France — Alors que 17 naturopathes ont été suspendus de Doctolib, le parquet de Montpellier a décidé d'ouvrir une enquête judiciaire au sujet de deux faux psychiatres qui proposaient des consultations médicales via la plateforme de prise de rendez-vous en ligne. Par ailleurs, Doctolib a également déposé plainte contre X en tant que partie civile le 22 juillet 2022 devant le procureur de la République auprès du tribunal judiciaire de Montpellier pour escroquerie, exercice illégal de la médecine et usurpation d’identité.
Polémique
Doctolib est depuis la semaine dernière au cœur de la polémique après qu’un collectif nommé « L’Extracteur », un groupe de veille sur la désinformation en matière de santé et d’alimentation, a épinglé sur les réseaux sociaux, plusieurs naturopathes se disant formés aux pratiques d’Irène Grosjean, et accessibles sur la première plateforme de rendez-vous en ligne médical. En cause, les pratiques de cette naturopathe de 92 ans qui recommande notamment « le bain de siège à friction de Louis Kuhne » pour soigner une fillette ou un bébé souffrant de fièvre, soit des frottements des parties génitales pour abaisser la température. Au-delà de cet exemple, c’est l’absence de contrôle de Doctolib quant aux thérapeutes à qui elle donne accès qui pose problème et qui été pointé du doigt par un article du Parisien . Dans le cas présent, l’accès à ces 17 praticiens a été suspendus par la plateforme.
Deux faux médecins
C’est aussi le cas de deux faux médecins, selon une enquête de France info . Le parquet de Montpellier a en effet ouvert une enquête en juillet dernier, contre deux escrocs qui se faisaient passer pour des psychiatres sur cette même plateforme de rendez-vous médicaux. La supercherie a été dévoilée par une mère de famille qui avait pris rendez-vous pour son enfant avec l'un de ses faux médecins, en l'absence de son psychiatre traitant, en juin dernier. La téléconsultation se déroule mal, le faux médecin ayant du mal à comprendre les acronymes (TDAH, trouble de l'attention avec hyperactivité) employés par la mère de famille pour décrire la pathologie de ses enfants. Suspicieuse, la mère de famille fait opposition au règlement de sa consultation et décide de porter plainte le 21 juin.
Contacté par la famille, la plateforme Doctolib leur a expliqué qu'entre l'inscription d'un médecin sur l'application et la réception de ses pièces justifiant son droit d'exercer la profession, un délai de quinze jours s'écoule pendant lequel le médecin peut donc prendre des consultations, sans que Doctolib n'ait pu vérifier ses diplômes et sa carte professionnelle. C'est durant ce délai de 15 jours que de faux médecins peuvent donc prendre des consultations en toute illégalité. Le conseil départemental de l'Ordre des médecins de l'Hérault a décidé de porter plainte contre Doctolib. De son côté, Doctolib a également déposé plainte contre X en tant que partie civile le 22 juillet 2022 devant le procureur de la République auprès du tribunal judiciaire de Montpellier pour escroquerie, exercice illégal de la médecine et usurpation d’identité.
Doctolib prend des mesures
Sur son compte Twitter, Doctolib a dû se justifier et prendre des mesures drastiques. Outre la suspension de 17 naturopathes, Doctolib a annoncé ce 25 août une évolution de ses procédures afin « qu'aucune prise de rendez-vous ne puisse désormais être réalisée sur Doctolib avant que la vérification du droit d'exercer d'un professionnel de santé ne soit effective ».
La plateforme française annonce aussi l'ouverture d'une grande consultation « avec notre comité médical et professionnel, la Miviludes, les syndicats de professionnels de santé, les Ordres de santé, les associations de patients et les autorités sanitaires afin de mieux encadrer le référencement des praticiens non réglementés sur Doctolib ».
Ainsi, Doctolib ne bannit pas de sa plateforme les non-médecins, mais souligne qu'ils ne seront pas désignés comme « professionnels de santé ». « Du fait de leur présence dans les établissements de santé [...] les praticiens de ces spécialités ont le droit d'exercer : ils effectuent des activités légales qui sont enregistrées au registre du commerce. »
Confusion
Ces mesures seront-elles suffisantes pour calmer la colère de la profession médicale ? Pas sûr. Dans un communiqué du 23 août, le Conseil national de l'ordre des médecins, tout en louant les services rendus par Doctolib notamment au plus fort de la pandémie de Covid, affirme que la plateforme « ne peut laisser s'installer une confusion entre professionnels de santé et personnes ne s'inscrivant pas dans l'exercice médical ».
Toutefois, « l'Ordre se tient prêt à participer à cette réflexion indispensable pour rassurer les patients, leur garantir la sécurité et la qualité des soins et aussi pour aider au mieux les médecins dans leur exercice. »
La Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) adopte une position plus offensive, en demandant la réglementation des médecines alternatives : « La CSMF demande au Ministre de la Santé, en lien avec les Conseils de l’Ordre concernés et les syndicats professionnels, de réglementer l’accès aux médecines alternatives et d’en interdire toute publicité. La médecine est un exercice reposant sur des recommandations scientifiques. Elle doit être exercée au sein d’un parcours de soins dont le pilote est le médecin généraliste. L’usage de thérapies alternatives peut être envisagé mais dans le cadre de ce parcours et avec la rigueur nécessaire à des soins de qualité », peut-on lire dans un communiqué.
Dès 2018, l’UFML avait tiré la sonnette d’alarme
En 2018, Doctolib avait déjà été accusé, notamment par l'Union française pour une médecine libre (UFML) d'héberger des « charlatans » : « Celle-ci favorise le développement de pratiques sectaires ciblées par la Milivitudes telles que, le Reiki ou la kinésiologie, ou encore, de Fakes-médecines telles que, « Energéticiens, Naturopathe ou autres Fakemed » en les faisant apparaître sous la phrase générique “prendre rendez-vous en ligne chez un confrère” et, sous la marque “Doctolib” ou le préfixe “docto”, renvoie à des professions médicales réglementées, en une tromperie construite et réfléchie. » Doctolib avait fait amende honorable et avait promis de retirer de son application toutes les professions non médicales
Force est de constater, quatre ans plus tard, que le ménage n'a pas été fait correctement, et que la position de Doctolib, concernant les « médecines alternatives », a évolué...
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Citer cet article: Faux médecins, naturopathes : le parquet ouvre une enquête judiciaire - Medscape - 29 août 2022.
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