Paris, France – À l’exception de l’usage du préservatif, la contraception est très majoritairement féminine, ce qui pose un enjeu d’équité entre les sexes. De temps à autre, la contraception masculine soulève un intérêt médiatique, mais la recherche à son sujet piétine. L’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) propose une mise au point sur ses avancées [1]. Cette mise au point s’inscrit dans la tendance actuelle d’une plus large implication de la gente masculine dans les questions de contraception, qui s’est traduite cet été par un appel dans le journal Libération signé par des hommes visant à inciter les pouvoirs publics et les laboratoires à avancer sur le sujet de la contraception masculine en France (voir encadré).
Agir sur la production des spermatozoïdes
L’objectif est de produire un moyen contraceptif ayant des propriétés équivalentes à celles de la pilule féminine : capable de neutraliser tous les spermatozoïdes, facile à prendre, d’efficacité réversible et avec des effets secondaires admissibles.
Une première approche consiste à administrer des hormones synthétiques (en général progestatives) afin de faire baisser le taux de testostérone testiculaire pour diminuer, voire annuler, la production de spermatozoïdes. Elle a été testée dans huit essais cliniques auprès de 2 000 volontaires. Les résultats ont montré une efficacité semblable à celle des contraceptifs féminins, réversible, et avec peu d’effets secondaires. Cependant, cette efficacité n’apparaît qu’après plusieurs mois de traitement et ne disparaît que longtemps après sa cessation, ce qui constitue un inconvénient majeur. De plus, l’administration ne s’effectue que par voie injectable. Un essai clinique est en cours pour tester cette approche contraceptive sous forme de gel. La voie orale, elle, s’est avérée associée à une toxicité hépatique.
Ou sur leur mobilité
Une seconde approche consiste à agir sur la mobilité des spermatozoïdes. Elle consiste à administrer un produit bloquant les cellules musculaires des canaux déférents (ou spermiductes) qui sont normalement en charge de la progression des spermatozoïdes depuis les testicules vers la prostate. L’effet contraceptif est obtenu en quelques heures. Mais les essais n’ont été effectués que chez le rat.
Une troisième approche met à profit les propriétés contraceptives non hormonales de certains produits naturels :
Le gossypol (issu d’une plante cotonneuse poussant en Chine) a réduit la production, la mobilité et la forme des spermatozoïdes chez plus de 8 000 participants dans un essai de phase III. L’efficacité contraceptive était de 90 %, mais était irréversible dans 20 % des cas.
Le triptonide (extrait d’une plante mais synthétisable) déforme les spermatozoïdes et réduit leur mobilité. Il a une efficacité contraceptive après plusieurs semaines de traitement chez le rat et certains primates, mais il n’a pas été testé chez l’homme.
La recherche d’un contraceptif est donc laborieuse, freinée par des difficultés scientifiques, mais aussi par le sous-financement, qu’explique sans doute l’incertitude quant à l’acceptabilité d’une contraception masculine par les hommes.
Appel à mobilisation en faveur de la contraception masculine
Libération a publié le 22 août dernier un appel signé par une petite trentaine de personnalités, allant du psychiatre Christophe André à l’écrivain David Foenkinos, en passant par le journaliste Samuel Etienne, le médecin généraliste Dr Gilles Lazimi, ou l’auteur de BD, Zep. Son objectif : inciter les pouvoirs publics et les laboratoires à avancer sur le sujet de la contraception masculine en France.
Leur tribune démarre par un constat « implacable » : « bien que la contraception concerne aussi bien les hommes que les femmes, en 2022, en France, le contrôle des naissances reste encore à la charge des femmes ». Et d’énumérer les alternatives à la contraception féminine comme le « slip chauffant, les injections hormonales, le gel bloquant… », lesquels à l’étude « depuis des décennies » écrivent-ils, seraient encore à leurs «balbutiements», en raison de la « frilosité du monde politique et de l’industrie pharmaceutique ». Idem pour la vasectomie, très peu usitée de ce côté-ci de l’Atlantique. Sans parler de l’arlésienne : la pilule pour homme, promise « depuis plus de quarante ans » mais jamais arrivée. Résultat : « bien des hommes hétérosexuels continuent de se reposer sur leurs partenaires », or, considèrent-ils, « il est de leur responsabilité de se saisir de cette question cruciale pour l’égalité entre les genres. C’est aussi celle de la société toute entière ».
Face à l’inertie des politiques, les signataires réclament aux nouveaux ministres concernés, soit François Braun (à la Santé), Isabelle Rome (à l’Egalité), ainsi qu’aux parlementaires « que soit mise en place une véritable politique de la contraception masculine en France » car, selon eux, « l’égalité femmes-hommes ne sera réelle en matière de santé sexuelle que lorsque les hommes prendront leur part en matière de contraception ». Leur appel s’accompagne d’une pétition intitulée Appel à développer la contraception masculine : arrêtez de vous dorer la pilule! qui a été signée à ce jour par 31 000 personnes (hommes et femmes confondus). SL
Cet article a initialement été publié sur Univadis.fr, membre du réseau Medscape; Complété par Stéphanie Lavaud.
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Citer cet article: Pilule masculine : pour quand ? - Medscape - 12 sept 2022.
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