Cannabis thérapeutique : plus de troubles du rythme ?

Aude Lecrubier

Auteurs et déclarations

23 août 2022

Barcelone, Espagne __  Le cannabis prescrit pour des douleurs chroniques est associé à une élévation du risque de troubles du rythme, selon une recherche qui sera présentée au Congrès ESC 2022 le 27 août et qui a fait l’objet d’un communiqué de l’ESC[1,2].

Le cannabis médical a été approuvé en janvier 2018 à titre expérimental au Danemark. Les médecins peuvent le prescrire pour les douleurs chroniques si toutes les autres mesures, y compris les opioïdes, se sont révélées insuffisantes. Les produits qui peuvent être prescrits sont le dronabinol (taux élevé de THC), le cannabinoïde (plus de THC que de CBD) et le cannabidiol (taux élevé de CBD). Le médicament peut être inhalé, ingéré ou vaporisé dans la bouche.

A noter qu’en France, le cannabis médical est aussi en cours d’expérimentation depuis un peu plus d’un an. A ce stade, selon les données de l’ANSM, si les traitements semblent avoir une efficacité sur la douleur, un tiers des patients inclus dans l’expérimentation sont sortis de l’étude en raison d’effets secondaires. Sur 1086 effets indésirables rapportés, 27 étaient d’origine cardiaque dont deux syndromes coronariens.

Focus sur les arythmies

En raison des données de sécurité encore rares, la Dr Nina Nouhravesh (hôpital universitaire de Gentofte, Danemark), auteure principale de l’étude, et coll se sont intéressés aux effets secondaires cardiovasculaires du cannabis médical, et en particulier aux arythmies, puisque des troubles du rythme cardiaque ont déjà été constatés chez des consommateurs de cannabis récréatif[3].

Les chercheurs ont identifié un total de 1,6 million de patients diagnostiqués avec des douleurs chroniques au Danemark entre 2018 et 2021. Parmi eux, 4 931 patients (0,31%) ont rapporté au moins une prescription de cannabis (dronabinol 29%, cannabinoïdes 46%, cannabidiol 25%).

Chaque utilisateur a été apparié par âge, sexe et diagnostic de la douleur à cinq non-utilisateurs souffrant de douleurs chroniques qui ont servi de témoins. Les utilisateurs et les témoins ont été suivis pendant 180 jours et leurs risques de nouveaux troubles cardiovasculaires ont été comparés. L'âge médian des participants était de 60 ans et 63 % étaient des femmes.

A l’origine des douleurs…

L'étude rapporte, pour la première fois, les pathologies à l’origine des douleurs chroniques des utilisateurs de cannabis médical.

17,8 % d'entre eux souffraient d'un cancer, 17,1 % d'arthrite, 14,9 % de douleurs dorsales, 9,8 % de maladies neurologiques, 4,4 % de maux de tête, 3,0 % de fractures compliquées et 33,1 % d'autres diagnostics (principalement des douleurs chroniques non précisées).

Faible risque absolu mais forte augmentation relative

Le risque absolu d'apparition d’une nouvelle arythmie était de 0,86 % chez les consommateurs de cannabis médical, contre 0,49 % chez les non-consommateurs, soit un risque relatif de 1,74. Les risques d'apparition d'un syndrome coronarien aigu et d'une insuffisance cardiaque ne différaient pas entre les deux groupes.

Les résultats étaient similaires quelle que soit l’origine de la douleur chronique et le type de cannabis médical utilisé.

« Notre étude a révélé que les consommateurs de cannabis médical présentaient un risque 74% plus élevé de troubles du rythme cardiaque par rapport aux non-consommateurs ; toutefois, la différence de risque absolu était modeste. Il faut noter qu'une plus grande proportion des personnes du groupe cannabis prenaient d'autres médicaments contre la douleur, à savoir des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), des opioïdes et des anti-épileptiques, et nous ne pouvons pas exclure que cela puisse expliquer la plus grande probabilité d'arythmies », précise la chercheuse.

 
Les consommateurs de cannabis médical présentaient un risque 74% plus élevé de troubles du rythme cardiaque par rapport aux non-consommateurs ; toutefois, la différence de risque absolu était modeste. Dr Nina Nouhravesh
 

« Le cannabis médical étant un médicament relativement nouveau pour un large marché de patients souffrant de douleurs chroniques, il est important d'étudier et de signaler les effets secondaires graves. Cette étude indique qu'il pourrait y avoir un risque d'arythmie non signalé auparavant suite à la consommation de cannabis médical. Même si la différence de risque absolu est faible, les patients et les médecins devraient disposer d'un maximum d'informations pour peser le pour et le contre de tout traitement », conclut-elle.

Financement : L'investigateur principal, Anders Holt, et cette étude ont été financés par des subventions externes et indépendantes de "Ib Mogens Kristiansens Almene Fond" (J. nr. 30206-383), "Helsefonden" (20-B-0035) "Snedkermester Sophus Jacobsen og hustru Astrid Jacobsen Fond" (J 167/1), "Marie og M.B. Richters Fond" (J. nr. 2020-0379) et "Dagmar Marshalls Fond". Morten Lamberts a bénéficié d'une subvention de la Fondation danoise du cœur. Aucun de ces fonds n'a eu d'influence sur la conduite de cette étude. Divulgations : Aucune n'a été déclarée.

 

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