Barcelone, Espagne – La prise sporadique et de courte durée d'anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) est associée à la survenue d’ une première hospitalisation pour insuffisance cardiaque chez les patients atteints de diabète de type 2, selon une étude danoise présentée au Congrès ESC 2022 .[1].
« C’est un réel sujet de pratique quotidienne. Même s’il s’agit d’une étude observationnelle qui ne permet donc pas d’affirmer un lien de causalité, ce papier est extrêmement intéressant. Les AINS comptent parmi les médicaments les plus prescrits. D’ailleurs, dans cette étude, plus de 15 % des diabétiques de type 2 s’étaient vu prescrire des AINS de façon transitoire au cours de l’année pour des douleurs articulaires. Or, les chercheurs montrent que même en quelques jours, il peut se passer quelque chose. Il faut donc éviter la fausse réassurance », a commenté le Pr Jean-Philippe Kévorkian, département de diabétologie et endocrinologie à l’hôpital Lariboisière à Paris, pour Medscape édition française.
Interrogé sur le rationnel physiopathologique entre la prescription d’AINS et la survenue d’une IC, le Pr Kévorkian explique : « ils favorisent la rétention hydrosodée via le système rénine-angiotensine. En 2, 3 jours, une semaine d’utilisation, on observe une prise de poids. Cela pose notamment problème parce que de nombreux patients DT2 sont aussi hypertendus. En favorisant la rétention hydrosodée, les AINS altèrent les traitements de l’hypertension et augmentent le risque d’IC ».
Une vaste étude de registres
Auparavant, l'utilisation d'AINS avait déjà été associée à un risque accru d'insuffisance cardiaque dans la population générale[2], mais les données manquaient chez les patients atteints de diabète de type 2.
L’équipe du Dr Anders Holt et coll. (hôpital universitaire de Copenhague, Danemark). a donc étudié l'association entre la prise d'AINS à court terme et le risque de première hospitalisation pour insuffisance cardiaque dans une cohorte nationale de patients atteints de diabète de type 2.
A partir des registres danois, les chercheurs ont identifié les patients diagnostiqués avec un diabète de type 2 entre 1998 et 2021 tout en excluant les patients souffrant d'insuffisance cardiaque ou d'une maladie rhumatologique nécessitant l'utilisation prolongée d'AINS.
Les informations ont été recueillies sur les prescriptions d'AINS oraux célécoxib, diclofénac, ibuprofène et naproxène.
L'étude a porté sur 331 189 patients atteints de diabète de type 2. L'âge moyen était de 62 ans et 44% des patients étaient des femmes.
Au cours de la première année suivant l'inclusion dans l'étude, 16% des patients ont déclaré avoir reçu au moins une prescription d'AINS, tandis que 3% en ont reçu au moins trois. L'ibuprofène était utilisé par 12,2% des patients, le diclofénac par 3,3%, le naproxène par 0,9% et le célécoxib par 0,4%.
Surrisque de 50 % de développer une IC
Au cours d'un suivi médian de 5,85 ans, 23 308 patients ont été hospitalisés pour la première fois pour insuffisance cardiaque.
L'utilisation d'AINS était associée à un risque élevé de première hospitalisation pour insuffisance cardiaque, avec un odds ratio (OR) de 1,43 (intervalle de confiance à 95 % [IC] 1,27-1,63).
Lorsque les AINS individuels étaient analysés séparément, le risque d'hospitalisation pour insuffisance cardiaque était accru après l'utilisation de diclofénac ou d'ibuprofène, avec des OR correspondants de 1,48 (IC95 % : 1,10-2,00) et 1,46 (IC95 % : 1,26-1,69), respectivement. Ce qui ne signifie pas que le célécoxib et le naproxène sont exempts de risque, selon le Pr Kévorkian. « Il y avait juste moins de patients traités avec des AINS », explique-t-il.
En parallèle, l’analyse des sous-groupes n’a pas montré d’association pour les patients présentant des taux normaux d'hémoglobine glyquée (HbA1c) (inférieurs à 48 mmol/mol), signe d’un diabète bien contrôlé à un instant t.
Là encore, le cardiologue parisien appelle à limiter la portée de ce résultat : « l’important étant probablement que le diabète soit équilibré de façon prolongée, sur plusieurs années », souligne-t-il.
A noter que des associations fortes ont été trouvées chez les patients âgés de plus de 65 ans, tandis qu'aucune association n'a été trouvée chez ceux âgés de moins de 65 ans. Aussi, l'association la plus forte a été observée chez les personnes utilisant les AINS très peu fréquemment ou chez ceux qui en prenaient pour la première fois.
En conclusion, les chercheurs soulignent que ces résultats « suggèrent qu’il faut prendre en compte une possible augmentation du risque d'insuffisance cardiaque lorsque l’on envisage de prescrire ces médicaments mais, que les données indiquent qu'il peut être sûr de prescrire des AINS à court terme aux patients âgés de moins de 65 ans et à ceux dont le diabète est bien contrôlé ».
Une conclusion pondérée par le Pr Kévorkian. Selon le praticien, ce papier ne doit pas inciter « à interdire l’utilisation des AINS au-delà de 65 ans car si les patients les prennent, c’est qu’ils souffrent. » Cependant, en cas de prise d’AINS, nous devons surveiller les patients diabétiques de type 2 à risque de développer une insuffisance cardiaque et adapter les traitements, en particulier chez les patients âgés et dont le diabète est déséquilibré ».
Il insiste sur le fait que ce papier est « un signal d’alarme » et souligne que ces données sont très probablement transposables à la France qui, comme le Danemark, compte un taux de patients diabétiques de type 2 d’environ 6%.
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Crédit image de Une : Dreamstime
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Citer cet article: Les AINS associés à un risque accru d’insuffisance cardiaque chez les diabétiques de type 2 - Medscape - 29 août 2022.
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