Barcelone, Espagne – Une polypill peut-elle avoir un intérêt en prévention secondaire cardiovasculaire en limitant les problèmes classiques d’adhésion au traitement ? L’étude SECURE tend à répondre par l’affirmative. Un médicament 3 en 1 regroupant de l’aspirine, un inhibiteur de l'enzyme de conversion (IEC) et une statine s’est montré efficace pour prévenir des événements cardiovasculaires en post-infarctus par comparaison à la prise d’un traitement usuel (médicaments séparés). Les résultats ont été présenté par le Pr Valentin Fuster (Centro Nacional de Investigaciones Cardiovasculares, Madrid, Espagne et Mount Sinai Health System, New York, Etats-Unis) en hotline lors du Congrès de l’ESC 2022[1], et publiés parallèlement dans le NEJM[2].
Choc de simplification
Cela fait bientôt 20 ans que la question de l’intérêt d’une polypill – susceptible d’améliorer l’observance au traitement par un effet de simplification – est posée. En prévention primaire, une récente méta-analyse de trois études randomisées et contrôlées a montré une moindre occurrence des événements cardiovasculaires parmi les patients qui étaient assignés à la prise d’une polypill par rapport au groupe contrôle. Mais SECURE (Secondary Prevention of Cardiovascular Disease in the Elderly) est la première étude randomisée à étudier son impact potentiel en prévention secondaire. Un essai non négligeable lorsque l’on sait que la question de l’adhésion est essentielle en prévention des événements CV et que moins de 50% des patients prennent régulièrement leur traitement après un accident cardiaque.
7 pays européens
Mené dans 113 centres européens (Espagne, Italie, France, Allemagne, Pologne, République Tchèque et Hongrie), l’essai SECURE a alloué de façon aléatoire 2499 patients en post-infarctus à un groupe poly ou un groupe traitement usuel. La polypill contenait de l’aspirine (100 mg), du ramipril (2,5, 5 ou 10 mg) et de l’atorvastatine (20 ou 40 mg) – une titration pour ajustement de doses était possible pour l’IEC et la statine. Le traitement usuel était laissé à la discrétion du médecin traitant.
Le critère primaire composite comprenait les décès cardiovasculaires, les infarctus du myocarde non fatals, les AVC, et les revascularisations en urgence. Une échelle dédiée à l’évaluation de l’observance (Morisky Medication Adherence Scale) a servi à classer celle-ci suivant 3 niveaux : faible, moyenne, élevée.
Pour être éligible, les patients devaient avoir fait un infarctus dans les 6 mois précédent l’inclusion, être âgés de plus de 75 ans ou bien plus de 65 ans et présenter un facteur de risque CV comme le diabète, une insuffisance rénale, ou une revascularisation.
L’âge moyen des participants était de 76 ans, avec 31 % de femmes : 77,9% présentaient une hypertension, 57,4% un diabète et 51,3% des antécédents de tabagisme.
Des visites de suivi ont été effectuées à 6, 12 et 24 mois avec un suivi additionnel par téléphone à 18, 36 et 48 mois.
Au cours du suivi sur 3 ans, le critère primaire composite a été atteint par 118 (9,5%) des patients dans le groupe polypill et par 156 (12,7%) dans le groupe traitement usuel (HR : 0,76, [IC95% : 0,60-0,96] ; p<0,001 pour non-infériorité et P = 0,02 pour la supériorité). Si les 4 éléments du critère composite ont contribué à cet effet-traitement, le contributeur le plus notable était le décès cardiovasculaire qui est survenu chez 48 (3,9%) patients du groupe polypill et 71 (5,8%) du groupe traitement usuel (HR : 0,67, [IC95% : 0,47-0,97] ; p = 0,03).
Changement de pratiques ?
Commentant les résultats lors de la présentation de l’étude en session, le Pr Fuster a mentionné que « les courbes ont commencé à se séparer au tout début de l’essai, et ont continué tout du long, ce qui laisse penser que les résultats auraient été encore plus évidents avec un suivi plus long ».
Le critère secondaire principal qui comprenait les décès cardiovasculaires, les infarctus du myocarde non fatals, et les AVC est survenu chez 101 patients (8,2%) du groupe polypill contre 144 (11,7%) du groupe traitement usuel (HR : 0,70, [IC95% : 0,54-0,90] ; p = 0,005), ce que l’investigateur a considéré comme un « bénéfice très significatif ».
La mortalité toute cause, en revanche, était similaire dans les 2 groupes (HR : 0,97, [IC95% : 0,75-1,25]). Assez logiquement, les patients sous polypill ont montré le taux d’observance le plus élevé.
A noter : aucune différence n’est apparue pendant le suivi en termes de pression artérielle ou de taux de cholestérol LDL. Par ailleurs, les effets secondaires ont été similaires dans les 2 groupes.
A l’issu de la session, le Pr Fuster a conclu que « ces résultats montrent que la polypill (comme substitut à une multiprise) pourrait tout à fait intégrer les stratégies de prévention des événements cardiovasculaires chez les patients en post-infarctus. En simplifiant le traitement et en améliorant l’adhésion, cette approche a le potentiel nécessaire pour réduire le risque de récurrence de la maladie et de décès CV à l’échelle globale ».
Des limites
Invitée par l’ESC à commenter l’étude en session, la Dr Louise Bowman (University of Oxford, Royaume-Uni) a reconnu que l’adhésion au traitement constitue « problème majeur » et a parlé de « résultats très impressionnants », et d’autant plus « remarquables » qu’ils ont été obtenus pendant la période de pandémie au Covid.
Elle a toutefois pointé un certain nombre de limites dont le fait que l’étude a été menée en « ouvert », tout en reconnaissant qu’« il n’y avait aucun moyen pour que l’essai soit en aveugle », que l’adhésion était rapportée par le patient lui-même et que 14% des participants n’avaient pas eu un suivi complet (probablement en raison de la pandémie).
« Les résultats sont en rapport avec les attentes mais doivent être interprétés avec précautions sur la base de ces limites » a-t-elle ajouté, appelant de ses vœux à un essai plus vaste.
En réponse à ces objections, le Pr Fuster a fait valoir « que les divergences précoces dans les courbes et la tendance favorable à la polypill identique au sein des 16 sous-groupes spécifiés (pays, âge, sexe, diabète, maladie rénale chronique, antécédent de revascularisation) étaient en faveur de la validité de l’étude ».
Le Pr Fuster a déclaré de pas avoir de liens d’intérêt.
L’étude SECURE a été financée par le programme de recherche et d’innovation à l’horizon 2020 de l’Union Européenne (bourse n°633765). Le Centro Nacional de Investigaciones cardiovasculares a reçu de l’argent pour la vente de la polypill (Trinomia/sincronium) de la part de Ferrer. |
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Crédit de Une : Dreamstime
Citer cet article: La polypill en prévention secondaire marque 1 point dans SECURE - Medscape - 27 août 2022.
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