Par imagerie, on voit l'effet de la méditation sur la douleur

Liam Davenport

Auteurs et déclarations

25 août 2022

Madison, Etats-Unis – Des nouveaux travaux de recherche démontrent comment la pleine conscience modifie l'activité cérébrale liée à la douleur, ce qui ouvre la voie à une prise en charge plus ciblée de la douleur. A l'occasion d'un essai randomisé, plus de 100 personnes en bonne santé ont été assignées soit à un programme de huit semaines de réduction du stress fondé sur la pleine conscience (MBSR), soit à un programme global d'amélioration de la santé de la même durée, soit elles étaient inscrites sur liste d'attente.

Une imagerie cérébrale des participants a été réalisée pendant un test à la douleur. Elle a montré que ceux qui avaient terminé le programme MBSR présentait une signature cérébrale de l'intensité douloureuse réduite. Les résultats ont été publiés en ligne dans l'American Journal of Psychiatry.

« Nos travaux confirment que la pratique de la pleine conscience modifie directement la façon dont les signaux sensoriels sont convertis en une réponse cérébrale » indique Joseph Wielgosz (Center for Healthy Minds, University of Wisconsin-Madison), l'investigateur principal de cette étude dans un communiqué.  

 
Nos travaux confirment que la pratique de la pleine conscience modifie directement la façon dont les signaux sensoriels sont convertis en une réponse cérébrale. Joseph Wielgosz
 

D'autres analyses chez des méditants aguerris ont montré que le temps passé dans des retraites de méditation était associé à des changements neuronaux, eux-mêmes associés à la perception de la douleur. « Tout comme un athlète expérimenté pratique le sport différemment qu'un débutant, ceux qui pratiquent la méditation de pleine conscience utilisent leurs « muscles » cérébraux différemment en réponse à la douleur », souligne-t-il.

De la complexité de la douleur  

Joseph Wielgosz a rappelé à Medscape Medical News que la douleur était une perception « complexe » avec de multiples stades et différentes phases entre le moment où le signal est perçu par les propriocepteurs et le ressenti de la peine. « La façon dont la pleine conscience modifie les processus de la douleur a plus à voir avec la manière dont le cerveau interprète les signaux douloureux », a-t-il poursuivi.

Les investigateurs soulignent que comprendre les mécanismes neurocognitifs sous-jacents à ces méthodes non-pharmacologiques de prise en charge de la douleur est « un objectif prioritaire pour améliorer le traitement de la douleur ».

Des données provenant d'expériences en laboratoire et d'études transversales ont montré que la pratique de la pleine conscience était associée à des modifications à la fois des processus sensoriels et des réseaux de régulation des émotions, rappellent les investigateurs. « Mais on ne disposait jusqu'à présent d'aucune étude standardisée, sur une durée complète et avec une technique largement utilisée comme la MBSR», précisent-ils.

Douleur induite par la chaleur

Cet essai randomisé a inclus 115 participants qui n'avaient jamais médité. 61,7% étaient des femmes et l'âge moyen était de 48,3 ans. Plus de la moitié des participants (58%) avait un diplôme universitaire et leur statut socio-économique était élevé.

Les participants ont été randomisés en trois groupes : dans le premier, ils suivaient un programme MBSR de huit semaines, dans le second, considéré comme le groupe « contrôle actif » il s'agissait d'un programme de santé globale de 8 semaines et enfin dans le troisième, le groupe « contrôle », les participants étaient considérés comme « en liste d'attente » et il n'y avait pas d'intervention.

Le programme MBSR impliquait une instruction et de la pratique avec une attention particulière sur la respiration, les sensations corporelles et le mental dans différentes postures (assis, en marchant, en faisant du yoga). Le programme « contrôle actif » était semblable au programme MBSR dans la durée et la structure mais avec des éléments thérapeutiques non-spécifiques comme des groupes de soutien.

Pour évaluer l'effet des interventions sur la douleur, les participants ont été soumis à une expérience douloureuse au cours de laquelle 20 stimuli thermiques étaient appliqués à l'intérieur du poignet gauche pendant 12 secondes, dont 8 à la température maximale. Entre deux stimuli, les participants devaient réaliser une tâche pour les distraire et ils devaient noter l'intensité et le caractère désagréable de leur expérience sur une échelle de 0 à 20. Pendant la réalisation de cette tâche, les participants étaient placés dans une machine à IRM pour évaluer la signature NPS à la stimulation douloureuse ainsi qu'une signature douloureuse indépendante de l'intensité du stimulus (SIIPS-1).

La signature NPS est activée en réponse à divers types de stimuli douloureux mais ne répond pas à des stimulis émotionnels évocateurs de la douleur ou à un traitement placebo. En revanche, la signature SIIPS-1 est activée en réponse à différents aspects de la douleur qui ne sont pas liés au stimulus lui-même. Elle met en jeu « des circuits cognitifs et émotionnels plus vastes », dont ceux liés à l'anticipation et aux processus cognitifs de modulation de la douleur.

Des signatures neurales

Les résultats ont montré que dans tous les groupes, l'âge était associé négativement à la fois avec la signature NPS (P= 0,001) et la réponse SIIPS-1 (<0 ,001) mais pas dans les rapports subjectifs.

Les personnes du groupe MBSR ont connu une diminution significative des réponses NPS par rapport à celles du groupe HEP (P = 0,05), et aux évaluations avant et après l'intervention (P = 0,023).

Les personnes du groupe MBSR ont également connu des diminutions "marginales" des réponses NPS par rapport au groupe de la liste d'attente (P = 0,096).

Aussi dans le bras MBSR, les réponses SIIPS-1 étaient diminuées, mais la réduction était faible, en comparaison au groupe « contrôle actif » (P= 0,089) et au groupe en liste d'attente sans intervention (P= 0,087).

Concernant l'évaluation subjective de la douleur, il y avait également une réduction minime dans le groupe MBSR en comparaison avec celui en liste d'attente (P= 0,078) ainsi qu'avant et après le programme (P= 0,028).

Le second groupe avait aussi une réduction mineure dans la perception désagréable de la douleur en comparaison avec le groupe contrôle (P = 0,043), ainsi qu'en post-intervention versus pré-intervention pour l'intensité de la douleur (P = 0,046) et le désagrément lié à la douleur (P = 0,007).

Les chercheurs ont également comparé 30 méditants aguerris ayant déjà au moins trois ans d'expérience de méditation, y compris la participation à de multiples retraites intensives et la pratique quotidienne, à des personnes qui n'avaient jamais médité.

Les méditants ont déclaré avoir des douleurs significativement moins importantes dans leur intensité et leur désagrément causé que ceux qui ne pratiquaient pas (P <0,001).

Un plus grand nombre d'heures de pratique au cours de retraite était lié à une plus grande réduction des critères de la douleur. Cette association demeure après ajustement pour le genre et la fréquence respiratoire.

En revanche, le nombre d'heure de pratique quotidienne n'était pas significativement associé aux critères de la douleur parmi les méditants. Bien qu'il n'y ait pas de différence moyenne dans les signatures neurales, les chercheurs ont constaté une relation inverse entre les heures de retraite et la réponse SIIPS-1 (P = 0,027).

« Nous voyons des changements biologiques »

Invité à commenter ce travail, le Dr Fadel Zeidan (University of California, San Diego) a expliqué à Medscape Medical News que concernant les expériences d'atténuation de la douleur, la pleine conscience engageait des mécanismes tout à fait nouveaux. 

Cela dit, le « point le plus remarquable de cette étude » est que l'effet sur la douleur se produisait lorsque les participants ne méditaient pas, « ce qui va dans le sens que l'entrainement mental est comme l'entrainement physique », a-t-il poursuivi. Cette notion n'avait pas pu être appréciée auparavant, « parce que nous n'étions pas capables de voir les changements » dans la mesure où les évaluations se fondaient seulement sur des auto-évaluations.

 
L'entrainement mental est comme l'entrainement physique. Dr Fadel Zeidan
 

Mais combiner ces autoévaluations avec de l'imagerie cérébrale et d'autres méthodes objectives signifie qu'aujourd'hui « nous voyons les changements biologiques ».

Fadel Zeidan a ajouté que la pleine conscience est différente des autres techniques de modulation de la douleur parce qu'elle peut se pratiquer seul.

« Les gens peuvent apprendre cette technique gratuitement en ligne. Ils peuvent apprendre la recette et l'utiliser immédiatement pour apaiser leur propre douleur », a-t-il fait remarquer. Avant de détailler :« Il n'y a rien d'autre sur cette Terre qui puisse réduire immédiatement votre douleur. Vous devez attendre 45 minutes pour que le Tylenol agisse et la distraction ne peut pas marcher si longtemps. Par ailleurs, vous ne pouvez pas vraiment vous donner vous-même un placebo ».

 
Il n'y a rien d'autre sur cette Terre qui puisse réduire immédiatement votre douleur. Dr Fadel Zeidan
 

 

L’article a été publié initialement sur Medscape.com sous l’intitulé « Mindfulness 'Changes the Biology' of Pain ».  Traduit/adapté par Marine Cygler.

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