POINT DE VUE

En direct de l'ESC 2022 : le Pr Steg commente ses coups de coeur

Aude Lecrubier

Auteurs et déclarations

30 août 2022

Barcelone, Espagne — Plusieurs études présentées lors de l’édition 2022 du prestigieux congrès de cardiologie de l’European Society of Cardiology (ESC) devraient modifier les pratiques. Le Pr Gabriel Steg (Hôpital Bichat-Claude Bernard, Université Paris-Diderot) nous livre ici sa sélection non exhaustive.

Pr Gabriel Steg : « La première étude dont je voudrais parler est l’étude TIME . Elle me parait extrêmement importante parce qu’elle traite d’un sujet quotidien. Des dizaines de millions de gens prennent des traitements antihypertenseurs dans le monde entier et nous demandent régulièrement s’il est préférable de prendre les médicaments le matin, le soir ou les deux.

L’étude espagnole HYGIA avait prétendu qu’il y avait une différence majeure en faveur du traitement antihypertenseur le soir mais pour être très franc, les résultats étaient peu crédibles.

Des collègues britanniques, sceptiques, ont refait une grande étude dont les résultats sont absolument limpides : il n’y a absolument aucune différence d’efficacité ou de sécurité des médicaments antihypertenseurs qu’on les prenne le matin ou le soir.

Il s’agit d’une bonne nouvelle car cela signifie que nous n’avons pas à nous préoccuper de cette question. Les patients peuvent prendre leurs traitements au moment qui est le plus pratique pour eux, là où ils risquent de ne pas l’oublier et où ils ont le moins d’inconfort.

L'angioplastie non supérieure au traitement médical optimal dans la cardiomyopathie ischémique

La deuxième étude qui m’a particulièrement intéressé est l’étude REVIVED-BCIS2 qui a évalué l’angioplastie coronaire en sus du traitement médical optimal versus le traitement médical seul chez des patients qui ont une insuffisance cardiaque ischémique avec une dysfonction ventriculaire gauche et de la viabilité (lire notre article).

C’est intéressant parce que chez les coronariens stables qui n’ont pas d’IC ou de dysfonction ventriculaire gauche, les études sont assez concordantes et ont montré qu’il n’y a pas de bénéfice en termes de pronostic à la revascularisation myocardique notamment par angioplastie.

Toutefois, dans l’étude ISCHEMIA , le sous-groupe des patients qui avait une dysfonction ventriculaire gauche semblait avoir un bénéfice assez net associé à la revascularisation. Ce sont des patients que l’on considère comme sévères, qui ont du myocarde ischémique et pour lesquels on pense que revascularise le myocarde ischémique, s’il est viable, va améliorer la fonction ventriculaire gauche. Donc, s’il y a au moins un groupe parmi les malades stables où on pensait qu’il y aurait un bénéfice de la vascularisation c’était celui-là.

Mais, à nouveau, c’est une étude britannique, présentée à ce congrès de l’ESC, qui créé la surprise. L’angioplastie n’apporte pas de bénéfices aux patients stables avec dysfonction de la FEVG.

Certes, l’étude est discutée car elle a des limites, notamment des difficultés de recrutement (en 7 ans, seuls 700 malades inclus au lieu de plus de 2000), un cross-over… mais, les courbes sont superposées et nous n’avons vraiment pas l’impression qu’il y a un bénéfice de la revascularisation.

Cela remet en question le rôle de la revascularisation des patients avec dysfonctionnement de la FEVG lorsqu’ils sont stables.

Si on fait le bilan, on peut dire que l’angioplastie coronaire sauve des vies dans les syndromes coronariens aigus, notamment dans l’IDM avec sus-décalage ST, et qu’elle améliore les symptômes dans la maladie coronaire stable.

Cette étude doit probablement nous amener à revoir nos indications de la revascularisation par angioplastie dans la maladie coronaire stable parce que les bénéfices sont purement symptomatiques. Nous n’avons pas réussi jusqu’ici à mettre en évidence de bénéfice pronostic.

Ce résultat doit nous faire réfléchir à restreindre assez largement les indications de la revascularisation coronaire chez les gens qui ne sont pas en situation de syndrome coronaire aigu ou en situation franchement symptomatique.

Avancée dans le traitement de l’insuffisance cardiaque aigue

La troisième étude qui a attiré mon attention est l’étude ADVOR qui s’est penchée sur un sujet très concret : comment améliorer l’efficacité du traitement diurétique dans l’IC aiguë lorsque les malades sont congestifs et qu’ils répondent mal aux diurétiques IV (lire notre article sur ADVOR).

Il s’agit d’une étude académique belge, faite par nos collègues de l’hôpital de Genk, qui a testé l’acétazolamide, le Diamox®, un antidiurétique antédiluvien, versus placebo en sus des diurétiques de l’anse chez les patients congestifs.

Les résultats sont très clairs, la décongestion est beaucoup efficace et plus rapide dans le groupe acétazolamide. Ce diurétique en intraveineuse est très efficace, il permet de raccourcir la durée de séjour hospitalier.

En revanche, il n’améliore pas le pronostic à distance et le risque de récidive et de réadmission. Mais, c’est assez logique. Ce n’est pas le traitement diurétique aigu qui va déterminer le pronostic chronique de ces malades. Mais, pour ce qui est de l’épisode aigu, dès mon retour, je vais surement ajouter de l’acétazolamide aux patients qui ne répondent pas bien au furosémide IV en phase aiguë d’insuffisance cardiaque congestive.

Patients coronariens chroniques : quel suivi ?

Une étude coréenne très intéressante a été publiée dans le NEJM questionnant les stratégies de suivi des patients coronariens chroniques.

C’est une question qui nous intéresse particulièrement en France, où une étude est en cours, coordonnée par nos collègues de la Pitié Salpêtrière , l’étude ARCACHON, qui pose la question de la meilleure stratégie entre le monitoring sur la clinique/les symptômes ou le suivi par des explorations systématiques à la recherche de l’ischémie myocardique.

L’étude coréenne a comparé en post-angioplastie coronaire, une épreuve d’’effort avec ou sans imagerie aux soins standards dans le suivi des coronariens post- stent.

Les résultats ne montrent aucune différence entre les deux groupes. Il n’est donc peut-être pas utile d’infliger des explorations non-invasives systématiques aux patients en post-revascularisation percutanée. Le suivi clinique est peut être suffisant à l’ère ou la resténose est devenue très rare et où les thromboses de stents sont absolument anecdotiques.

DANCAVAS : le dépistage CV en prévention primaire présente des avantages

Enfin, l’étude danoise de prévention primaire DANCAVAS a attiré mon attention. Les patients inclus avaient entre 65 et 74 ans et étaient de sexe masculin exclusivement (car au moment du recrutement, il s’est avéré que les femmes avaient un risque trop faible). [Lire notre article sur DANCAVAS]

Les patients ont été randomisés entre un traitement habituel ou une investigation assez agressive avec score calcique, échodoppler des membres inférieurs, échographie des carotides, bilan biologique avec l’idée d’une intervention derrière. L’idée étant que cette stratégie pourrait diminuer le risque CV et la mortalité toutes causes chez ces sujets. Le critère primaire de l’étude étant la mortalité.

Il en ressort qu’une stratégie intensive d’exploration en prévention primaire ne réduit pas la mortalité bien qu’il y ait une tendance dans le bon sens. En revanche, il y a une réduction des événements cardiovasculaires notamment des AVC et des IDM en particulier chez les patients qui ont entre 65 et 70 ans.

Cette étude est souvent présentée comme négative mais je ne pense pas qu’elle le soit. Elle montre que chez certains malades, réaliser des explorations plus intensives apporte un bénéfice en prévention primaire sur les événements cardiovasculaires plutôt que sur la mortalité.

Mais, il est très difficile de réduire la mortalité toute cause car par définition les sujets meurent de multiples causes qui ne sont pas d’origine cardiaque. Aussi, dans une population relativement jeune, les décès ne sont pas très fréquents.

Il y a d’ailleurs eu une controverses sur les réseaux sociaux ces derniers jours sur l’intérêt de la mortalité toutes causes comme critère de jugement d’évaluation des interventions de prévention. Pour ma part, je suis convaincu que c’est un mauvais critère.

Je pense qu’il ne faut pas avoir une lecture binaire de l’étude DANCAVAS car elle donne des informations précieuses sur la façon dont on pourrait concevoir des programmes de prévention primaire pour limiter la morbi-mortalité des sujets à haut risque, ce qui est un sujet très important en cardiologie.

Liens d’intérêts.

Le Pr Steg déclare les relations financières suivantes :

  • bourses de recherche (INSERM U1148) Merck, Sanofi, and Servier

  • honoraires Amarin, AstraZeneca, Bayer, Boehringer-Ingelheim, Bristol-Myers-Squibb, CSL-Behring, Daiichi-Sankyo, GlaxoSmithKline, Janssen, Lilly, Merck Novartis, Pfizer, Regeneron, Sanofi, Servier, The Medicines Company.

 

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