France – La recherche du lien à court terme entre la mortalité (toutes causes confondues) et la température a fait l’objet de précédentes publications scientifiques : un excès de mortalité est documenté, à la fois pendant les périodes les plus froides, mais aussi pendant les périodes les plus chaudes, ce qui correspond à une relation en U. Mais qu’en est-il selon les causes de décès ? Pour la première fois, une étude française s’est penchée sur ce phénomène sur une période de près de 50 ans. Leurs résultats confirment la relation en U observée entre la température et la plupart des causes de décès, à l’exception de la mortalité par suicide qui croit régulièrement en fonction de la température. Par ailleurs, l’effet des températures extrêmes sur la mortalité toutes causes semble s’être légèrement atténué au cours de cette période. Ces travaux font l’objet d’une publication dans l’American Journal of Epidemiology [1].
Courbe en U pour toutes les causes de décès sauf pour le suicide
Pour ce faire, des chercheurs et chercheuses de l’Inserm, au sein de l’Institut pour l'avancée des biosciences (Inserm/Université Grenoble Alpes/CNRS) et du Centre épidémiologique des causes médicales de décès (CépiDc) de l’Inserm se sont appuyés sur le registre des causes médicales de décès de l’Inserm (CépiDc), qui dispose d’un recul permettant de remonter jusqu’à 1968. Au total, 24,4 millions de décès ont été enregistrés sur 49 ans, dont plus de 502 000 par suicide.
Les scientifiques ont croisé le nombre de décès survenant chaque jour dans chaque région avec les températures quotidiennes tout au long de la période d’observation.
Les résultats montrent que lorsqu’on considérait tous les décès simultanément, le taux de mortalité était minimal quand la température était proche de 20 °C, et croissait à la fois quand la température augmentait au-delà de 20 °C ou diminuait en dessous de 20 °C. Parmi les 22 causes de décès considérées, presque toutes suivaient cette relation en U déjà décrite dans le passé (cf. graphique ci-dessus).

Association température (abscisses)-risque relatif de mortalité (ordonnées) toutes causes de décès confondues sur la période 1968-2016 (relation en U)[1].
Seule exception : la mortalité par suicide, qui, elle, augmente de façon régulière avec la température, depuis les températures les plus basses jusqu’aux plus élevées (cf. graphique ci-dessous). Parmi les 22 causes de décès considérées, le suicide se classait au septième rang en matière de sensibilité à la chaleur.

Association température-mortalité des décès par suicide sur la période 1968-2016 [1].
A noter qu’en ce qui concerne plus spécifiquement le lien entre chaleur et suicide, l’association la plus forte a été trouvée avec la température le jour du décès (plutôt que celle des jours précédents), c’est-à-dire qu’il s’agit d’une association à très court terme.
Hypothèses
« Pour creuser ces résultats, il serait intéressant d’étudier des paramètres biologiques qui permettraient de comprendre les mécanismes sous-jacents permettant d’expliquer ce lien entre température et suicide », précise Rémy Slama, le dernier auteur dans un communiqué Inserm [2]. Et ce d’autant que parmi les 10 causes de décès les plus fortement liées à la chaleur, au total, quatre impliquaient le système nerveux (troubles mentaux et comportementaux, maladies du système nerveux, maladies cérébrovasculaires et suicide), ce qui suggère une grande sensibilité du système nerveux aux températures élevées.
« Les hypothèses existantes incluent au moins deux pistes non exclusives : d’une part une modification des relations sociales quand les températures sont très élevées, qui pourrait influencer un passage à un acte suicidaire ; d’autre part, sur le plan biologique, une altération du fonctionnement des systèmes endocriniens et nerveux en cas de grande chaleur, qui pourrait augmenter le risque de suicide, poursuit-il [2]. Des travaux indiquent notamment une tendance à la baisse des niveaux de l’hormone sérotonine quand la température est élevée. Or, un niveau abaissé de sérotonine, neuromédiateur impliqué dans la régulation de l’humeur et de l’anxiété, pourrait être impliqué dans le passage à l’acte suicidaire », propose le directeur de recherche.
Tendance à l’adaptation de la société française aux températures extrêmes
En plus de déterminer dans quelle mesure cette relation entre température et mortalité varie en fonction de la cause médicale du décès, les chercheurs ont également recherché s'il existe des signes d’adaptation aux températures extrêmes, question importante dans le contexte du changement climatique. Pour ce faire, ils ont découpé la période d’étude de 49 ans en trois.
Leurs résultats sont en effet concluants et montrent que les effets de la température sur la mortalité toutes causes confondues et sur la mortalité par suicide se sont atténués entre les périodes 1968-1984 et 1985-2000.
Pour une même température, le risque de décès était moins élevé durant la période 1985-2000 que durant la période 1968-1984. Ceci était observé à la fois pour l’effet des températures chaudes au-dessus de 20 °C, mais aussi pour les températures froides autour de 0 °C, ce qui pourrait être le signe d’une meilleure adaptation de notre société.
Néanmoins, aucune nouvelle atténuation n’a été constatée au cours de la période 2001-2016 par rapport à la période précédente (1985-2000).
« Ces résultats indiquent une tendance à l’adaptation de la société française aux températures extrêmes, chaudes mais aussi probablement froides, à la fin du 20e siècle », considèrent les auteurs.
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Citer cet article: Températures élevées : un impact à court terme sur toutes les causes de décès, y compris le suicide - Medscape - 26 août 2022.
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