Hausse du coût des études de médecine : quelles solutions ?

Jacques Cofard

Auteurs et déclarations

31 août 2022

Yael Thomas

France — Pour la sixième année consécutive, l’Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf) publie son indicateur du coût de la rentrée 2022, qui fait apparaitre une explosion des charges des études de médecine : +17,28% pour les Pass avec tutorat, +27,70% pour les Pass avec organisme privé, +13,66% pour les Las avec tutorat, +14,21% pour les Las avec tutorat et organisme privée. Yael Thomas, président de l’Anemf, propose des solutions pour pallier cette hausse dramatique du coût des études de médecine.

Medscape édition française : Quelles sont les nouveautés de votre nouvel indicateur 2022 du coût de la rentrée ?

Yael Thomas : Sur la question de l'augmentation du cout de la rentrée pour les Pass et les Las, on observe une hausse drastique des frais liés aux prépas privées. À ce titre, l'augmentation cette année est réellement énorme.  Parallèlement, nous constatons une augmentation du coût du matériel pédagogique, basé sur l'indicateur du coût de la rentrée de la Fédération des Associations Générales Etudiantes (Fage), qui est de 12%. Pour les étudiants en médecine, spécifiquement, il faut rajouter les coûts des prépas privées.

Pour l'entrée en deuxième cycle, on constate une augmentation de + 3,94%. Est-elle comparable à l'augmentation de l'an dernier ?

Yael Thomas : L'an dernier, nous étions à +1,12%. Cette augmentation plus importante cette année est due à l'inflation, alors que les salaires et les bourses ne suivent pas forcément une ascension aussi rapide. Par ailleurs, dès cette année, nous commençons par prendre en compte les préparations privées aux épreuves écrites dématérialisées nationales (EDN) et aux examens cliniques objectifs structurés (ECOS) qui se développent de manière fulgurante grâce à la réforme du second cycle. Dès l'an prochain, nous pourrons faire un comparatif de l'augmentation de ces prépas, mais nous sommes quasiment sûrs qu'elles vont augmenter.

Pensez-vous que les tutorats sont suffisamment soutenus par les pouvoirs publics, en particulier les universités ?

Yael Thomas : À l'Anemf, nous accompagnons, soutenons et coordonnons les tutorats. La grande majorité de ces tutorats d'ailleurs adhère à l'Anemf. Mais nous constatons également que les universités ne soutiennent pas assez ces tutorats, notamment au niveau financier. Il faudrait que les universités accompagnent mieux les tutorats notamment en offrant des locaux ce qui n'est pas toujours le cas. Au-delà des universités, nous aimerions aussi recevoir un soutien du ministère de l'Éducation nationale, et des rectorats pour que nous ayons des missions d'orientation réalisées par le rectorat. Il faudrait que dès le lycée, les tutorats puissent communiquer et valoriser l'accompagnement qu'ils offrent, pour éviter que les lycéens qui vont ensuite en fac de médecine ne s'inscrivent dans des prépas privées.

Malgré ces difficultés avez-vous noté ces dernières années un développement des tutorats ?

Yael Thomas :  Oui, bien sûr. Les tutorats se sont énormément développés, même si la pandémie du Covid a engendré une baisse de leur activité. Mais en même temps, durant cette période, ils ont réussi à s'adapter en développant par exemple des outils numériques pour continuer d'accompagner les étudiants en deuxième année. Ils ont ainsi gagné en expertise et en professionnalisme. L'enjeu, maintenant, c'est de développer des tutorats pour les étudiants en deuxième et troisième année, et la préparation du concours de l'internat.

Autre poste de dépense important, les référentiels. Vous prônez actuellement la mise à disposition gratuite de ces référentiels en version numérique. Est-ce que certains de ces référentiels sont déjà accessibles gratuitement ?

Yael Thomas : Il y a actuellement un référentiel par collège d'enseignants et il n'y a que deux ou trois collèges qui le proposent gratuitement en version numérique, sur une quarantaine de collèges. Ce n'est évidemment pas suffisant.

Avez-vous eu des échanges avec les doyens sur ce sujet ?

Yael Thomas : Bien sûr mais les doyens n'ont pas la main sur ces collèges. Ces collèges sont indépendants et qui plus est, ils sont souvent liés avec des éditeurs privés qui les empêchent de mettre ces référentiels en ligne gratuitement. Ce sont surtout les éditeurs privés que nous dénonçons.

De la même manière vous avez tenté de faire baisser le coût des livres en médecine en leur appliquant le barème des libres scolaires. Qu'en est-il ?

Yael Thomas : Actuellement il y a un barrage des éditeurs privés et nous ne savons pas trop comment débloquer ce dossier.

Le salaire des externes s'élève à 216 euros nets mensuels, pour des charges mensuelles de l'ordre de 1006 euros en région et de 1226 euros en Ile-de-France. Vous demandez une nouvelle négociation du salaire horaire pour le faire passer à 3,90 euros par heure. Pensez-vous que ce soit possible, étant donné que vous avez déjà connu une hausse importante de ce salaire fin 2020 ?

Yael Thomas : Le salaire des étudiants en quatrième année a en effet été augmenté de 100 euros par mois, mais concomitamment la réforme des aides personnalisées au logement (APL) nous a fait perdre 100 euros par mois. C'est donc une hausse de salaire nulle. Nous sommes donc totalement légitimes de demander de nouveau une négociation sur les salaires et nous avons abordé le sujet avec le ministre de la Santé que nous avons rencontré début août. Nous demandons donc un salaire équivalent aux périodes de stage des autres étudiants en second cycle.

Autre problème récurrent : la prise en charge des frais liés au service sanitaire (logements, restauration). On a l'impression que le dossier n'avance pas et que vous réclamez chaque année ce qui vous est dû ?

Yael Thomas : Les études de médecine ne sont pas assez considérées ou sont vues de manière biaisée. Certains considèrent encore que les étudiants en médecine ne sont pas précaires. Pourtant, nous recevons des messages désespérés d'étudiants qui sont à découvert de plusieurs centaines d'euros dès le 5 du mois... Quand nous demandons des actions pour lutter contre cette précarité, les responsables tergiversent... Même lorsqu'il existe un cadre légal pour bénéficier d'aides, comme lors de la réalisation du service sanitaire, l'exécution est très compliquée, très bureaucratique...

 
Nous recevons des messages désespérés d'étudiants qui sont à découvert de plusieurs centaines d'euros dès le 5 du mois... Yael Thomas
 

Les étudiants en médecine sont touchés par la hausse de l'inflation, qui n'est pas abordée de manière directe dans votre dossier. Pourquoi ?

Yael Thomas : Nous ne demandons pas d'aide ponctuelle pour lutter contre l'inflation, nous demandons une réforme systémique pour mettre fin à la précarité des étudiants en médecine.

Vous faite une série de propositions. Quelles sont celles qu'il faut retenir en priorité ?

Yael Thomas : L'augmentation des salaires des externes. Nous demandons aussi une indemnité de transport calquée sur la grille kilométrique des agents de service public. Nous demandons également un accompagnement plus important du tutorat à la fois par les acteurs de l'enseignement secondaire et de l'enseignement supérieur.

 

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