Barcelone, Espagne – Alors que les investigateurs espéraient qu’un dépistage cardiovasculaire proposé à large échelle réduise la mortalité toute cause chez les hommes de plus de 65 ans, l’étude danoise DANCANVAS n’a pas atteint son critère primaire. En effet, la comparaison entre le groupe des hommes âgés de 65 à 74 ans invités à réaliser un dépistage CV complet et ceux qui n’ont pas été invités à réaliser un tel examen n’a pas montré de différence significative en termes de décès toutes causes confondues sur une période médiane de 5,6 ans.
Cependant, lorsque l'effet de l'intervention sur la mortalité a été analysé en fonction de l'âge, une diminution du risque de 11% est apparu dans la tranche des 65 / 69 ans, a rapporté Axel Diederichsen, PhD, de l’hôpital universitaire d’Odense lors la présentation présenté au congrès de l’ESC [1] ]. Les résultats ont été publiés simultanément dans le NEJM[2] .
46 526 hommes âgés de 65 à 74 ans
Entre septembre 2014 et septembre 2017, les chercheurs ont identifié tous les hommes âgés de 65 à 74 ans au sein de 15 municipalités des régions du sud et du centre du Danemark. Au total, 46 526 hommes ont été répartis au hasard dans un rapport de 1:2 entre des examens de dépistage (16 736 hommes), ou la pratique danoise habituelle de non-dépistage (groupe témoin ; 29 790 hommes). L'âge moyen était de 68,8 ans.
Le programme de dépistage et d'intervention comprenait : 1) une tomographie cardiaque et tronculaire sans contraste pour détecter un score de calcification des artères coronaires, des anévrismes aortiques et iliaques, et une fibrillation auriculaire ; 2) une pression artérielle brachiale et à la cheville dans les deux bras et les deux jambes pour diagnostiquer une maladie artérielle périphérique ; et 3) des tests sanguins pour identifier un taux de cholestérol élevé et le diabète.
Parmi les personnes invitées et non invitées, dépistées et non dépistées, plus de la moitié des participants étaient déjà sous antihypertenseurs, plus d’un tiers sous agents hypolipidémiants et plus d’un quart sous antiplaquettaires avant randomisation.
Diminution du risque de 11% chez les 65 à 69 ans
Pour ce qui est du critère primaire de décès toutes causes, la comparaison entre le groupe des hommes âgés de 65 à 74 ans invités à réaliser un dépistage CV complet et ceux qui n’ont pas été invités à réaliser un tel examen n’a pas montré de différence significative en termes de décès toutes causes confondues sur une période médiane de 5,6 ans (12,6 % contre 13,1 %, RR 0,95, [IC95 % : 0,90-1,00]).
Cependant, lorsque l'effet de l'intervention sur la mortalité a été analysé en fonction de l'âge, une diminution du risque de 11% est apparu chez ceux âgés de 65 à 69 ans (HR 0,89 ; IC95% 0,83-0,96 ; p=0,004), alors qu’aucune différence n'a été constatée chez les hommes âgés de 70 ans et plus (HR 1,01 ; IC95% 0,94-1,09 ; p=0,747).
Par ailleurs, une analyse post hoc a montré que l'intervention a réduit le critère composite comprenant les décès, les accidents vasculaires cérébraux ou l'infarctus du myocarde de 7% dans la population globale (p=0,016), avec une réduction encore plus importante de 11% chez les personnes âgées de 65 à 69 ans (p=0,007).
Du fait de cette réduction, Axel Diederichsen a considéré que les résultats obtenus « pointent assez clairement vers une cible de dépistage de moins de 70 ans » dans un communiqué de presse de l’ESC.
En termes de sécurité, aucune différence n’a été observée entre le groupe invité et le groupe contrôle, y compris sur le nombre de cancers incidents (19,8% et 20,3% des participants, respectivement). Le taux de saignements sévères a été légèrement plus élevé dans le groupe invité (6,8% et 6,3% respectivement).
Une étude discutée
Pour ce qui est des conclusions à tirer de cette étude, les avis sont partagés. Certains y voient une piste d’avenir intéressante, notamment chez les moins de 70 ans, considérant que l’étude suggère un bénéfice du dépistage complet dans cette population à condition qu’elle accepte les examens proposés. Sachant que l’une des raisons avancée par l’orateur pour expliquer que l’étude n’ait pas atteint son critère primaire tiendrait au fait que seul 62,6% du groupe invité a finalement accepté le dépistage complet.
Commentant pour Medscape édition française, le Pr Gabriel Steg considère que l’intérêt de la mortalité toutes causes comme critère de jugement d’évaluation des interventions de prévention n’est pas établi et que le choix d’un critère primaire portant sur le versant cardiovasculaire uniquement aurait été préférable pour faire apparaitre une significativité. Pour lui, l’étude montre « que chez certains malades, réaliser des explorations plus intensives apporte un bénéfice en prévention primaire sur les événements cardiovasculaires ».
« Je pense qu’il ne faut pas avoir une lecture binaire de l’étude DANCAVAS car elle donne des informations précieuses sur la façon dont on pourrait concevoir des programmes de prévention primaire pour limiter la morbi-mortalité des sujets à haut risque, ce qui est un sujet très important en cardiologie » a-t-il ajouté (lire la totalité du commentaire ici).
Très discutée entre ceux qui voient l’étude comme négative et ceux qui voient un intérêt à un dépistage de masse dans une population donnée, les résultats de l’étude ont notamment fait l’objet d’une discussion approfondie par la cardiologue Harriett Van Spall (Hamilton, Canada) lors d’une session. La cardiologue s’est, par ailleurs, étonnée du fait, qu’en cette période qui prône l’égalité homme/femme de façon générale, et en cardiologie plus spécifiquement, y compris en termes d’inclusion dans les essais, une étude puisse n’avoir inclus que la gente masculine (voir tweet ci-dessous). La pertinence de ce choix d’un recrutement unisexe n’a pas échappé non plus au Dr Martha Gulati (Cedars-Sinai, Etats-Unis) qui s’est fendue d’un tweet ironique, ni même à un certain nombre de cardiologues masculins qui ont relayé leurs commentaires.
De leur côté, la investigateurs ont justifié l’absence de femmes dans l’étude en mentionnant dans la publication : « Les données ont montré qu'il y avait moins de résultats anormaux au dépistage chez les femmes, et il a donc été décidé de mener l'essai DANCAVAS chez les hommes seulement car la probabilité d'un bénéfice semblait plus importante ».
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Citer cet article: Intérêt du dépistage CV de masse : les résultats controversés de DANCAVAS - Medscape - 30 août 2022.
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