ADVOR : avancée notable dans l’IC congestive aiguë

Aude Lecrubier

Auteurs et déclarations

29 août 2022

Barcelone, Espagne — Chez les patients souffrant d'insuffisance cardiaque aiguë décompensée, l'acétazolamide ajouté aux diurétiques de l'anse en IV diminue la fortement et rapidement la congestion, selon l’étude ADVOR présentée en session Hot Line au Congrès ESC 2022 .[1] et publiée simultanément dans le NEJM .

« Cet essai académique, qui a inclus des patients qui ressemblent à ceux que l’on voit dans la vraie vie, répond à une question de pratique quotidienne à l’hôpital. Il devrait avoir un impact sur la pratique et sur les prochaines recommandations dans l’insuffisance cardiaque. Même si l’étude est assez modeste, elle est positive. Rappelons que dans l’insuffisance cardiaque aiguë congestive, il n’y a eu aucun progrès thérapeutique au cours des trois dernières décennies. Seule l’étude DOSE a mené à des avancées thérapeutiques il y a une dizaine d’années», a commenté le Pr Damien Logeart (Hôpital Lariboisière, Paris) pour Medscape édition française.

 
Cet essai académique, qui a inclus des patients qui ressemblent à ceux que l’on voit dans la vraie vie, répond à une question de pratique quotidienne à l’hôpital. Pr Damien Logeart
 

Les recommandations actuelles sur la prise en charge des patients souffrant d'une insuffisance cardiaque aiguë congestive doivent beaucoup à l'essai DOSE publié en 2011 qui a montré les avantages d’une administration séquentielle, de furosémide à forte dose. Mais, de nombreux patients présentent encore une congestion résiduelle après traitement, ce qui est un facteur de mauvais pronostic.

L'acétazolamide est un médicament utilisé depuis des décennies dans la prise en charge des alcaloses métaboliques, des hypertonies oculaires, du mal des montagnes, et des œdèmes post-traumatiques et post-opératoires. Jusqu’ici, cet inhibiteur de l'anhydrase carbonique qui réduit, la réabsorption tubulaire proximale du sodium, n’avait jamais été testé dans l’IC.

En l’évaluant dans l’IC aiguë, l’hypothèse des chercheurs était qu’en agissant au niveau de différents segments du néphron, l'acétazolamide et les diurétiques de l'anse comme le furosémide pourraient potentiellement avoir des effets complémentaires.

Dans l’étude ADVOR, le Pr Wilfried Mullens (hôpital Oost-Limburg, Genk, Belgique) et coll. ont donc cherché à savoir si l'ajout d'acétazolamide aux diurétiques de l'anse par voie intraveineuse améliorait la décongestion chez les patients souffrant d'insuffisance cardiaque aiguë décompensée.

L'étude a porté sur 519 adultes hospitalisés pour insuffisance cardiaque aiguë décompensée dans 27 centres en Belgique.

L'âge moyen était de 78 ans et 63 % étaient des hommes. Les patients présentaient au moins un signe clinique de surcharge volumique (ascite, épanchement pleural ou œdème), des taux élevés de peptide natriurétique et prenaient des diurétiques oraux depuis au moins un mois.

Les patients ont été randomisés entre acétazolamide intraveineux (500 mg une fois par jour) et placebo, administré en bolus lors de la randomisation et pendant les deux jours suivants ou jusqu'à ce que la décongestion soit réussie.

+ 50% de patients améliorés à 3 jours

Le critère d'évaluation principal était le succès de la décongestion, définie comme l'absence de signes cliniques de surcharge liquidienne (autres que des traces d'œdème) dans les trois jours suivant la randomisation, sans qu'il soit nécessaire d'augmenter la dose du traitement décongestionnant.

Ce bon résultat est survenue chez 108 des 256 patients (42,2%) du groupe acétazolamide et 79 des 259 patients (30,5%) du groupe placebo, soit un risque relatif (RR) de 1,46 (IC 95% : 1,17-1,82 ; p=0,0009).

« Il fallait traiter 6 patients pour obtenir la décongestion d’un patient », a précisé le Pr Mullens lors de la présentation des résultats en conférence de presse.

Concernant les critères d'évaluation secondaires, les patients du groupe acétazolamide ont eu une durée d'hospitalisation plus courte (8,8 jours en moyenne) que ceux du groupe placebo (9,9 jours en moyenne ; p=0,02). Aussi, il n'y avait pas de différence entre les groupes pour le critère composite associant la mortalité toutes causes et l'hospitalisation pour insuffisance cardiaque dans les trois mois.

« Cette étude n’avait pas pour objectif principal d’évaluer un bénéfice sur la mortalité et les ré-hospitalisations pour IC mais celui d’obtenir une décongestion avant la sortie de l’hôpital qui est souvent assez garante d’un meilleur pronostic comme l’ont montré plusieurs études exploratoires. Rappelons qu’obtenir une décongestion forte et rapide, comme ce qui est observé dans cette étude, est une recommandation forte », note le Pr Logeart qui ajoute que la tolérance avec l'acétazolamide était très bonne. « Il n’a pas été observé de désordres ioniques ou d’hypotension ».

Quid des gliflozines ?

Dans un éditorial accompagnant l’article, le Dr G. Michael Felker (Université Duke à Durham, Etats-Unis) souligne que l'étude ADVOR a « plusieurs points forts notables ». Il s'agit d'un essai multicentrique, contrôlé par placebo, « relativement important par rapport à d'autres essais testant les diurétiques chez les patients atteints d'insuffisance cardiaque, qui a évalué un point final cliniquement pertinent ».

Mais pour l’éditorialiste, l'exclusion des patients recevant des inhibiteurs du SGLT2 (au moment de l’étude les gliflozines n’étaient pas largement disponibles) est un problème pour l'application de ces résultats en pratique clinique aujourd’hui.

« Nous ne pouvons que spéculer sur l'efficacité de l'acétazolamide chez les patients traités avec des inhibiteurs du SGLT2, qui pourrait potentiellement être additive, sous-additive ou synergique », indique-t-il.

Une critique pondérée par le Pr Gabriel Steg (à lire ici) et par le Pr Logeart. « Par rapport à l’acétazolamide, les inhibiteurs de SGLT2 induisent une réabsorption du sodium plus modeste sur la partie proximale du néphron. En théorie, leurs actions pourraient donc plutôt être complémentaires », explique ce dernier.

« En conclusion, cet essai encourage l’utilisation de l’acétazolamide comme traitement peu cher, non breveté, facile d’utilisation et très efficace pour améliorer la décongestion », a souligné le Pr Mullens.

 
Cet essai encourage l’utilisation de l’acétazolamide comme traitement peu cher, non breveté, facile d’utilisation et très efficace pour améliorer la décongestion. Pr Wilfried Mullens
 

L’étude n’a pas reçu de financement de l’industrie.

 

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