Perdre plus de poids en ne mangeant pas le soir : une nouvelle étude en faveur du jeûne intermittent 

Dr Jürgen Sartorius

Auteurs et déclarations

5 septembre 2022

Berlin, Allemagne Le jeûne intermittent est-il efficace pour maigrir ?

Plusieurs études ont suggéré que restreindre le temps accordé pour s’alimenter – c’est-à-dire le nombre d’heures pendant lesquelles la personne est autorisée à se nourrir pendant la journée – peut diminuer sensiblement le poids de 1 à 4%, même sans réduire l’apport de calories. Toutefois, certains travaux ont rapporté des résultats discordants.

Une étude randomisée, publiée dans le JAMA Internal Medicine[1] apporte de nouvelles preuves de l'efficacité de cette stratégie.

Elle montre un effet bénéfique sur le poids et la pression artérielle diastolique lorsque les participants ne peuvent manger qu’entre 7 heures et 15 heures.

Même l'humeur est améliorée par rapport à ceux qui, dans l'étude, pratiquent une forme de jeûne relatif mais sans tenir compte de l’heure de la journée.

Reste que cette étude, comme les autres réalisées auparavant, a plusieurs limites : elle n'a duré que 14 semaines, elle n’a inclus que 90 participants. Aussi, elle n'a pas montré de bénéfices certains en termes de perte de masse graisseuse.

Quel rationnel ?

« Alors qu'autrefois les gens ne se nourrissaient qu'au gré de la chasse ou de la cueillette, une grande partie de la population consomme aujourd'hui des aliments pendant plus de 14 heures par jour », explique le Pr Stephan Martin, directeur du Westdeutschen Diabetes- und Gesundheitszentrum (WDGZ) à Düsseldorf.

 
Alors qu'autrefois les gens ne se nourrissaient qu'au gré de la chasse ou de la cueillette, une grande partie de la population consomme aujourd'hui des aliments pendant plus de 14 heures par jour. Pr Stephan Martin
 

« La stratégie d'une régulation du poids corporel par la limitation des heures de repas est donc intéressante, même si les études scientifiques à ce sujet n'étaient pas très convaincantes jusqu'ici. »

Dans cette nouvelle étude, tous les participants (80% de femmes) étaient obèses, avec un IMC moyen de 39,6. Ils étaient relativement jeunes (âge moyen : 43 ans) car les personnes souffrant de diabète ou d’autres maladies graves ou chroniques étaient exclues.

Seul un participant sur six réussit à atteindre les critères d'inclusion

Il leur a été demandé de suivre un régime hypocalorique (500 kcal inférieur à leurs besoins énergétiques calculés sur base individuelle) et de pratiquer une activité physique pendant 75 à 150 minutes par semaine, en fonction de leurs habitudes et de leur résistance.

Sur plus de 600 personnes au départ, seules 90 ont satisfait aux exigences de départ. Elles ont été randomisées en deux groupes :

  • 45 personnes se sont engagées à suivre un jeûne intermittent 6 jours par semaine, en ne mangeant ces jours-là qu'entre 7 heures et 15 heures (early time restricted eating = eTRE),

  • les 45 autres personnes n'étaient soumises à aucune restriction horaire (groupe contrôle).

La randomisation a été effectuée par appariement en fonction du sexe, de l'ethnie, de l'IMC et de diverses valeurs métaboliques afin d'obtenir deux groupes comparables. L'ensemble des données a été recueilli par la Weight Loss Medicine Clinic de l'Université d'Alabama, aux États-Unis. Les deux critères d'évaluation primaires étaient la perte de poids et de graisse, et les critères d'évaluation secondaires comprenaient la pression artérielle, les taux de glucose, d'insuline et de lipides plasmatiques, ainsi que l'humeur.

« Dans cette étude, la différence entre les deux groupes s’élevait à près de 5 heures, ce qui est nettement plus important que dans une étude publiée récemment en Chine », note Stephan Martin. « C'est probablement pour cette raison que l'on constate ici une perte de poids significativement plus élevée pour un même apport calorique. »

Après 14 semaines, les participants du groupe eTRE ont perdu 6,3 kg en moyenne (IC 95% : 5,2 - 7,4 kg), soit une différence significative de 2,3 kg par rapport à ceux du groupe contrôle (4,0 kg; IC 95% : 2,9 - 5,1 kg).

La perte de masse grasse et le rapport perte de masse grasse/perte de poids corporel n'ont toutefois pas diminué de manière significativement plus importante que dans le groupe témoin. Les effets observés dans le groupe eTRE ont été calculés comme équivalent globalement à une réduction supplémentaire de 214 kcal/j.

« Ces données peuvent être considérées comme une preuve que le jeûne intermittent, pour un apport énergétique comparable, augmente la perte de poids », estime Stephan Martin, car d'autres études confirment que l'obésité n'est pas nécessairement causée par un apport calorique trop élevé.

Par ailleurs, la pression artérielle diastolique a baissé de 4 mmHg dans le groupe eTRE par rapport au groupe contrôle (-5 contre -1 mmHg). Quant à l'humeur, évaluée à partir de la fatigue « subjective », de l'énergie apparente et de la lassitude éventuel des participants, elle s'est avérée meilleure dans le groupe eTRE.

Les autres critères d'évaluation secondaires, tels que les facteurs de risques cardiaques et métaboliques, la qualité du sommeil et la pression artérielle systolique, n'ont pas été modifiés de manière significative par la limitation de la période autorisée pour s’alimenter mais, dans l’ensemble, ils tendaient vers une amélioration.

Les auteurs réunis autour du Dr Humaira Jamshed (Université de Birmingham, en Alabama) considèrent leur étude comme une première étape prometteuse pour étayer la thèse selon laquelle le jeûne intermittent apporterait un bénéfice supplémentaire sur la perte de poids. Ils souhaitent mettre en place d'autres études, avec davantage de participants et des périodes d'observation plus longues.

L’insulinémie pourrait avoir une importance décisive pour expliquer les résultats observés.

« Il est intéressant de noter la baisse significative des taux basaux d'insuline dans le groupe eTRE, alors que c’est nettement moins le cas dans le groupe contrôle », souligne Stephan Martin. « Ce serait donc plutôt la production d'insuline qui est à considérer comme un facteur important de la régulation du poids », rappelant qu’en plus de son effet réducteur sur la glycémie, l'insuline bloque la lipolyse et favorise la lipogenèse.

« Étant donné que ce n'est pas seulement le sucre de table qui augmente le taux d'insuline mais également toute forme de féculent tels que les pommes de terre, le pain, les pâtes et le riz, la combinaison d’une faible teneur en glucides et d’un jeûne intermittent entraîne peut-être une perte de poids encore plus importante », conclut Stephan Martin. « À l'époque des chasseurs-cueilleurs, il n'existait probablement pas de repas à base de féculents. » 

 

Cet article est une traduction/adaptation par Claude Leroy d'un article de Jürgen Sartorius publié initialement sur Medscape et intitulé Stärker Abnehmen ohne Abendessen: Intermittierendes eTRE-Fasten schneidet in Vergleichsstudie besser ab

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