Silver Spring, Etats-Unis – Efficaces, les antidépresseurs ? La plupart des études concluent en effet à une légère amélioration des symptômes des patients en comparaison avec un placebo. Mais que cache cette amélioration en moyenne ? Tous les patients atteints de dépression tirent-ils un léger bénéfice à la prise d'un antidépresseur ou bien peu de patients ont-ils une très bonne réponse thérapeutique tandis que la majorité présente peu ou pas de réponse au traitement ?
Pour répondre à ces questions, Marc Stone, directeur adjoint du centre d'évaluation des médicaments de la FDA et des universitaires spécialistes des médicaments et de l'effet placebo, ont repris les données de 232 essais cliniques contrôlés randomisés menés aux Etats-Unis sur les antidépresseurs donnés en monothérapie entre 1979 et 2016, totalisant 73 388 participants, adultes et enfants.
Leur conclusion, détaillée dans le BMJ[1] : seuls 15 % des participants aux essais cliniques bénéficient réellement des antidépresseurs en comparaison avec le placebo. Autrement dit, pour 85 % des participants aux essais cliniques qui évaluent l'effet d'un antidépresseur en monothérapie en comparaison avec un placebo, le médicament ne fait pas mieux que le placebo.
Et, si l’étude montre que la différence d’efficacité est plus marquée chez les femmes, la gravité de la dépression et le jeune âge, on ne sait pas prédire à l'avance qui répondra bien au traitement médicamenteux.
En pratique, les auteurs recommandent de changer d’antidépresseur lorsque le premier ne fonctionne pas et ajoutent : « comme les avantages et les risques peuvent être catégoriquement différents (par exemple, moins de sentiment de tristesse contre anorgasmie), l’apport du traitement doit être évalué au niveau individuel entre les patients et les médecins ».
Un écart avec la vraie vie
« La question posée est une question qu'on se pose depuis des dizaines d'années. Cet article nous apprend qu'il y a 15 % de supers répondeurs dans les essais cliniques », indique le Dr Guillaume Fond , psychiatre à l’AP-HM et enseignant-chercheur à la faculté de médecine de La Timone à Marseille. Mais dans la vraie vie, cette proportion de patients bénéficiant d'une prescription d'antidépresseur est a priori plus faible.
« Dans les études on sélectionne strictement les patients. Sont exclus par exemple ceux présentant un risque suicidaire, une maladie chronique ou ceux n'ayant pas de domicile fixe. Les participants aux essais cliniques ont donc les ressources pour s'améliorer », rappelle-t-il.
Peu de différence avec le placebo
Dans cette analyse, la sévérité des participants et l'efficacité de la prise en charge thérapeutique étaient évaluées grâce à l'échelle de dépression de Hamilton (HAMD17). Les résultats confirment une conclusion souvent rapportée dans d'autres travaux : l'effet des antidépresseurs est minime en comparaison au placebo dans la mesure où la différence n'était que de 1,75 points sur 52 (IC 95% [1,63 – 1,86]) en faveur du médicament. De fait, l'amélioration avec l'antidépresseur était de 12 points, contre 10 points avec la placebo.
Les investigateurs ont constaté par ailleurs que plus la dépression était sévère, plus l'antidépresseur mais aussi le placebo étaient efficaces. Toutefois par rapport au placebo, l’effet du traitement augmentait avec la sévérité de la dépression, ce qui « prouve qu'il y a un phénomène actif du côté des traitements, même faible », rappelle Guillaume Fond.
Trois types de réponses
Les chercheurs ont aussi mis en évidence que les participants se répartissaient selon trois profils de réponse : réponse importante, réponse non-spécifique et réponse minimale, avec une amélioration moyenne à la fin du traitement par rapport à l'entrée dans l'étude de respectivement 16, 8,9 et 1,7 points.
Ceux qui prenaient un antidépresseur étaient plus susceptibles de présenter une réponse importante : ils étaient 24,5% dans le groupe antidépresseur contre 9,6% dans le groupe placebo. Les auteurs concluent d'après ces chiffres qu'environ 15 % des participants traités présentent une réponse importante au médicament qu'ils n'auraient pas eu autrement.
Ils écrivent aussi que si on prescrivait un antidépresseur à chaque patient diagnostiqué dépressif il faudrait qu'environ 7 personnes soient traitées, et donc exposées aux effets indésirables sans bénéfice thérapeutique, avant qu'une personne puisse en effet avoir des effets positifs de son traitement.
D'autres prises en charge ?
Une question fondamentale est posée avec cette étude : pourquoi observe-t-on une réponse avec le placebo ? Pour Guillaume Fond, « l'hétérogénéité de la dépression est telle que certains patients ne répondent à rien, et d'autres à tout, y compris le placebo ». Le psychiatre marseillais indique d'ailleurs que des études ont prouvé l'efficacité de la luminothérapie, des omégas 3 ou encore des probiotiques ou des folates dans la dépression, ce qui d'après lui prouve l'implication de différentes cascades physiologiques.
« On va prescrire un antidépresseur avec un certain mode d'action. Si on tombe juste, il y aura une bonne réponse, ce qui explique d'ailleurs pourquoi les tricycliques qui ont une action plus large au niveau des récepteurs sont considérés comme les plus efficaces dans cette étude », explique-t-il.
« Mais il peut aussi y avoir une réponse minimale ou une absence de réponse avec des effets secondaires importants », poursuit-il. Guillaume Fond plaide pour une prise en charge ne reposant pas seulement sur les médicaments mais aussi sur l'alimentation et l'activité physique.
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Crédit de Une : Dreamstime
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Citer cet article: Antidépresseurs : seuls 15% de bons répondeurs, selon une vaste méta-analyse - Medscape - 7 sept 2022.
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