Barcelone, Espagne – Chez la femme, le remplacement valvulaire aortique par transcathéter (TAVR/TAVI) a d’ores et déjà pris une place prépondérante par rapport au remplacement valvulaire chirurgical (SAVR).
Lors d’un grand débat qui s’est tenu au congrès de l’ESC , co-présidé par le Pr Alec Vahanian (Service de Cardiologie, Hôpital Bichât, Paris), trois intervenantes (certains y verront un clin d’œil malicieux !) ont expliqué les différences anatomiques, physiologiques du « rétrécissement aortique (RA) féminin » [1].
Spécificités du RA chez les femmes
Pour commencer, Marie-Annick Clavel (University Institute of Cardiology and Respirology of Quebec (IUCPQ) - Québec, Canada) a décrit les spécificités du RA chez les femmes et les raisons du choix du TAVR. « Les femmes sont plus âgées, viennent plus tardivement, donc le RA a évolué depuis plus longtemps, avec les conséquences sous-jacentes que cela suppose, une hypertrophie ventriculaire gauche concentrique et l’apparition d’une fibrose myocardique importante », explique la cardiologue.
Ces modifications myocardiques sont responsables d’une discordance paradoxale du gradient et de la surface valvulaire (Paradoxal Low Flow gradient) facteur opératoire péjoratif. « Les complications post opératoires chez la femme sont moins importantes lors du TAVR comparées au SAVR. Le Paradoxal low flow gradient a un rôle péjoratif moindre en cas de TAVR », considère la Dr Clavel citant un travail personnel, objet d’un poster publié au congrès.
Autre différence, l’anneau aortique est souvent de petite taille provoquant une mauvaise confluence de la valve implantée au cours de la chirurgie avec un risque hémodynamique de mauvais pronostic à court et long termes. Ce mismatch opératoire est moins fréquent au cours du TAVR, la taille de la valve implantée plus grande lors du TAVR pourrait être une des explications. « Après chirurgie, la prévalence du mismatch est de 10 à 20%, alors qu’après TAVR, elle n’est que de 1% » rapporte l’oratrice.
Enfin, les valves aortiques sont fibreuses, moins calcifiées que chez l’homme, et les risques de fuite aortique post opératoire et d’implantation de stimulateur sont moins fréquents chez elles.
« Ces particularités expliqueraient le meilleur pronostic à court et moyen terme du remplacement valvulaire par TAVR chez les femmes comparativement à celui des hommes », mentionne M-A Clavel. [2,3]
Avantage au TAVR
Comparant TAVR et SAVR chez les femmes, l’avantage reste au TAVR. Chez les femmes à très haut risque, les registres rapportent une mortalité moindre. Dans PARTNER I, [4] la mortalité toutes causes, y compris opératoire à 2 ans est de 28% pour le TAVR contre 32% pour le SAVR [4]. Résultats du même ordre dans Corevalve[5] à 12 mois : 12% vs 22% respectivement pour le TAVR et SAVR [5].
« Il n’y a pas de d’étude randomisée comparant chez les femmes TAVR et SAVR mais l’étude de Panoulas regroupant plusieurs études des deux sexes après TAVR et SAVR, montre que la mortalité des femmes après TAVR est de 26 à 31% plus faible qu’après SAVR » [6].
Pour la Dr M-A Clavel : « il existe des différences anatomiques et physiologiques liées au sexe dans le RA qui peuvent contribuer à l’évolution différente après remplacement valvulaire. Comparé au SAVR, le TAVR chez les femmes est associé à moins de complications post opératoires. De surcroît, chez les femmes le TAVR comparé au SAVR montre un bénéfice significatif à moyen terme ».
Prévoir le risque de mismatch
La Dr Sabine Bleiziffer (Heart and Diabetes Center NRW - Bad Oeynhausen, Allemagne) a pris le contrepied tout en reconnaissant que le TAVR – avec lequel les complications post-opératoires sont moins importantes – est le remplacement valvulaire le plus utilisé chez la femme.
Dans le registre allemand GARY portant sur une période de 5 ans, le TAVR est réalisé chez 55% des femmes tandis que la proportion de SAVR était de 46% [7].
Elle fait cependant remarquer que dans l’essai SURTAVI, mais aussi dans autres études, où sont comparées, sans randomisation, les deux procédures chez les femmes, le TAVR n’a pas montré de bénéfice chez les patientes ayant un risque intermédiaire [8].
Elle revient sur la question du mismatch très préjudiciable au pronostic post opératoire et précise que les valves de 19 mm ne devraient plus être utilisées.
S. Bleiziffer, à la fois chirurgienne cardiaque et qui réalise des TAVR précise : « dans les cas où l’anneau est petit, l’élargissement est parfois une solution de repli. Cependant, il est important d’avoir étudié en préopératoire la taille de l’anneau aortique afin de prévoir le risque de mismatch post SAVR plus fréquent chez la femme et responsable de complications post opératoires ». L’impact du mismatch serait moins important au cours du TAVR mais cela pourrait n’être qu’un élément parmi d’autres expliquant les meilleurs résultats post-opératoires du TAVR, ajoute-t-elle.
Chez les patientes ayant un risque élevé de mismatch (surface valvulaire aortique <0,65cm²/m²), le TAVR doit être préférée au SAVR, selon les recommandations européennes.
La chirurgienne cardiaque a pourtant fait remarquer que la fin de l’histoire n’est pas écrite.
« Il existe des incertitudes concernant le long terme, la courbe favorisant le TAVR semble s’infléchir à partir de deux années post procédure selon une méta analyse incluant 7 essais randomisés et 7770 patientes ». [9]
La décision de remplacement valvulaire en faveur du TAVR doit être discutée au sein de la Heart Team prenant en compte l’âge, l’espérance de vie, la possibilité de grossesses, l’anatomie valvulaire, la voie d’abord vasculaire, les complications vasculaires (accidents vasculaires cérébraux notamment) et le devenir des TAVR que l’on ne connaît pas. Il doit s’agir d’une décision collégiale dans laquelle la patiente prendra part. Heureusement, conclut-elle, des essais randomisés sont en cours, souhaitons qu’ils apportent des solutions (SMART, RHEIA).
Quelle valve choisir ?
Julia Mascherbauer (University Hospital St. Polten - St. Polten, Autriche) s’est lancée dans une discussion essentiellement orientée vers l’âge de la patiente et le futur des valves implantées. Le choix de la valve est évidemment débattu chez la femme en âge de procréer au sujet de la prise ou non d’anticoagulants.
La Dr Mascherbauer a rapporté un cas personnel faisant état d’une de ses patientes – pourtant incluse dans un protocole de remplacement valvulaire aortique – qui a reçu récemment une valve de 19mm lors d’un SAVR sans amélioration du gradient post opératoire…
S. Bleiziffer précise que dans son service l’utilisation de ces valves de 19mm est bannie. « Il arrive aussi que dans certains hôpitaux, ces petites valves soient définitivement proscrites !»
La question du type d’intervention chez les femmes de petit gabarit quant à elle, reste entière.
Répondant à une énième question concernant le type de valve et d’intervention chez la femme jeune [ce qui ne doit pas s’avérer très fréquent mis à part les bicuspidies], M- A. Clavel a surpris l’assemblée avec une proposition inattendue :
« l’opération de Ross [remplacement de la valve aortique par autogreffe avec la valve pulmonaire] pourrait être une solution chez les femmes jeunes en âge de procréer. Cette dernière étant remplacée par une valve biologique. »
Pour finir sur une note optimiste, elle a ajouté qu’« il est possible que l’on trouve une solution pour ralentir la progression de la sténose valvulaire » sans apporter plus de précisions.
bien au-delà du choix de la technique et de la valve, le problème essentiel est d’amener la patiente à la consultation et au traitement
En clôture de ce grand débat, le Pr Alec Vahanian a conclu : « bien au-delà du choix de la technique et de la valve, le problème essentiel est d’amener la patiente à la consultation et au traitement – qui reste la principale difficulté inhérente aux maladies cardiaques chez la femme. C’est la première bataille à gagner, insiste-t-il, et il y a encore du chemin à parcourir pour y arriver.»
M-A Clavel a déclaré des honoraires de Edwards Lifesciences, Medtronic.
S. Bleiziffer a déclaré des honoraires d’oratrice pour Abott, Edwards et Boston Scientific.
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Couverture de l’ European Society of Cardiology (ESC) Congress 2022
Crédit image de Une : Dreamtime
Actualités Medscape © 2022
Citer cet article: Rétrécissement aortique sévère : le remplacement valvulaire est-il genré ? - Medscape - 2 sept 2022.
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