Prendre les antihypertenseurs le soir ou le matin? TIME clôtle débat

Aude Lecrubier

Auteurs et déclarations

26 août 2022

Barcelone, Espagne __ Est-il préférable de recommander la prise d’antihypertenseurs le soir ou le matin ? L’étude TIME présentée par le Pr Thomas MacDonald (Université de Dundee, Royaume-Uni) lors de la première session hotline du Congrès ESC 2022[1,2] devrait clore le débat.

L’étude de supériorité qui a randomisé plus de 21 000 patients hypertendus suivis pendant plus de cinq ans montre que le risque d’infarctus du myocarde, d’accidents vasculaires cérébraux et de décès vasculaires n’est pas affecté par le fait que les médicaments antihypertenseurs soient pris le matin ou le soir.

« On ne voit aucune différence, rien du tout », a commenté l’orateur en conférence de presse.

Pourtant, il existait bien un rationnel à l’idée qu’une prise nocturne puisse être plus intéressante.

« La pression artérielle ne descend pas la nuit chez de nombreux patients. Elle est l’un des meilleurs prédicteurs d’événements cardiovasculaires. Nous pensions que si le pic d’efficacité des antihypertenseurs survenait la nuit, cela diminuerait le risque d’événements cardiovasculaires. Cela aurait été la mesure la plus « coût-efficace » qui soit mais ce n’est pas ce que nous avons observé. J’ai été surpris par ces résultats, comme l’ensemble de l’équipe », explique le cardiologue.

Cette recherche contredit les résultats d’autres études[2,3,4,5], notamment ceux de l’étude HYGIA qui suggéraient un bénéfice cardiovasculaire très important de la prise nocturne, une réduction de 42 % des événements cardiaques avec la prise le soir[2].

Cette étude avait toutefois été vivement critiquée par la communauté médicale en raison d’erreurs potentielles de randomisation et l'invraisemblance de son effet-taille.

« L’étude Hygia a vraiment fait polémique. Avec la méthodologie employée par l’étude, il n’était tout simplement pas possible d’obtenir les résultats rapportés. Certains scientifiques ont même demandé à ce que l’étude soit rétractée. Il semble que l’étude TIME apporte désormais une réponse claire à cette question », a commenté le Pr Xavier Girerd (hôpital de la Pitié Salpêtrière, Paris) pour Medscape édition française.

Détails de l’étude

Dans l’étude TIME, des adultes recevant au moins un médicament antihypertenseur et disposant d'une adresse électronique valide ont été recrutés au Royaume-Uni par le biais d’annonces notamment dans les services hospitaliers et auprès de patients inclus dans des bases de données et ayant donné leur consentement pour être contactés.

Après s'être inscrits sur le site Internet de l'étude TIME et confirmation de leur éligibilité, les participants ont été randomisés pour prendre leur traitement antihypertenseur habituel le matin (entre 6h et 10h) ou le soir (entre 20h et minuit). Les patients recevant des antihypertenseurs deux fois par jour ont été exclus de l’étude.

Le critère d'évaluation principal composite était l'hospitalisation pour infarctus du myocarde non fatal ou accident vasculaire cérébral non fatal, ou le décès d'origine vasculaire, dans la population en intention de traiter.

Les informations sur les hospitalisations et les décès ont été obtenues par courrier électronique et par recoupement avec des bases de données nationales. D'autres données ont été recueillies auprès des médecins de famille et des hôpitaux et évaluées par un comité indépendant n’ayant pas connaissance du moment de la prise des antihypertenseurs.

Au total, 21 104 patients ont été randomisés, 10 503 pour la prise du soir et 10 601 pour la prise du matin. L'âge moyen des participants était de 65 ans, 58 % étaient des hommes et 98 % étaient blancs. La durée médiane du suivi était de 5,2 ans, mais certains ont participé à l'étude pendant plus de neuf ans.

Le critère d'évaluation principal est survenu chez 362 (3,4 %) participants du groupe recevant la dose du soir (0,69 événement pour 100 patients-années) et 390 (3,7 %) du groupe recevant la dose du matin (0,72 événement pour 100 patients-années), ce qui donne un rapport de risque non ajusté de 0,95 (intervalle de confiance à 95 % : 0,83-1,10 ; p=0,53).

Aucune différence n’a été observée parmi les sous-groupes, notamment chez les patients diabétiques dont la PA nocturne reste souvent élevée.

Aussi, les chercheurs craignaient d’observer une baisse excessive de la pression artérielle durant la nuit avec la prise nocturne mais l’étude a montré que la prise d’antihypertenseurs le soir n’était pas associée à plus d’événements et notamment à un risque particulièrement plus élevé de chutes et de fractures.

Si, la modératrice de la session, Rhian Touyz (Mcgill University - Montreal, Canada) a questionné la pertinence de ces résultats chez les patients à haut risque ou avec une hypertension résistante, pour les auteurs, l’absence de différences dans l’ensemble des sous-groupes montre qu’il n’y a pas d’intérêt à prendre les traitements antihypertenseurs le soir.

 « On peut dire aux patients de prendre leurs antihypertenseurs quand ils le veulent »,a  conclu le Pr MacDonald.

Et ce en dépit des quelques limites de l’étude :  auto-sélection des patients, faible nombre d’événements cardiovasculaires et non-compliance au traitement.

Un point sur lequel le Pr Girerd est en désaccord : « de mon expérience, il vaut mieux indiquer précisément l’heure de prise des médicaments sur l’ordonnance dans les maladies chroniques sinon les patients sont perdus. Personnellement, je conseille de prendre les antihypertenseurs le matin car la routine du matin est souvent bien rodée alors qu’elle peut changer le soir ce qui est propice aux oublis. Il faut absolument éviter le midi, lorsque les patients sont au travail ».

Financement : L'étude TIME a été financée par la British Heart Foundation (CS/14/1/30659) et soutenue par la British and Irish Hypertension Societyet le National Institute for Health and Care Research au Royaume-Uni.

Déclarations d’intérêt : TMM fait état de subventions de la British and Irish Hypertension Society pour l'étude pilote TIME, de la British Heart Foundation et du soutien du NIHR HTA pour le travail soumis. Il a reçu des fonds pour la recherche de la part de Menarini/Ipsen/Teijin et MSD et des fonds du NIHR HTA en dehors du travail soumis et des revenus personnels pour la consultation de Novartis et AstraZeneca en dehors du travail soumis et il est un administrateur de la Scottish Heart Arterial Risk Prevention (SHARP) Society.

 

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