suffisant chez ces patients jeunes, le choix de la prothèse TAVI dépend de l’anatomie globale de l’aorte, souligne la Pre Anna Sonia Petronio (Hospital Cisanello Pisa, Pise, Italie). Si le patient a encore une bonne espérance de vie, « une fois que la première prothèse TAVI est envisagée, il faut déjà se poser la question du type de prothèse TAVI à insérer lors de la seconde intervention », précise la spécialiste.
Pour conclure, le Pr Leon a souligné la nécessité d’avoir davantage de données sur la procédure valve-in-valve par superposition de prothèses TAVI. « Nous parlons du TAVI-in-TAV comme s’il s’agissait d’une procédure validée. Or, elle ne l’est pas. Nous avons encore peu d’expérience dans ce domaine, les cas sont peu nombreux et la plupart font l’objet d’études rétrospectives ».
« Il nous faut comprendre avant tout quel est le meilleur moyen de réaliser un TAVI-in-TAV. Ce n’est clairement pas pour tous les patients », poursuit le cardiologue, qui a précisé qu’une étude prospective portant sur 200 patients est actuellement menée pour évaluer cette approche. L’objectif est notamment de déterminer ses performances en fonction des critères anatomiques apportés par le CT-Scan.
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Crédit image de Une : Dreamtime
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Citer cet article: TAVI avant 75 ans : envisager un futur TAVI-in-TAV - Medscape - 12 sept 2022.
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