Genève, Suisse – Dans un entretien donné au think tank Terra Nova, Antoine Flahault, professeur de santé publique et directeur de l’Institut de santé globale (Université de Genève), dresse un bilan des stratégies adoptées face à la pandémie de Covid-19 et trace des perspectives d’avenir. [1]
Pendant les deux premières vagues épidémiques, les approches les plus performantes ont été sans conteste celles dites de « suppression », adoptées au Danemark, en Norvège, au Japon, en Corée du Sud, et celles dites « d’élimination » (Australie, Nouvelle Zélande, Chine, Taïwan, Singapour). Pour mémoire, les premières visent à contenir la circulation virale au niveau le plus bas possible, les secondes à l’amener à un niveau proche de zéro. Par la suite, les vaccins ont changé la donne : dans les pays développés, des campagnes dynamiques ont permis de desserrer fortement les contraintes imposées aux populations. Actuellement la question se pose de savoir s’il faut opter entre une stratégie « zéro covid », difficilement acceptable dans les pays démocratiques, ou une stratégie de « vivre avec » ayant pour but de maintenir le plus bas possible les hospitalisations et les décès.
C’est cette dernière qui est mise en œuvre en France. Mais la conséquence en est que sur les huit premiers mois de 2022, chacune des trois vagues épidémiques s’est traduite par 10 000 décès supplémentaires. Le bilan sera donc vraisemblablement proche de celui de 2020 (60 000 décès dus à la pandémie) et 2021 (60 000 décès également).
Aménagements architecturaux et recommandations à la population
Pour Antoine Flahault, il existe une troisième voie, qui n’empiète pas sur les libertés publiques et est susceptible de diminuer le nombre de décès, d’hospitalisations et vraisemblablement de « covid longs », qui pour lui, menacent les progrès en espérance de vie de ces dernières décennies en favorisant plusieurs maladies chroniques (pathologies cardiaques, diabète, etc.).
Cette troisième voie part du constat que le SARS-CoV-2 se transmet essentiellement par voie aérienne (aérosols) dans des lieux fermés, ce que beaucoup d’hygiénistes hospitaliers auraient du mal à admettre. En conséquence, Antoine Flahault préconise des stratégies « volontaristes » associant l’amélioration de la qualité de l’air intérieur, des recommandations de port du masque dans des situations repérées grâce à des indicateurs sanitaires partagés, la promotion des tests en cas de symptômes, l’isolement des cas positifs, le maintien d’une forte couverture vaccinale dans la population, y compris chez les enfants, et la mise à disposition des traitements efficaces pour les patients vulnérables.
Tout cela suppose des moyens, notamment pour adapter les locaux publics, ce qui n’encourage pas les décideurs politiques, « qui ne savent pas où pourraient les entraîner les travaux qu’il conviendrait de conduire pour améliorer la qualité de l’air intérieur. » Cela implique aussi de disposer de « bons instruments de mesure de la perception des risques par la population », autrement dit de faire appel aux sciences du comportement, de la communication et à la sociologie du risque, disciplines habituellement peu sollicitées.
Enfin, reste que « la seule quasi-certitude que nous avons, c’est que de nouvelles vagues devraient déferler en Europe, dont on ne sait ni la capacité de transmissibilité et d’échappement vaccinal des souches responsables, ni leur virulence. » L’optimisme n’est donc pas de mise et il convient de rester sur nos gardes plus que jamais.
Cet article a initialement été publié sur Univadis.fr, membre du réseau Medscape
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Citer cet article: COVID-19 : entre le « vivre avec » et le « zéro covid », une troisième voie - Medscape - 8 sept 2022.
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